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s’agit ici, & qu’on a pris pour exemple ; y ayant cinq marches, la chaîne est divisée en cinq parties égales, & il n’y a qu’un cinquieme qui travaille à chaque marche dans l’ordre représenté par la table.

La premiere marche étant attachée à la premiere lisse, quand on la presse, on baisse la premiere lisse & on en sépare de la chaîne le cinquieme ; 16, 114, 92, 712, 510, 38 ; quand on presse la seconde marche, la quatrieme lisse se baisse ; & on sépare le cinquieme, 49, 27, 125, 103, 81, 611, & ainsi des autres, comme on voit par la table.

Passons maintenant à la partie la plus importante du métier, je veux dire, le sample.

On a un bâton, tout semblable à celui de rame ; il a une moulure à chaque bout ; l’entre-deux des moulures est rempli de cordes ou ficelles, il y en a autant qu’au rame ; elles sont croisées comme celui de rame l’étoit. Les ficelles doivent être assez longues pour atteindre à celles du rame.

Ce bâton s’appelle bâton des cordes du sample. Le bâton armé de ses ficelles croisées s’appelle sample.

Il n’y a de différence entre le sample & le rame, que dans la longueur des cordes, & les yeux de perdrix qui sont au rame.

Pour placer le sample, on s’y prend comme par le rame, on fixe à terre un bâton, vis-à-vis du devant du cassin qu’on appelle bâton de sample ; on passe à ses deux extrémités deux cordes qui font boucles étant nouées chacune par leurs bouts. On peut les appeller les cramailleres du bâton des cordes de sample : on fixe à ces deux cordes les moulures du bâton des cordes du sample.

On prend toutes ces cordes à poignées, & à l’aide de leur croisement ou enverjure, on les sépare les unes d’avec les autres, & les unes après les autres.

On passe la premiere corde de sample dans l’œil de perdrix de la corde de rame qui passe sur la premiere poulie d’en-bas de la premiere rangée verticale que l’ouvrier a à sa gauche & l’y attache, en faisant un nœud. Observant que sa corde de sample ne soit pas lâche ; mais au contraire, bien tendue ; pour cet effet, il faudra que celle de rame fasse angle à l’endroit où elle sera tirée par l’œil de perdrix ; cet angle est ordinairement très-obtus.

Il passe la seconde corde du sample dans l’œil de perdrix de la corde du rame, qui passe sur la seconde poulie en montant de la même rangée & l’y attache. La troisieme corde de sample dans l’œil de perdrix de la corde qui passe sur la troisieme poulie de la même rangée. La quatrieme dans l’œil de perdrix de la corde qui passe sur la quatrieme poulie en montant de la même rangée. La huitieme corde dans l’œil de perdrix de la corde qui passe sur la cinquieme poulie de la même rangée. La sixieme corde dans l’œil de perdrix de la corde qui passe sur la premiere poulie d’en-haut de la seconde rangée verticale ; la septieme corde dans l’œil de perdrix, de la corde qui passe sur la seconde poulie en descendant de la même rangée ; & ainsi de suite remplissant les yeux de perdrix, de chaque corde, de chaque rangée, suivant les rangées en zigzag ; d’où il s’ensuit que chaque corde de sample tire les mêmes arcades, les mêmes mailles de corps, les mêmes maillons, les mêmes fils de roquetins que chaque corde de rame.

Ainsi la premiere corde de sample tire dans l’exemple proposé, les quatre premiers fils de chaque quatre cinquantaine de fils de roquetin ; la seconde corde de sample, les quatre seconds fils de chaque quatre cinquantaine de fils de roquetin, & ainsi de suite ; d’où l’on voit que par le moyen de ces ficelles du sample, des cordes de rames correspondantes, des arcades, des mailles de corps, des maillons, des mailles de corps d’en-bas, & des aiguilles, on a la facilité de faire paroître en tel endroit de la chaîne, que

l’on voudra tel fil, & autant de fils de roquetin qu’on le desirera.

Et par conséquent, on a le moyen d’exécuter à l’aide de la trame, de la chaîne, & de ces fils de roquetins qu’on peut faire paroître dans la chaîne & sur la trame, quelque figure donnée que ce soit.

Il ne s’agira plus que de savoir quelles sont les ficelles du sample qu’il faudra tirer.

Or nous allons maintenant parler de la maniere de déterminer ces ficelles.

Après avoir observé que la chaîne peut être d’une couleur, ou le fond, & les figures tracées dans la chaîne sur la trame, ou sur les fils des navettes qui courent entre les parties séparées, soit de la chaîne, soit des fils de roquetin, & qui les tiennent séparées, d’une autre couleur.

En travaillant ainsi à l’aide de la chaîne seulement, de la lisse, des cordes du sample, & des fils de roquetin ; on voit évidemment qu’en supposant la faculté de déterminer les cordes de sample à tirer pour une figure quelconque, on exécuteroit sur la chaîne cette figure ; on feroit alors ce qu’on appelle une étoffe à fleur.

Nous venons de monter un métier, c’est-à-dire de le mettre en état d’exécuter tout dessein qui ne demande pas plus de cordes que nous en avons employé ; & même de repéter quatre fois ce dessein dans la largeur de l’étoffe : ce qui seroit 20 fois dans la largeur de l’étoffe ordinaire, s’il n’y avoit que 50 cordes. Car on a pu remarquer que chaque ficelle de sample tirant une ficelle de rame, & chaque ficelle de rame tirant un faisceau d’arcades, 4 bouts d’arcades, ou 4 maillons, & les 200 maillons se trouvant divisés en cinquantaines, & les 4 maillons tirés paroissant toujours sur la chaîne dans des endroits semblables de chaque cinquantaine ; car ce sont ou les 4 premiers de chaque cinquantaine, ou les 4 trentiemes, &c. On doit repéter le dessein dans la chaîne, à chaque cinquantaine de fils de roquetin, ou chaque douze dents & demie du peigne, parce qu’il y a deux fils de roquetin dans chaque dent ; partant 24 fils en 12 dents, & 25 en 12 dents & demie. Cette façon de dire & demie n’est pas tout à fait juste ; car les fils de roquetin ne partagent pas également les fils de la dent, & ne sont pas à égale distance l’un de l’autre, & de l’extrémité de la dent, pour qu’on puisse dire une demie-dent. Je veux dire seulement qu’il faut vingt-quatre dents, & un fil de la vingt-cinquieme pour avoir une cinquantaine de fils de roquetin.

J’ai oublié de dire en parlant des piliers de derriere du métier, qu’il y avoit à la face intérieure de chacun, un peu au-dessus de la chaîne, deux broches paralleles à l’ensuple dans laquelle sont passées deux especes de bobines, qu’on appelle restins.

Autre chose encore à ajouter. C’est une corde attachée par ses deux bouts à deux murs qui se regardent, & parallele à celles des rames, mais beaucoup plus forte, & placée à côté du cassin, du côté du châtelet, qu’on appelle arbalete.

L’arbalete sert à soutenir la gavassiniere ; elle sert aussi à soutenir un petit bâton qui flotte sur le sample : les cordes qui soutiennent ce bâton s’appellent cordes de gance, & le bâton, bâton de gance.

La gavassiniere est une longue corde pliée en deux, dans la boucle de laquelle passe l’arbalete. Les deux bouts de cette corde sont noués au bâton de rame. Elle est bien tendue ; & comme elle ne peut être bien tendue qu’elle ne tire & ne fasse faire angle à la corde qui la soutient, c’est par cette raison qu’on appelle cette corde arbalete. Nous dirons ailleurs pourquoi on appelle l’autre dont les brins sont paralleles aux ficelles du sample, gavassiniere.

Il ne nous reste plus à parler que du dessein, de la