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Açores furent en même tems vivement agitées. Au mois de Décembre de la même année, presque toute l’Europe fut encore ébranlée de nouveau par un tremblement de terre, qui s’est fait sentir très-vivement dans quelques-unes de ses parties. L’Amérique ne fut point exempte de ces tristes ravages, ce fut vers ce même tems que la ville de Quito fut entierement renversée.

Tous les tremblemens de terre ne se font point sentir avec la même violence ; il y en a qui ne produisent que des secousses légeres, & quelquefois insensibles ; d’autres portent la destruction dans les endroits où ils exercent leur fureur. On a remarqué que quelques pays sont plus sujets à ces convulsions de la terre que d’autres ; les pays chauds y paroissent surtout les plus exposés, ce qui vient, soit de ce que la chaleur du climat est en état de faire sortir du sein de la terre un plus grand nombre de vapeurs propres à s’enflammer & à faire des explosions, soit de ce que ces pays contiennent un plus grand nombre de matieres combustibles, & propres à alimenter & à propager les feux souterreins. L’Amérique & sur-tout le Pérou paroissent être sujets à des agitations très fréquentes. Suivant le chevalier Hansloane, on s’attend à essuyer tous les ans un tremblement de terre à la Jamaïque. L’Asie & l’Afrique ne sont point exemptes de ces terribles accidens. En Europe, la Sicile, le royaume de Naples, & presque toute la Méditerranée sont trés-fréquemment les théatres de ces fatals événemens. Nous voyons aussi que les pays du nord, quoique moins souvent que les pays chauds, ont éprouvé en différens tems des secousses de la part des tremblemens de terre ; l’Angleterre, l’Islande, la Norwege nous en fournissent des preuves convaincantes ; M. Gmelin nous apprend en avoir ressenti dans la Sibérie, on lui a même assûré qu’une partie de cette contrée si septentrionale éprouvoit un tremblement de terre annuel & périodique. Les provinces méridionales de la France, qui sont bornées par les monts Pyrénées, ont aussi ressenti quelquefois des secousses très-violentes : en 1660, tout le pays compris entre Bordeaux & Narbonne fut désolé par un tremblement de terre ; entr’autres ravages, il fit disparoître une montagne du Bigore, & mit un lac en sa place ; par cet événement, un grand nombre de sources d’eau chaudes furent refroidies, & perdirent leurs qualités salutaires. Dans les derniers tremblemens de l’année 1755, c’est aussi cette partie de la France qui a éprouvé le plus fortement des secousses qui ne se sont fait sentir que très-foiblement à Paris, & dans les provinces plus septentrionales.

A la vue des effets prodigieux des tremblemens de terre, on sent qu’il est naturel de les regarder comme la principale cause des changemens continuels qui arrivent à notre globe. L’histoire nous a transmis quelques-unes des révolutions que la terre a éprouvées de la part des feux souterreins, mais le plus grand nombre & les plus considérables d’entre elles sont ensevelies dans la nuit de l’antiquité la plus reculée ; nous ne pouvons donc en parler que par des conjectures qui paroissent pourtant assez bien fondées. C’est ainsi qu’il y a tout lieu de présumer que la grande Bretagne a été arrachée du continent de l’Europe, la Sicile a été pareillement séparée du reste de l’Italie. Seroit-ce un sentiment si hasardé que de regarder la mer Méditerranée comme un vaste bassin creusé par les feux souterreins, qui y exercent encore si souvent leurs ravages ? Platon & quelques autres anciens nous ont transmis le nom d’une île immense, qu’ils appelloient Atlantide, que la tradition de leur tems plaçoit entre l’Afrique & l’Amérique ; cette vaste contrée a entierement disparu : ne peut-on pas conjecturer qu’elle a été abîmée sous les eaux de l’Océan, à qui elle a donné son nom ; & que les iles

du Cap-verd, les Canaries, les Açores ne sont que des vestiges infortunés de la terrible révolution qui a fait disparoître cette contrée de dessus la face de la terre ? Peut-être la mer Noire, la mer Caspienne, la mer Baltique, &c. ne sont-elles dûes qu’à des révolutions pareilles, arrivées dans des tems dont aucun monument historique ne nous a pu conserver le souvenir.

Depuis le Pérou jusqu’au Japon, depuis l’Islande jusqu’aux Moluques, nous voyons que les entrailles de la terre sont perpétuellement déchirées par des embrasemens qui agissent sans cesse avec plus ou moins de violence ; des causes si puissantes ne peuvent manquer de produire des effets qui influent sur la masse totale de notre globe ; ils doivent à la longue changer son centre de gravité, mettre à sec quelques-unes de ses parties pour en submerger d’autres, enfin contribuer à faire parcourir à la nature le cercle de ses révolutions. Est-il surprenant après cela que le voyageur étonné ne retrouve plus des mers, des lacs, des rivieres, des villes fameuses décrites dans les anciens géographes, & dont aujourd’hui il ne reste plus aucune trace ? Comment la fureur des élémens eût-elle respecté les ouvrages toujours foibles de la main des hommes, tandis qu’elle ébranle & détruit la base solide qui leur sert d’appui ? (—)

Tremblement, (Médecine.) un mouvement alternatif, involontaire, lâche, & désordonné dans un de nos organes particuliers, ou dans plusieurs ensemble s’appelle tremblement.

Cette maladie qui consiste dans une violente agitation des membres en directions contraires, est due au manque de ton, & aux efforts des parties attaquées pour reprendre ce ton.

Les Médecins distinguent deux especes de tremblemens, qu’ils nomment tremblement actif & tremblement passif. Le tremblement actif est celui qui arrive dans les violentes passions, telles que la terreur, la colere, la joie subite, &c. l’on doit rapporter cet état à des mouvemens demi-convulsifs. Le tremblement passif est dû à une cause particuliere, & approche des affections demi-paralytiques ; mais les tremblemens passifs considérés comme maladie, doivent être distingués de ceux qui sont produits par des causes accidentelles, telles qu’est le tremblement qui succede au bain dans une eau très-froide.

Causes. Les causes internes des tremblemens passifs considérés comme maladie, sont la flaccidité des nerfs, le relâchement du ton des parties, le manque ou le cours déréglé des esprits animaux ; les causes externes & accidentelles sont en grand nombre, comme l’omission des évacuations accoutumées, les trop grandes évacuations, les longues maladies qui ont précédé, l’abus des liqueurs spiritueuses, les humeurs cacochimiques & mélancoliques, les trop grandes veilles, la débauche du vin & des femmes, les exhalaisons minérales dans ceux qui travaillent aux mines, &c.

Prognostiques. Le tremblement de naissance ou de vieillesse est inguérissable ; en général, plus le tremblement est confirmé par le tems, & moins aisément peut-on y remédier. Le tremblement qui vient du travail des mines de mercure admet rarement des remedes, & fait craindre qu’il ne dégénere en paralysie. Le tremblement qui vient de lui-même dans les femmes grosses, annonce d’ordinaire l’avortement ou l’accouchement prochain ; celui qui succede à l’accouchement & qui est causé par la suppression des vuidanges est très-dangereux, & occasionne quelquefois l’épilepsie.

Méthode curative. L’abus des veilles, celui des plaisirs de l’amour, les trop grandes évacuations du sang & des humeurs, & la diete poussée trop loin, sont autant de choses qui épuisent les esprits & qui pro-