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dit qu’un autre ; qu’une ame immortelle donne son estime & la considération à des chevaux, à des équipages, &c. Je sais que ce ridicule ne paroît point, parce qu’il est trop général ; les hommes ne rient jamais d’eux-mêmes, & par conséquent ils sont peu frappés de ce ridicule universel, qu’on peut reprocher à tous, ou du moins au plus grand nombre ; mais leur préjugé ne change point la nature des choses, & le mauvais assortiment de leurs actions avec leur dignité naturelle, pour être caché à leur imagination, n’en est pas moins véritable.

Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est que les hommes ne se font pas seulement valoir par des endroits qui les rendroient ridicules, s’ils pouvoient les considérer comme il faut, mais qu’ils cherchent à se faire estimer par des crimes. On a attaché de l’opprobre aux crimes malheureux, & de l’estime aux crimes qui réussissent. On méprise dans un particulier le larcin & le brigandage qui le conduisent à la potence ; mais on aime dans un potentat les grands larcins & les injustices éclatantes qui le conduisent à l’empire du monde.

La vieille Rome est un exemple fameux de cette vérité. Elle fut dans sa naissance une colonie de voleurs, qui y chercherent l’impunité de leurs crimes. Elle fut dans la suite une république de brigands, qui étendirent leurs injustices par toute la terre. Tandis que ces voleurs ne font que détrousser les passans, bannir d’un petit coin de la terre la paix & la sûreté publique, & s’enrichir aux dépens de quelques personnes ; on ne leur donne point des noms fort honnêtes, & ils ne prétendent pas même à la gloire, mais seulement à l’impunité. Mais aussi-tôt qu’à la faveur d’une prospérité éclatante, ils se voient en état de dépouiller des nations entieres, & d’illustrer leurs injustices & leur fureur, en traînant à leur char des princes & des souverains ; il n’est plus question d’impunité, ils prétendent à la gloire, ils osent non-seulement justifier leurs fameux larcins, mais ils les consacrent. Ils assemblent, pour ainsi dire, l’univers dans la pompe de leurs triomphes pour étaler le succès de leurs crimes ; & ils ouvrent leurs temples, comme s’ils vouloient rendre le ciel complice de leurs brigandages & de leur fureur.

Il y a d’ailleurs un nombre infini de choses que les hommes n’estiment, que par le rapport qu’elles ont avec quelqu’une de leurs foiblesses. La volupté leur fait quelquefois trouver de l’honneur dans la débauche : les riches sont redevables à la cupidité des pauvres, de la considération qu’ils trouvent dans le monde. La puissance tire son prix en partie d’un certain pouvoir de faire ce qu’on veut, qui est le plus dangereux présent qui puisse jamais être fait aux hommes. Les honneurs & les dignités tirent leur principal éclat de notre ambition ; ainsi on peut dire à coup sûr que la plûpart des choses ne sont glorieuses, que parce que nous sommes déreglés.

Vanité, Vain, (Critiq. sacrée.) ces mots dans l’Ecriture signifient ce qui n’a rien de solide, Ecclés. j. 2. la fausse gloire, 2. Pier. ij. 18. le mensonge, Ps. xxxvij. 13. les idoles, Jérém. viij. 19. (D. J.)

VANNE, s. f. (Hydr.) ce sont de gros ventaux de bois de chêne, que l’on hausse ou que l’on baisse dans des coulisses, pour lâcher ou retenir les eaux d’une écluse, d’un étang, d’un canal ; on appelle encore vannes les deux cloisons d’ais, soutenus d’un fil de pieux dans un batardeau. (K)

Vannes, terme de Rivieres ; ce sont encore les dosses dont on se sert pour arrêter les terres à un batardeau, derriere la culée d’un pont de bois.

Vannes, en Fauconnerie, ce sont les grandes plumes des aîles des oiseaux de proie.

VANNEAU, s. m. (Hist. nat.) c’est un oiseau gros à-peu-près comme un pigeon ; il a sur la tête une es-

pece de crète, oblongue & noire, le col verd & le

reste du corps de différentes couleurs, où on remarque du verd, du bleu & du blanc ; son cri a quelque rapport à celui d’une chevre, il se jette sur les mouches en l’air, il est presque toujours en mouvement, vole rapidement, on diroit que son cri exprime dix-huit. Il habite ordinairement les lieux marécageux ; on le chasse depuis la Toussaint jusqu’à la sainte Catherine ; ils vont seuls l’été, & par bande l’hiver ; on en prend jusqu’à soixante d’un coup de filet ; lorsqu’on tire aux vanneaux & aux étourneaux, il est bon d’avoir deux fusils chargés, car si l’on en tue quelqu’un du premier coup & que les autres le voient, ils y volent tous & tout-autour de la tête du chasseur, ce qui fait qu’on y a ordinairement bonne chasse, surtout en les tirant en l’air, plutôt qu’à terre. On mange les vanneaux sans les vuider, comme la grive, la bécasse, le pluvier & l’alouette.

Vanneau, (Diete.) tout le monde connoit ce proverbe populaire, qui n’a pas mangé d’un vanneau n’a pas mangé d’un bon morceau : mais ce proverbe n’est vrai que du vanneau gras, car les vanneaux sont ordinairement maigres, secs, durs, & par conséquent fort mauvais, ce qui n’empêche point que lorsqu’on en rencontre de gras ils ne soient tendres, succulens, & d’un goût que beaucoup de personnes trouvent exquis. Cependant on peut observer de cet oiseau comme de la bécasse, de la bécassine, du pluvier, &c. qu’il faut que leur suc alimenteux ne soit pas très-accommodé à notre nature, car beaucoup de personnes, & sur-tout celles qui n’y sont point accoutumées, ont un certain dégoût pour cette viande, à laquelle ils trouvent une saveur sauvage & tendante à la corruption, à l’état que Boerhaave appelle alkalescence. Si cette observation est vraie, savoir que les animaux carnivores ne se nourrissent point naturellement des chairs d’autres animaux qui vivent eux-mêmes de matieres animales, on trouveroit dans ce principe la raison du fait que nous avons avancé ; car le vanneau se nourrit de vers & de différentes autres especes d’insectes. Il faut avouer cependant, que les vers & les insectes sont de toutes les substances animales les moins animalisées, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Voyez Substance animale, Chim. Mais aussi on n’a pas naturellement tant de dégoût pour un vanneau ou pour un pluvier que pour la chair d’un animal véritablement carnivore. Voyez Viande, Diette. (b)

VANNER, v. act. (Gram.) c’est en général agiter dans un van la graine pour la nettoyer. Voyez Van.

Vanner les aiguilles, (Aiguillier.) c’est les faire ressuyer dans du son chaud un peu mouillé, après qu’elles ont été lescivées ou lavées dans de l’eau avec du savon : voici comme on vanne les aiguilles. On les enferme avec du son dans une boëte ronde de bois qui est suspendue en l’air avec une corde, & on agite cette boëte jusqu’à ce que le son soit entierement sec, & les aiguilles sans aucune humidité. Voyez Aiguille, & la machine à vanner les aiguilles, fig. & Pl. de l’Aiguillier.

Vanner, en terme d’Epinglier, c’est séparer le son d’avec les épingles en les remuant sur un plat de bois, comme on remue le froment dans un van, excepté que l’un se fait aux genoux, & l’autre avec les mains seulement.

VANNERIE, s. f. (Art méchan.) l’art de faire des vans, des paniers, des hottes à jour ou pleins, en cloture, mandrerie ou lasserie, de toutes grandeurs & à toutes sortes d’ouvrages.

Cet art est fort ancien & fort utile. Les peres du désert & les pieux solitaires l’exerçoient dans leurs retraites, & en tiroient la plus grande partie de leur subsistance ; il fournissoit autrefois des ouvrages très fins pour servir sur la table des grands où l’on n’en