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tout le nombre des chiens menés à la chasse se trouvent à la mort du cerf, qui se monte depuis quarante jusqu’à soixante chiens, des chasses plus, & d’autres moins.

Le grand nombre de chiens ne fait pas faire de plus belles chasses, au contraire, quand on attaque plusieurs cerfs ensemble avec quarante à cinquante chiens de meute, que cela se sépare en quatre ou cinq parties, on cherche l’occasion d’en trouver un séparé seul pour y faire découpler la vieille meute, mais cela n’empêche pas les autres chiens de chasser séparément ; on fait ce qu’on peut pour les rompre & les enlever, ils en entendent d’autres, ils échappent & y vont ; plusieurs cerfs se trouvent échauffés ensemble, les voies se croisent, les chiens tournent au plus près d’eux ; si ce n’est pas le cerf à quoi ils ont tourné qu’on veut chasser, on rompt les chiens, pendant ce tems quelques chiens forlongent le cerf, on remet les autres sur la voie qui est foulée par ceux qui sont en avant ; ils chassent mollement, la plûpart de l’équipage est dispersé, & cela fait faire de très-mauvaises chasses.

Je serois du sentiment de M. de Ligniville, de n’avoir à la chasse que soixante à soixante & dix chiens, vingt à vingt-deux de meute, & seize à chacun des trois relais ; quand les chiens de meute se sépareroient, le nombre étant moindre, il seroit bien plus aisé de les arrêter & de les rallier à la voie du cerf qu’on veut chasser, & de les accoutumer à l’obéissance, ce qui feroit faire toujours de bien plus belles chasses ; les veneurs & les chiens seroient bien plus ensemble, & l’amusement du maître plus complet. Je suivrois encore le conseil de M. de Ligniville, de ne pas mettre un trop grand nombre de jeunes chiens à la fois dans la meute ; il n’en mettoit par an que la sixieme partie du nombre dont sa meute étoit composée. Il dit les inconvéniens du grand nombre ; il faut faire réformer tous les chiens inutiles, comme les vieux qui ne peuvent plus tenir avec les autres, ceux qui au bout de six mois ne veulent point chasser, & ceux qui sont lourds, épais & mal faits ; je ne voudrois que des chiens qui chassassent bien ensemble, & autant qu’il seroit possible qui fussent du même pié, criant bien ; c’est un bel ornement à la chasse qu’un beau bruit de chiens.

On pourroit garder six ou huit chiens avec les vieux qui ne peuvent plus tenir comme les autres, ceux qui sont lourds, épais, pour en faire une harde qui serviroit pour fouler l’enceinte où on feroit rapport, & faire partir le cerf.

Si l’on mene le nombre de soixante-dix chiens à la chasse, & comme il est dit ci-dessus, qu’il faille encore trouver six chiens de la meute pour fouler l’enceinte, il est aisé d’en prendre le nombre sur les chiens de meute & ceux de relais ; qu’il y en ait dix-huit ou vingt de meute pour découpler dans la voie du cerf que les vieux chiens auront lancé, il y en aura assez pour soutenir jusqu’à la vieille meute, dans les deux bas relais ; quand il n’y en auroit que quatorze, cela fait très-peu de différence ; c’est celui qui a le détail de l’équipage qui doit arranger le plus ou le moins suivant l’état de la meute de chaque chasse ; mais dans les sécheresses, les refuites des cerfs dans des plaines & terres labourées, il se trouvera quelquefois la moitié de la meute dessollée ; la chasse d’après ces chiens-là ne peuvent y aller, il faut quinze à vingt jours pour que la peau de dessous les piés soit assez revenue & ferme pour qu’on les puisse mener à la chasse ; si la chasse d’après il s’en trouve encore un certain nombre de dessolés, il en reste peu pour la troisieme chasse ; en cela on mene ce qu’on peut ; quand le nombre seroit réduit à quarante, cela n’empêcheroit pas de chasser : on

doit faire force usage de restrainctif, dont il sera parlé aux remedes des maladies des chiens.

Nous croirions faire un larcin à l’Encyclopédie si nous n’insérions dans cet article le précis des idées de M. de Buffon sur le chien, le cerf, & la chasse ; nous nous permettrons aussi de remarquer quelques inadvertances qui ont échappé à cet illustre écrivain.

Les chiennes produisent six, sept, & quelquefois jusqu’à douze petits ; elles portent neuf semaines. La vie des chiens est bornée à quatorze ou quinze ans, quoiqu’on en ait gardé quelques-uns jusqu’à vingt. La durée de la vie est dans le chien, comme dans les autres animaux, proportionnelle au tems de l’accroissement ; il est deux ans à croître, il vit aussi sept fois deux ans ; l’on peut connoître son âge par les dents, qui dans la jeunesse sont blanches, tranchantes, & pointues, & qui à mesure qu’il vieillit deviennent noires, mousses, & inégales ; on le connoit aussi par le poil, car il blanchit sur le museau, sur le front, & autour des yeux.

Le chien, lorsqu’il vient de naître, n’est pas encore entierement achevé. Les chiens naissent communément les yeux fermés ; les deux paupieres ne sont pas simplement collées, mais adhérentes par une membrane qui se déchire lorsque le muscle de la paupiere supérieure est devenu assez fort pour la relever & vaincre cet obstacle, & la plûpart des chiens n’ont les yeux ouverts qu’au dixieme ou douzieme jour. Dans ce même tems les os du crâne ne sont pas achevés, le corps est bouffi, le museau gonflé, & leur forme n’est pas encore bien dessinée ; mais en moins d’un mois ils apprennent à faire usage de tous leurs sens, & prennent ensuite de la force, & un prompt accroissement. Au quatrieme mois ils perdent quelques-unes de leurs dents, qui, comme dans les autres animaux, sont bien-tôt remplacées par d’autres qui ne tombent plus ; ils en ont en tout quarante-deux ; savoir six incisives en haut & six en bas, deux canines en haut & deux en bas, quatorze machelieres en haut & douze en bas ; mais cela n’est pas constant, & il se trouve des chiens qui ont plus ou moins de dents machelieres. Dans ce premier âge les mâles comme les femelles s’accroupissent pour pisser, ce n’est qu’à neuf ou dix mois que les mâles & quelques femelles commencent à lever la cuisse, & c’est dans ce même tems qu’ils commencent à être en état d’engendrer.

Les chiens présentent quelque chose de remarquable dans leur structure ; ils n’ont point de clavicules, & ont un os dans la verge ; leur mâchoire est armée d’une quarantaine de dents, dont quatre canines sont remarquables par leurs pointes & leur longueur, que l’on observe de même dans le lion & plusieurs autres animaux carnassiers. On reconnoit la jeunesse des chiens à la blancheur de leurs dents, qui jaunissent & s’émoussent à mesure que l’animal vieillit, & sur-tout à des poils blanchâtres qui commencent à paroître sur le museau : la durée ordinaire de la vie des chiens est environ de quatorze ans ; cependant on a vû un barbet vivre jusqu’à l’âge de dix-sept ans, mais il étoit décrépit, sourd, presque muet, & aveugle.

Les mâles s’accouplent en tout tems ; la chaleur des femelles dure environ quatorze jours ; elles ne souffrent l’approche du mâle que vers la fin de ce tems, & elles entrent en chaleur deux fois par an. Le mâle & la femelle sont liés & retenus dans l’accouplement par un effet de leur conformation & par le gonflement des parties ; ils se séparent d’eux-mêmes après un certain tems, mais on ne peut les séparer de force sans les blesser, sur-tout la femelle. Celle-ci a dix mamelles, elle porte cinq à six petits à-la-fois, quelquefois davantage (on en a vû en avoir jusqu’à douze & quatorze) ; le tems de sa portée dure deux mois