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situées ; mais la plûpart ayant pris depuis le nom des familles romaines, il n’y en a que cinq qui aient conservé leurs anciens noms, & dont on puisse par conséquent marquer au juste la situation : voici leurs noms.

La romulie, ainsi nommée, selon Varron, parce qu’elle étoit sous les murs de Rome, ou parce qu’elle étoit composée des premieres terres que Romulus conquit dans la Toscane le long du Tibre & du côté de la mer.

La veïentine, qui étoit aussi dans la Toscane, mais plus à l’occident, & qui s’étendoit du côté de Veïes ; car cette ville si fameuse depuis le long siege qu’elle soutint contre les Romains, n’étoit pas encore en leur pouvoir.

La lémonienne qui étoit diamétralement opposée à celle-ci, c’est-à-dire du côté de l’orient, & qui tiroit son nom d’un bourg qui étoit proche de la porte Capene, & sur le grand chemin qui alloit au Latium.

La pupinienne, ainsi nommée du champ pupinien qui étoit aussi dans le Latium, mais plus au nord & du côté de Tusculum.

Enfin la Crustumine qui étoit entierement au nord, & qui tiroit son nom d’une ville des Sabins, qui étoit au-delà de l’Anio, à quatre ou cinq milles de Rome.

Des douze autres qui ne sont plus connues aujourd’hui que par le nom des familles Claudia, Æmilia, Cornelia, Fabia, Menenia, Pollia, Voltinia, Galeria, Horatia, Sergia, Veturia & Papiria, il n’y a que la premiere & la derniere dont on sache la situation ; encore n’est-ce que par deux passages, l’un de Tite-Live, qui nous apprend en général que lorsqu’Atta Clausus, qu’on appella depuis Appius Claudius, vint se réfugier à Rome avec sa famille & ses cliens, on lui donna des terres au-delà du Tévéron dans une des anciennes tribus à laquelle il donna son nom, & dans laquelle entrerent depuis tous ceux qui vinrent de son pays ; l’autre passage est de Festus, par lequel il paroit que la tribu papirienne étoit du côté de Tusculum, & tellement jointe à la pupinienne, qu’elles en vinrent quelquefois aux mains pour leurs limites.

Pour les dix autres tribus, tout ce qu’on en sait, c’est qu’elles étoient dans le champ romain, in agro romano ; mais on ne sait d’aucune en particulier, si elle étoit du côté du Latium dans la Toscane ou chez les Sabins. Il y a cependant bien de l’apparence qu’il y en avoit cinq dans la Toscane outre la romulie & la veïentine, & cinq de l’autre côté du Tibre ; c’est-à-dire, dans le Latium & chez les Sabins, outre la papirienne, la claudienne, la lémonienne, la pupinienne & la crustumine ; par conséquent que de ces dix-sept premieres tribus rustiques, il y en avoit dix du côté du Tibre & sept de l’autre ; car Varron nous apprend que Servius Tullius divisa le champ romain en dix-sept cantons, dont il fit autant de tribus ; & tous les auteurs conviennent que la partie de la Toscane qui étoit la plus proche de Rome, s’appelloit Septempagium. On pourroit même conjecturer que toutes ces tribus étoient situées entre les grands chemins qui conduisoient aux principales villes des peuples voisins de maniere que chacun de ces chemins conduisoit à deux tribus, & que chaque tribu communiquoit à deux de ces chemins.

Il faut remarquer que ces dix-sept tribus rustiques devinrent dans la suite les moins considérables de toutes les rustiques, par l’impossibilité où elles étoient de s’étendre, & par le grand nombre de nouveaux citoyens & d’étrangers dont on les surchargeoit. Les Romains avoient coutume d’envoyer des colonies dans les principales villes des pays conquis & d’en transférer à Rome les anciens habitans. Leur politique les empêcha de rien précipiter ; d’abord ils ne refusoient l’alliance d’aucun peuple, & à l’égard de ceux qui leur déclaroient la guerre ou qui favorisoient

secrettement leurs ennemis, ils se contentoient de leur retrancher quelque partie de leurs terres, permettoient au reste de se gouverner suivant ses lois, lui accordoient même dans la suite tous les droits des citoyens romains, s’il étoit fidele ; mais ils le traitoient après cela à toute rigueur, s’il lui arrivoit de se révolter. On comptoit alors dans l’Italie dix-huit sortes de villes différentes ; celles des alliés des Romains, celles des confédérés, qui ne jouissoient que conditionnellement de leurs privileges, les colonies composées de seuls romains & les colonies latines, les municipes dont les habitans perdoient leurs droits de citoyens romains, & les autres qui n’en étoient point privés, & les préfectures.

Ce ne fut qu’insensiblement, & à mesure que les Romains étendirent leurs conquêtes, que furent établies les tribus stellatine, sabatine, tromentine, & celle que quelques-uns ont nommée arniensis ou narniensis.

La stellatine étoit ainsi nommée non de la ville de Stellate qui étoit dans la Campanie, mais d’une autre ville de même nom qui étoit dans la Toscane entre Capene, Falerie & Veïes, c’est-à-dire, & à cinq ou six milles de Rome.

La sabatine étoit aussi dans la Toscane, mais d’un côté de la mer, proche le lac appellé aujourd’hui Brachiano, & que les Latins nommoient Sabatinus, de la ville de Sabate qui étoit sur ses bords.

La tromentine tiroit son nom du champ tromentin dont on ne sait pas au juste la situation, mais qui étoit aussi dans la Toscane, & selon toutes les apparences entre les deux tribus dont nous venons de parler.

Enfin celle qui étoit nommée arniensis dans quelques auteurs, comme nous l’avons dit, étoit la derniere & la plus éloignée de toutes les rustiques.

Ces quatre tribus furent établies ensemble l’an 337 de Rome, & neuf ans après la prise de Veïes ; quand Camille eut défait les Volsques, on en établit deux nouvelles dans la partie du Latium qu’ils occupoient, & le sénat voyant toute l’Italie prête à se soulever, consentit enfin en 397 de former du champ Pomptin deux tribus, la pomptine & la publilienne, auxquelles on ajouta successivement la mœcienne, la scaptienne, l’ufentine & la falerine.

La pomptine étoit ainsi nommée, selon Festus, du champ Pomptin qui tiroit lui-même son nom, ainsi que les marais dont il est environné, de la ville de Pométie, que les Latins appelloient Suessa Pometia, Pometia, & Pontia.

La publilienne étoit aussi chez les Volsques, mais on n’en sait pas au juste la situation.

La mœcienne étoit située chez les Latins, & tiroit son nom d’un château qui étoit entre Lanuvium, Ardée & Pométie, & auprès duquel les Volsques avoient été défaits par Camille.

L’autre étoit chez les Herniques, & portoit le nom d’une ville qui étoit située entre Tivoli, Préneste & Tusculum, à quinze milles de Rome.

L’ufentine étoit ainsi nommée du fleuve Ufeus qui passoit à Terracine à l’extrémité du Latium.

La falérine étoit dans la Campanie, & tiroit son nom du territoire de Falerne si renommé chez les anciens par ses excellens vins.

C’est en suivant le même ordre des tems, & après que la révolte des Toscans eut contraint les Romains occupés dans le Latium à tourner leur armes victorieuses contre la Toscane, qu’ils formerent de leurs nouvelles conquêtes la tarentine & celle qui est nommée arniensis.

La tarentine étoit située dans la Toscane, mais on n’en sait au juste ni la situation ni l’étymologie.

L’arniensis tiroit son nom de l’Arne jusqu’où les Romains avoient pour lors étendu leurs conquêtes.

Ce fut au reste l’an 453, que ces deux tribus furent établies.