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d’où il arrive que le dernier fil de roquetin a sur lui trois fils de chaîne.

Il faut observer qu’on n’a pas besoin de faire passer ici les enverjures pour la distribution des fils ; car on est dirigé par les mailles des lisses précédentes pour les fils de chaîne, & par les maillons pour les fils de roquetin.

On a soin de tenir ces fils arrêtés à mesure qu’on les passe, & d’en faire toujours des berlins.

On tient les lisses de poil ou de roquetin un peu plus haut que les autres, afin que les fils de poil ou de roquetin se séparent davantage de la chaîne en-dessus, & que l’ouvrier puisse travailler plus commodément, soit avec les navettes, soit avec les fers de frisés & de coupés.

Cela fait, il ne s’agit plus que de distribuer dans le peigne tous ces fils.

Le peigne est composé de petites lames fort minces, assez proches les unes des autres, fixées paralleles les unes aux autres, dans deux petites traverses rondes.

On choisit dans ce peigne une quantité de dents proportionnée à la quantité de fils qu’on a à y distribuer, & à la grandeur de l’étoffe qu’on veut faire ; si l’on prenoit trop de dents pour la quantité de fils, alors le tissu seroit rare & l’étoffe mauvaise, le dessein mal exécuté.

Si au contraire on en prenoit trop peu, il se trouveroit trop de fils dans chaque dent du peigne, la séparation s’en feroit difficilement, il y auroit un frottement qui useroit les soies & les feroit casser, les fils se trouveroient les uns sur les autres, l’étoffe seroit trop compacte, mauvaise, & mal faite.

On a ici à distribuer dans les dents du peigne, quatre-vingt fils de lisiere, quarante de chaque côté de la chaîne, douze cens fils de chaîne, & entre eux deux cens fils de roquetin.

On peut prendre d’abord quatre dents pour les quarante fils de lisiere d’un côté, dix à chaque dent, cent dents pour les fils de chaîne & de roquetin, c’est-à-dire douze fils de chaîne, & deux fils de roquetin à chaque dent.

Prenez quatre dents pour les quarante autres fils de lisiere, dix à chaque dent.

Si on baisse les lisses de roquetin, alors on ne verra que les fils de piece ou de chaîne s’élever, tous les autres fils de roquetin seront en-dessous.

Si au-contraire on baisse le remisse ou toutes les lisses de chaîne, on ne verra que les fils de roquetin, toute la chaîne sera en-dessous.

Mais on demandera peut-être comment il se peut faire que n’y ayant que deux fils de roquetin sur douze de chaîne, ces deux fils de roquetin suffisent pour couvrir toute la chaîne, quand en baissant les lisses de chaîne on la fait passer en-dessous.

Cela se fait par deux causes ; par le peu d’intervalle des dents qui sont fort serrées les unes contre les autres, & qui rassemblent deux cens fils dans un assez petit intervalle ; & la seconde cause, c’est que les deux cens fils ont beaucoup plus de brins que les fils de piece. Les deux cens dents du peigne ne doivent contenir que quatre pouces, puisque les velours ordinaires ne sont composés que de soixante-quinze portées de chaîne faisant à quatre-vingt fils chaque portée, six mille fils, & que la largeur ordinaire de l’étoffe n’est que de vingt pouces environ ; douze cens fils par conséquent ne font que la cinquieme partie de six mille fils.

Cela fait, on arrête les fils devant le peigne en en faisant des berlins, & l’on place le battant.

Imaginez un morceau de bois auquel, par sa partie supérieure, on a pratiqué une rainure ; soient aux extrémités de ce bois, deux autres morceaux assemblés comme on voit, soit dans ces deux morceaux

paralleles, un troisieme morceau de bois mobile, & cannelé à sa partie inférieure ; on place le peigne verticalement dans la cannelure de ces deux morceaux de bois, dont celui de dessus est mobile ; on approche celui de dessous, de maniere que le peigne puisse jouer sans toutefois s’échapper.

Les deux morceaux de bois dans lesquels la piece placée au-dessus du peigne, semblable & parallele à celle du dessus, est assemblée verticalement, s’appellent l’ame du battant.

Il y a de chaque côté attaché à cette ame deux petites tringles de bois encochées ; ce sont les supentes du battant.

Quant au porte-battant, c’est un morceau de bois quarré, à l’extrémité duquel il y a deux tenons ronds dans lesquels on place deux especes de viroles de bois, mobiles sur les tenons.

On attache le porte-battant aux battants par des cordes qui passent dans les coches des supentes du battant, & qui l’embrassent par-derriere le porte-battant.

C’est à l’aide de ces coches qu’on monte ou descend le battant, en faisant descendre ou monter les cordes qui l’attachent au porte-battant, d’une, de deux, ou de plusieurs coches.

Les extrémités du porte-battant, ou plutôt les deux viroles mobiles de bois placées dans les tenons ronds de ses extrémités, sont placés sur deux autres tringles de bois, encochées & placées contre les estases, & parallelement à ces précédens ; on appelle ces tringles acocats. L’usage des acocats est de soutenir le battant, & de l’approcher ou de l’éloigner à discrétion, en faisant mouvoir les viroles de bois ou roulettes dans les coches des acocats.

Quand on a placé le battant, on prend l’ensuple de devant, & on la met sur les tasseaux, ou entre les tenons & les piliers de devant ; cet ensuple ou ensuble de devant est à-peu-près semblable à celle de derriere ; elle a pareillement deux moulures à ses extrémités, avec une cannelure transversale ; ces moulures sont pour la facilité du mouvement de l’ensuple sur elle-même, dans l’échancrure des tasseaux ou tenons, & la cannelure sert à placer le composteur.

Le composteur est fait de deux petites baguettes rondes, égales, dont les diametres pris ensemble sont plus grands que celui de la cannelure ; d’où il arrive que si l’on attache des ficelles à l’une de ses baguettes & qu’on la place dans la cannelure ; qu’ensuite on prenne l’autre baguette & qu’on la mette aussi dans la cannelure, de maniere qu’elle porte en partie sur la premiere baguette placée & contre les parois d’enhaut de la cannelure, & qu’elle soit embrassée à l’extérieur par les ficelles de la premiere baguette, on aura beau tirer les ficelles de la premiere baguette autour de l’ensuple ; on ne la fera pas sortir pour cela, car elle ne pourroit sortir qu’en déplaçant la baguette placée sur elle ; mais elle ne peut la déplacer, car les ficelles passant sur cette baguette la retiennent dans l’état où elle est, & le tout demeure immobile.

On prend tous les berlins qu’on a faits pour empêcher tous les fils de s’échapper à-travers le peigne ; on les traverse d’une broche de bois, de maniere que partie des fils passe au-dessus de la broche, partie en dessous.

On prend de bonne ficelle, qu’on passe en double dans les extrémités & les autres parties découvertes de la broche ; on attache ces ficelles à une des baguettes du composteur ; on dispose cette baguette & celle qui lui est tout-à-fait semblable, dans la canelure de l’ensuple : puis on fixe l’ensuple dans cet état, c’est-à-dire la cannelure un peu tournée en-dessous & la ficelle un peu enveloppée autour de l’ensuple.