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la moins ordinaire ; on en trouve à l’embouchure des ureteres dans la vessie, ou la tunique interne de la vessie couvre le trou par où l’uretere, après s’être coule entre les deux membranes dont la vessie est composée, fait passer l’urine dans la capacité de la vessie ; car cette membrane que l’urine leve pour entrer, est rabattue par la même urine, qui la colle contre les bords du trou après qu’elle est passée.

On a trouvé une pareille valvule dans la vésicule du foie d’un bœuf au milieu de la partie de son fond, ou elle est attachée au foie. Cette valvule étoit une membrane qui couvroit un trou faisant l’embouchure d’un rameau de la bile, qui ayant plusieurs racines répandues dans tout le foie, apportoit cette humeur dans la vésicule.

La seconde espece de soupape qui est en cône, agit d’une autre maniere ; car la partie faite en cône laisse passer l’eau qui vient du côté de la pointe du cône, parce qu’elle est poussée par l’eau & levée, en sorte qu’elle ouvre en partie le trou rond du cercle, qu’elle fermoit entierement lorsqu’elle étoit abaissée ; mais elle empêche que l’eau ne retourne, parce que venant vers la base du cône, sa pesanteur fait rentrer le cône dans le trou du cercle qu’elle bouche fort exactement, n’y ayant rien qui bouche si bien un trou, qu’un cône ou foret.

L’espece de valvule qui répond à cette sorte de soupape est appellée sigmoïde, parce que le bord de la membrane qui la compose represente un C, qui est un sigma des anciens caracteres grecs. Cette membrane, qui est comme un sac ou capuchon, fait un cône, lorsqu’étant remplie elle est dilatée ; car la moitié du bord de cette membrane étant attachée à la tunique de la veine, il arrive nécessairement que lorsque le sang monte dans la veine, il pousse la partie détachée, & la collant contre la tunique de la veine, il se fait passage ; au contraire, lorsque le sang vient à descendre, il sépare la partie détachée d’avec la tunique de la veine contre laquelle elle étoit collée, & emplissant le fac, l’arrondit, & lui donne la figure conique dont la base emplit toute la rondeur du conduit de la veine, de même que la base du cône de la soupape remplit la rondeur du cercle qui la soutient.

Il se trouve dans quelques poissons, comme dans la raie, que ces valvules, au-lieu d’être des sacs composés de membranes, sont des chairs solides qui doivent apparemment en se gonflant & en se rétrécissant, faire l’effet que la valvale sigmoïde sait en s’emplissant & en se vuidant de sang. Et il faut supposer que ces chairs ont des pores ouverts vers le côté où le sang doit couler, & qu’ils sont fermés vers celui d’où il vient ; en sorte que lorsque le sang fait effort pour passer, il comprime ces chairs, & en exprime le sang ; & lorsqu’il fait effort pour retourner, il les remplit, & les faisant gonfler, il bouche le passage, y ayant apparence que ces valvules charnues ne sont effectivement autre chose qu’un amas d’une infinité de petits sacs remplis de sang.

Ces valvules sigmoïdes se trouvent presque dans tous les vaisseaux ; il y en a dans les veines & dans les canaux lymphatiques, pour empêcher le retour des humeurs que ces vaisseaux contiennent, & pour aider au cours qu’elles doivent avoir : car les humeurs ne pouvant retourner lorsqu’elles ont passé au-dessus des valvules, la moindre compression que les veines ou vaisseaux lymphatiques souffrent par le mouvement de la respiration & des muscles de tout le corps, leur fait pousser le sang & la lymphe vers les endroits où les valvules leur donnent le passage libre.

Cela se fait par la même raison qui fait monter un épi de blé le long du bras, quand il est mis entre le bras & la manche de la chemise la queue en haut, &

les barbes de l’épi en en-bas, quoique la structure de cette machine soit différente de celle des valvules ; car l’épi monte lorsqu’on remue le bras, parce qu’il ne peut aller en en-bas, & qu’il va aisément en en-haut, attendu que rien ne l’en empêche, & que le mouvement du bras agissant sur l’épi, l’oblige à ne pas demeurer en une place.

Il y a aussi de ces valvules dans le cœur ; savoir trois qui ferment l’aorte à la sortie du ventricule gauche, & empêchent que le sang n’y rentre ; & trois qui de la même maniere forment la veine artérieuse, & qui empêchent que le sang, qui pour passer dans le poumon est sorti du cœur, n’y rentre. Les gros rameaux de veines ont ordinairement deux valvules vis-à-vis l’une de l’autre, & les petits n’en ont qu’une : quand les valvules doubles sont enflées par le sang qui les emplit, elles ont la figure d’un demi-cône, & celle du tiers d’un cône quand elles sont triples.

La troisieme espece de soupape n’a point encore le nom, mais M. Perrault a cru qu’il lui en étoit dû un à cause qu’elle agit de même que les soupapes. Ces soupapes de la troisieme espece sont ordinairement sans comparaison plus grandes que les autres, qui ne passent guere quatre ou cinq pouces de diametre, au-lieu que celles-là ont jusqu’à deux ou trois toises ; on s’en sert pour les écluses. Ce sont deux battans de porte que l’eau ferme en les poussant & en les faisant approcher l’un de l’autre ; & elles demeurent en cet état, tant à cause qu’elles sont retenues par des chaînes, que parce qu’elles se soutiennent d’elles-mêmes, étant appuyées l’une contre l’autre, & faisant un angle opposé au cours de l’eau.

Il y a dans le cœur des valvules qui agissent par une même raison : on les appelle tricuspides ou tricuspidales, parce qu’elles ont trois pointes étant de forme triangulaire : car quoique ces petites portes du cœur ne soient pas quarrées, elles font néanmoins le même effet que les portes des écluses qui le sont en ce que s’approchant & se joignant par leurs côtés elles ferment le passage au sang, & l’empêchent de sortir des ventricules du cœur, quand il y est entré par la veine cave ou par l’artere veineuse. Et de même que les valvules tricuspides se touchent par deux côtés étant attachées au cœur par le troisieme, les portes des écluses se touchent aussi par un côté, & touchent au fond de l’écluse par un autre, le troisieme étant attaché à la muraille.

Or parce que ces valvules ne sont pas d’une matiere ferme, comme les portes qui résistent à l’impulsion de l’eau lorsqu’elles sont jointes l’une contre l’autre, la nature leur a donné un autre moyen de résister à l’impulsion du sang, & cela se fait par un grand nombre de ligamens, qui sont comme autant de petites cordes attachées aux deux bords de chaque valvule, de même que les portes des écluses sont retenues par des chaînes : car ces ligamens empêchent que lorsque le sang a fait approcher les membranes qui sont le corps de la valvule, elles ne soient pas poussées plus avant ; si cela arrivoit, elles ne pourroient empêcher le sang de passer & de retourner d’où il est venu.

Il y a de cette espece de valvules dans le cœur à l’extrémité des vaisseaux qui apportent le sang dans chaque ventricule, savoir la veine cave, qui le rapporte de tout le corps dans le ventricule droit, & l’artere veineuse qui est proprement une veine qui rapporte dans le ventricule gauche le sang que la veine artérieuse a répandu dans le poumon. La veine cave a trois de ces valvules ; mais l’artere veineuse n’en a a que deux, parce qu’elle ne rapporte pas tant de sang dans le ventricule gauche, que la veine cave en rapporte dans le droit ; une partie du sang que la veine cave rapporte dans le cœur, & que la veine artérieuse distribue dans le poumon, étant consumée pour nour-