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ces en 1724, par un des correspondans de cette académie demeurant à la Martinique, qui ajoute qu’il en avoit trois piés venus de bouture, qu’il avoit tirés de la nouvelle Espagne, & qui réussissoient parfaitement.

Lieux où croît la bonne vanille. Malgré ces sortes d’attestations, la vanille de la Martinique n’a point pris faveur sur les lieux, ni dans le commerce ; on continue toujours de la tirer de la nouvelle Espagne & du Pérou.

Les endroits où l’on trouve la vanille en plus grande quantité, sont la côte de Caraque & de Carthagene, l’isthme de Darion, & toute l’étendue qui est depuis cet isthme & le golfe de S. Michel, jusqu’à Panama, le Jucatan & les Honduras. On en trouve aussi en quelques autres lieux, mais elle n’est ni si bonne, ni en si grande quantité qu’au Mexique. On dit encore qu’il y en a beaucoup & de belle, dans la terre ferme de Cayenne. Comme cette plante aime les endroits frais & ombragés, on ne la rencontre guere qu’auprès des rivieres, & dans les lieux où la hauteur & l’épaisseur des bois la mettent à couvert des trop vives ardeurs du soleil.

Sa récolte, sa culture & ses vertus. La récolte commence vers la fin de Septembre ; elle est dans sa force à la Toussaint, & dure jusqu’à la fin de Décembre. On ignore si les Indiens cultivent cette plante, & comment ils la cultivent ; mais l’on croit que toute la cérémonie qu’ils font pour la préparation du fruit, ne consiste qu’à le cueillir à tems ; qu’ensuite ils le mettent sécher 15 à 20 jours pour en dissiper l’humidité superflue, ou plutôt dangereuse, car elle le feroit pourir ; qu’ils aident même à cette évaporation, en pressant la vanille entre les mains, & l’applatissant doucement, après quoi ils finissent par la frotter d’huile de coco ou de calba, & la mettent en paquets qu’ils couvrent de feuilles de balisier ou de cachibou.

La vanille contient une certaine humeur huileuse, résineuse, subtile & odorante, que l’on extrait facilement par le moyen de l’esprit de vin. Après avoir tiré la teinture, la gousse reste sans odeur & sans suc. Dans l’analyse chimique elle donne beaucoup d’huile essentielle, aromatique, une assez grande portion de liqueur acide, & peu de liqueur urineuse & de sel fixe.

Hermandez lui attribue des vertus admirables, mais Hermandez est un mauvais juge ; cependant les auteurs de matiere médicale n’ont presque fait que le copier. Ils prétendent qu’elle fortifie l’estomac, qu’elle aide la digestion, qu’elle dissipe les vents, qu’elle cuit les humeurs crues, qu’elle est utile pour les maladies froides du cerveau, & pour les catharres ; ils ajoutent qu’elle provoque les regles, qu’elle facilite l’accouchement, qu’elle chasse l’arriere-faix : tout cela est exagéré. La vanille peut par son aromate chaud, être un bon stomachique dans les occasions où il s’agit de ranimer les fibres de l’estomac affoibli ; elle deviendra quelquefois par la même raison emménagogue & apéritive ; son huile balsamique, subtile & odorante, la rend souvent recommandable dans les maladies nerveuses, hystériques & hypochondriaques ; c’est pourquoi quelques anglois l’ont regardée avec trop de précipitation, comme un spécifique dans ce genre de maladies.

On la donne en substance jusqu’à une drachme ; & en infusion dans du vin, de l’eau, ou quelqu’autre liqueur convenable, jusqu’à deux drachmes. Il faut considerer qu’elle échauffe beaucoup quand on en prend une trop grande dose, ou qu’on en fait un usage immodéré ; & cette considération doit servir pour indiquer les cas où il ne faut point la mettre en usage. Nos médecins françois l’emploient rarement, la laissent seulement en valeur dans la composition, ou

chocolat dont elle fait l’agrément principal. On s’en servoit autrefois pour parfumer le tabac ; mais les parfums ont passé de mode, ils ne causent à-présent que des vapeurs. Je ne connois aucun traité particulier sur la vanille. (Le chevalier de Jaucourt.)

VANITÉ, s. f. (Morale.) le terme de vanité est consacré par l’usage, à représenter également la disposition d’un homme qui s’attribue des qualités qu’il a, & celle d’un homme qui tâche de se faire honneur par de faux avantages : mais ici nous le restreignons à cette derniere signification, qui est celle qui a le plus de rapport avec l’origine de l’expression.

Il semble que l’homme soit devenu vain, depuis qu’il a perdu les sources de sa véritable gloire, en perdant cet état de sainteté & de bonheur où Dieu l’avoit placé. Car ne pouvant renoncer au desir de se faire estimer, & ne trouvant rien d’estimable en lui depuis le péché ; ou plutôt n’osant plus jetter une vue fixe & des regards assurés sur lui-même, depuis qu’il se trouve coupable de tant de crimes, & l’objet de la vengeance de Dieu ; il faut bien qu’il se répande au-dehors, & qu’il cherche à se faire honneur en se revêtant des choses extérieures : & en cela les hommes conviennent d’autant plus volontiers qu’ils se trouvent naturellement aussi nuds & aussi pauvres les uns que les autres.

C’est ce qui nous paroîtra, si nous considérons que les sources de la gloire parmi les hommes se réduisent, ou à des choses indifférentes à cet égard, ou si vous voulez, qui ne sont susceptibles ni de blâme, ni de louange, ou à des choses ridicules, & qui bien loin de nous faire véritablement honneur, sont très propres à marquer notre abaissement, ou à des choses criminelles, & qui par consequent ne peuvent être que honteuses en elles-mêmes, ou enfin à des choses qui tirent toute leur perfection & leur gloire du rapport qu’elles ont avec nos foiblesses & nos défauts.

Je mets au premier rang les richesses, quoiqu’elles n’aient rien de méprisable, elles n’ont aussi rien de glorieux en elles-mêmes. Notre cupidité avide & intéressée ne s’informe jamais de la source, ni de l’usage des richesses, qu’elle voit entre les mains des autres, il lui suffit qu’ils sont riches pour avoir ses premiers hommages. Mais, s’il plaisoit à notre cœur de passer de l’idée distincte à l’idée confuse, il seroit surpris assez souvent de l’extravagance de ces sentimens ; car comme il n’est point essentiel à un homme d’être riche, il trouveroit souvent qu’il estime un homme, parce que son pere a été un scélérat, ou parce qu’il a été lui-même un fripon ; & que lorsqu’il rend ses hommages extérieurs à la richesse, il salue le larcin, ou encense l’infidélité & l’injustice.

Il est vrai, que ce n’est point-là son intention, il suit sa cupidité plutôt que sa raison : mais un homme à qui vous faites la cour est-il obligé de corriger par toutes ces distinctions la bassesse de votre procédé ? Non, il reçoit vos respects extérieurs comme un tribut que vous rendez à son excellence. Comme votre avidité vous a trompé, son orgueil aussi ne manque point de lui faire illusion ; si ses richesses n’augmentent point son mérite, elles augmentent l’opinion qu’il en a, en augmentant votre complaisance. Il prend tout au pié de la lettre, & ne manque point de s’aggrandir intérieurement de ce que vous lui donnez, pendant que vous ne vous enrichissez guere de ce qu’il vous donne.

J’ai dit en second lieu, que l’homme se fait fort souvent valoir, par des endroits qui le rendent ridicule. En effet, qu’y a-t-il, par exemple, de plus ridicule que la vanité qui a pour objet le luxe des habits ? Et n’est-ce pas quelque chose de plus ridicule que tout ce qui fait rire les hommes, que la dorure & la broderie entrent dans la raison formelle de l’estime, qu’un homme bien vêtu soit moins contre-