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tre de belle paille & de l’eau fraiche, qu’il y ait une cour qui ferme bien, de crainte qu’il ne sorte quelques chiens ; on fait porter ordinairement le pain pour le souper des chiens, on le leur fait casser dans des vanettes, & on le leur porte dans l’endroit, on leur en donne autant qu’ils en veulent manger ; il n’y auroit pas grand mal quand on leur casseroit le matin quelques pains sur la paille un peu avant de les coupler, ils en feroient mieux la route. Pour ne pas retarder la marche de l’équipage, il faut faire mener doucement les vieux chiens. Les limiers sont conduits par un valet de limier, un valet de chien à cheval & un valet de chien à pié, quand il y en a beaucoup, s’il y en a peu, un valet de chiens à cheval, & un à pié suffisent : en passant des forêts, si l’on fait bien, on les prend à la harde de peur qu’ils n’échappent, parce qu’ils sont moins dociles que les chiens de la meute ; on prévient encore par-là bien d’autres accidens. Les lices sont menées par un valet de chien à pié la veille du départ : le boulanger part deux jours avant l’équipage, pour préparer le pain, la mouée, & tout ce qui concerne son état, afin que rien ne manque à l’arrivée de la meute. Le roi donne les voitures nécessaires pour porter dans les voyages les ustenciles du fourni, du chenil, & les bagages des officiers & autres de service.

Tous les officiers de la venerie doivent accompagner la meute en habit d’ordonnance, il doit y avoir un valet de limier devant l’équipage avec un fusil chargé pour tirer sur les chiens qui se trouveroient seuls sans maître, & qui auroient mauvaise mine, ou avertir ceux à qui les chiens appartiendroient de les prendre, les attacher, & s’éloigner du chemin ; de même avertir les voitures de s’arrêter avant d’arriver à la meute : quand la route est longue, & qu’il n’y a point de bois à passer, on doit laisser les vieux chiens & les plus sages en liberté, & les autres doivent être couplés en arrivant ; à l’entrée de quelque forêt il faut tout coupler, & que les chiens soient bien environnés de cavaliers, le fouet haut de crainte qu’ils n’éventent ou n’aient connoissance de voyes qui ne feroient que passer, ou des animaux ; on ne fait faire à l’équipage que huit à dix lieues par jour, quelquefois douze, quand on va de Versailles à Compiegne ; on a été coucher à la Chapelle, partir à minuit, rafraîchir à Garche, donner du pain & de l’eau aux chiens, envoyer les vieux chiens quatre heures devant la meute, le lendemain faire dix lieues, & tout arriver en bon état : cela s’est pratiqué dans les chaleurs du mois de Juin en 1764. A la moitié de la route, on fait rafraichir les valets de chiens, & donner du pain aux chiens ; ceux de l’équipage qui veulent boire un coup, le font : tout cela est sur le compte du roi.

Meutes. Les meutes n’étoient pas si considérables anciennement, en nombre de chiens, qu’elles le sont aujourd’hui. Phœbus faisoit mener à la chasse plusieurs especes de chiens, outre les chiens courans, il avoit des levriers, des allans qui servoient à arrêter & terrasser les animaux, apparament qu’il les faisoit donner avec les levriers dans des détroits, plaines ou futayes.

Fouilloux, & Charles IX. ne disent rien de positif sur le nombre des chiens dont les meutes étoient composées ; on faisoit six relais chacun d’environ six chiens, ils étoient conduits chacun par un gentilhomme & son domestique à l’endroit qu’on leur destinoit : il y avoit, selon les apparences, autant de meutes de chiens que de relais, ce qui pouvoit aller environ à soixante chiens à la chasse ; suivant cet état, il falloit que la meute fût composée de quatre-vingt chiens ; il y en a toujours de boiteux d’une chasse à l’autre, des malades, fatigués, & lices en chaleur ; c’est aussi le nombre que Salnove donne

à-peu-près aux meutes de son tems ; on faisoit de même six relais. Il dit, ch. 9. qu’il a vu plusieurs années dans la meute du Roi jusqu’au nombre de trente chiens découplés ou laissés courre, n’y ayant qu’un seul valet de chien devant eux qui tenoit deux houssines en ses mains, suivant celui qui laissoit courre avec son limier qui chassoit de gueule, en renouvellant de voies lancer le cerf & sonner pour donner les chiens qui pourtant ne passoient pas que le valet de chien ne se fût détourné à droit ou à gauche, & qu’il n’eût laissé tomber ces houssines à terre, ou au-moins fort bas. Du tems de Salnove on menoit donc à la chasse environ 60 chiens, puisqu’il y en avoit trente de meute, & six relais qui ne doivent pas moins être que de cinq ou six chiens chacun. Ligniville dit que le nombre de vingt-cinq chiens suffit pour forcer ce qu’ils ameutent & chassent.

Le même dit aussi avoir dressé & ajusté des meutes de cinquante à soixante chiens par les regles de vénerie qui étoient très-bien au commandement & obéissans à la voix des veneurs.

Toutes les meutes bien dressées dont il parle, n’étoient que de cinquante à soixante chiens, entre autres celle de M. le prince de Conti, & celle du cardinal de Guise, qu’il avoit vues les premieres, & qui chassoient si juste qu’elles prenoient par tout pays un cerf. Les meutes de M. de Soissons & de M. le duc de Vendôme, qui avoient été dressées par messieurs de S. Cer, & M. de Carbignac, veneurs d’Henri IV. prenoient quelquefois 50 à 60 cerfs sans en manquer un.

Il a vu en Angleterre les chiens de sa majesté britannique prendre un cerf qui se mêloit avec plus de 2 ou 300 dains, & avec plus de 100 cerfs, desquels les chiens le séparoient partout, & pas un chien ne tournoit au change. Ils séparoient l’animal qu’ils chassoient également à vûe, comme par les voies.

Avec les mêmes chiens, il a vu le lendemain attaquer un dain, le chasser, se mêler avec des hardes de cerfs & de dains, le séparer partout, & le prendre.

Ils chassoient tous les jours, hors le dimanche, le cerf ou le dain. Ils ne faisoient point de relais ; on attaquoit avec toute la meute, sans en manquer un. Ils avoient la précaution en Angleterre de les faire porter où le roi vouloit chasser, dans des carrosses faits exprès ; on les rapportoit de même. Les veneurs en Angleterre, n’alloient point aux bois pour y détourner le cerf ; ils ne s’appliquoient point à avoir les connoissances du pié, ni des fumées, & ne se servoient point de limiers ; ils menoient leur meute dans les parcs ; attaquoient un cerf ou un dain dans les hardes d’animaux, où le gros des chiens tournoit les autres, s’y rallioient & ne se séparoient plus.

Le roi Jacques demanda à Henri IV. de lui envoyer des plus habiles de ses veneurs, pour montrer aux siens les connoissances du pié du cerf, & la maniere de le détourner & le laisser courre avec le limier, afin qu’il pût courre dans les forêts de ses états, & plus dans des lieux fermés comme ses parcs, où jusque-là il avoit toujours couru, & n’avoit pu connoître les cerfs qu’en les voyant. Le roi y envoya messieurs de Baumont, du Moustier, & quelques valets de limiers : depuis de S. Ravy & plusieurs autres bons chasseurs, y sont allés.

Les veneurs que Ligniville a connus en Angleterre, étoient des plus habiles pour dresser des meutes ; il en fait un grand éloge, & si les jeunes veneurs faisoient quelques fautes volontaires, ou par ignorance, que le roi en eût connoissance, il donnoit aussitôt des ordres pour y remédier. Il assure avoir beaucoup appris en ayant vu chasser la meute du roi d’Angleterre pendant 4 ou 5 mois, avec tout l’ordre & regles de chasses possibles, & que les veneurs anglois distinguoient le cerf qu’ils avoient attaqué, quand