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puces, pour y remédier, il faut les laver une fois la semaine avec un bain fait de cresson sauvage, autant de feuilles de lapace, de marjolaine sauvage, de la sauge, du romarin & de la rue, faire bouillir le tout jusqu’à ce que les herbes soient bien cuites & consommées, les ôter de dessus le feu, les laisser refroidir jusqu’à ce qu’elles soient tiedes, puis bien laver les chiens ou les bien bouchonner, ou les baigner l’un après l’autre : cela se doit faire dans les grandes chaleurs trois fois le mois au-moins, une poignée de chaque herbe pour un seau d’eau, suivant la quantité plus ou moins.

M. de Selincourt, dans son ch. xiij. des équipages, donne de très-bons conseils que j’ai transcrit mot-à-mot. Il y a, dit-il, deux saisons de l’année auxquelles il faut donner plus de soin au maintien d’une meute pour la garantir de toutes les maladies qui regnent en ces deux saisons, l’une est le printems, l’autre l’automne. En celle du printems, parce que le soleil remonte & donne vigueur à toutes choses, qu’en ce tems les animaux sont en leur plus grande force, & principalement les cerfs ; & qu’aux chasses qui se font en Avril, les chiens font plus d’efforts en une qu’en plusieurs, en tout tems de l’année ; c’est pourquoi il faut purger les chiens, les saigner, les panser, & les tenir plus nets qu’en toute autre saison, & leur donner une meilleure nourriture, ayant soin de ceux qui sont maigres, & par conséquent plus susceptibles des maux qu’ils peuvent communiquer à tous les autres, leur donner de la soupe, & les remettre en état.

Quant à l’automne qui rend tous les corps des animaux plus débiles & plus lâches, c’est en cette saison qu’il en faut avoir un soin plus particulier.

Quand on en a grand soin & qu’on tient les chiens proprement, on ne voit guere de meutes attaquées d’aucunes maladies générales qui les ruinent ; & ce ne sont jamais que les grands excès des curées trop fréquentes & des grands efforts que fait une meute qui leur causent la rage de glai ; grande rage qui infecte l’air des chenils & qui se communique. La premiere se guérit, si elle arrive au printems, par des remedes rafraîchissans ; la seconde qui n’est que particuliere, se guérit par des saignées & par des purgations de sené ; la troisieme se guérit par des bains salés, ou par le bain de la mer, & en séparant les chiens les uns des autres le plus promptement que faire se pourra.

Salnove, ch. xij. rapporte qu’il y avoit une ancienne coutume dans la vénerie du roi, que les chiens mangeoient du pain de froment, du plus blanc & du meilleur ; les valets de chiens en prenoient pour leur nourriture sans en abuser.

Il faut faire une très-exacte visite des grains & farines dont on nourrit les chiens, lesquelles sont quelquefois échauffées par la quantité ou épaisseur de grains qu’on met dans les greniers, & quelquefois aussi on fait le pain avec de l’eau puante, par la négligence, paresse, & saleté des boulangers, qui ne se donnent pas la peine de vuider tous les jours leur grande chaudiere, dans laquelle la vieille eau a croupi & formé du verd-de-gris ; ils remettent de l’eau par-dessus, la font chauffer, & font le pain avec, ce qui est très-contraire aux chiens, & peut leur donner des maladies qui commencent par des dégoûts, suivis de cours de ventre, de flux de sang, & même de la rage, à laquelle aboutissent tous ces maux ; une seule fournée de pain mal cuit rend toute la meute malade une semaine entiere, & principalement les chiens les plus voraces, & qui mangent ordinairement le mieux.

Il faut mettre le boulanger sur le pié de vuider & nettoyer sa chaudiere tous les jours, cela ne peut faire qu’un très-bon effet pour garantir du verd-de-gris,

qui est un poison, quand même la chaudiere

seroit étamée.

Le boulanger doit aussi examiner la farine qu’on lui livre, & si elle n’étoit pas bonne ne la pas recevoir : celui qui a la direction de l’équipage doit y être bien attentif, & s’en rapporter pour l’examen à lui-même, & s’il étoit absent qu’on reçût de mauvaise farine, faire punir celui qui l’a livrée & celui qui l’a reçue ; au moyen d’une pareille exactitude le service pour la nourriture des meutes sera toujours bien fait.

On donne aujourd’hui du pain d’orge pur aux chiens du roi, cela leur tient le corps frais & en embonpoint ; la nourriture en est bonne ; ils en mangent deux fois le jour : les jours de chasse on doit leur donner à déjeûner, mais le quart de ce qu’ils ont coutume de manger, pour ne les pas trop remplir, mais seulement les soutenir tout le jour que la chasse dure, car souvent ils ne rentrent que bien avant dans la nuit ; ces jours-là on leur prépare une bonne mouée, qu’on leur fait manger après la chasse ; & après qu’ils ont mangé leur soupe ou mouée, on leur fait faire la curée.

Service du chenil. Voici ce qui est en usage pour les meutes du roi sa majesté Louis XV. pour le service du chenil.

Dans l’été, les valets des chiens doivent se trouver au chenil à cinq heures du matin, pour sortir & promener les limiers, les lices en chaleur, & les boiteux ou malades ; le valet de chien qui sort de garde & qui a passé la nuit dans le chenil avec les chiens, est chargé de bien nettoyer & balayer chaque chenil, de mettre la paille de dessus les bancs par terre, & de la paille blanche neuve sur les bancs, de nettoyer & vuider les baquets où l’on met leur eau ; le valet de chien qui prend la garde est chargé d’aider à son camarade à nettoyer & enlever les fumiers, & de mettre de l’eau fraîche dans tous les chenils. A six heures on promene la meute ; on les tient ensemble le plus qu’il est possible, à la réserve de ceux qui se vuident ou prennent du verd ou de l’herbe pour les purger, ce qu’il faut leur laisser faire, & laisser un homme pour rester auprès d’eux jusqu’à ce qu’ils aient fini ; pendant ce tems on promene les autres.

Il faut que celui qui a la direction de la meute examine les chiens boiteux, ceux qui paroissent n’avoir pas la gaieté ordinaire, qu’il voye s’ils ont la gueule bonne, c’est-à-dire si un chien est malade. Pour cela on lui lave les levres, & si on lui remarque une pâleur qui n’est pas ordinaire, on est sûr qu’il est malade, on lui tâte les côtes vis-à-vis le cœur ; quand il a la fievre on en sent les battemens bien plus vifs & plus fréquens que d’ordinaire ; on le fait séparer sur-le-champ, & on le traite suivant la maladie qu’on lui trouve ; il faut avoir du papier, un crayon, & écrire chaque chien boiteux ou incommodé, pour le panser suivant son mal, & ne le point mener à la premiere chasse, jusqu’à ce qu’il soit bien refait & rétabli ; par ce moyen on sait le tems de son incommodité, le genre de sa maladie ou accident, & celui qui est en état d’être mené à la chasse ou non. Après les avoir fait promener trois quarts d’heure ou une heure, on les ramene au chenil, que les deux valets de chiens ont bien balayé, nettoyé, renouvellé de paille blanche & d’eau fraîche ; il faut les faire panser, les bien peigner & brosser, ce qui se fait en cette maniere : chaque valet de chiens est obligé d’avoir une étrille, brosse, peigne, ciseaux, & une couple : chacun prend un chien avec sa couple, lui met les deux piés de devant sur le bord du banc où couchent les chiens, commence à le bien peigner, à rebrousser ses poils d’un bout à l’autre, & après on le brosse bien par tout le corps ; on doit leur passer la main sous le ventre, entre les