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on doit en examiner la cause ; sans cela on risque de tout perdre. Les remedes adoucissans, tels que les huiles, les mucilages, les loks, les émulsions, les syrops béchiques, les tablettes de guimauve, & autres pareilles, deviennent dangereuses, lorsque le rhume est symphatique. Si au contraire il est produit par une acrimonie du sang, une irritation des bronches, la sécheresse & la chaleur du poumon ; c’est le cas d’ordonner les béchiques simples & doux ; mais dans l’épaississement & la glutinosité soit de la lymphe, soit du sang, dans l’obstruction des canaux bronchiques, par une matiere froide, lente, & humide, on doit employer les béchiques incisifs & expectorans, les atténuans & apéritifs, les purgatifs & les émétiques.

D’où l’on doit conclure que les rhumes & la toux sont des maladies très-difficiles à guérir, & que les maladies chroniques de la poitrine & du poumon, qui dégénerent si souvent en consomption, sont pour la plûpart une suite de ces maladies légeres que l’on nomme toux & rhume, & que les ignorans traitent à la légere, sans en approfondir les causes, & sans en examiner les dangers. Les pilules de Morton, les baumes naturels & factices, les baumes de soufre, & autres préparations de cette nature, sont meilleurs que les remedes les plus vantés, dans la toux ; il n’est question que de modérer leur activité dans l’acrimonie & la grande ardeur de la poitrine. L’usage de ces remedes tempéré par le lait est un des grands spécifiques pour la toux. Voyez Rhume, voyez Béchique. (m)

TOWCESTER, (Géog. mod.) Torcester, ville ou bourg à marché d’Angleterre dans Northamptonshire. Cambden veut que ce soit le Tripontium des anciens, & qu’on l’appelloit ainsi à cause de ses trois ponts. Cette place devint une ville forte, dont les Danois ne purent s’emparer, après plusieurs assauts consécutifs, & également inutiles.

C’est dans le voisinage de Towcester que naquit en 1638, Bernard (Edouard) savant critique, ainsi qu’astronome ; & pour dire quelque chose de plus, vir omni eruditione & humanitate excellens, comme l’appelle Thomas Gale. Smith a donné sa vie. Son génie n’étoit pas d’un caractere à se renfermer dans les limites de la Grece & de Rome : il entreprit d’acquérir la connoissance des sciences de la Palestine, de la Syrie, de l’Arabie & de l’Egypte ; & dans ce dessein, il apprit les langues de ces divers pays. De-là vint qu’en 1668, il se rendit à Leyde pour consulter les manuscrits orientaux, que Joseph Scaliger & Levinus Warner avoient legués à la bibliotheque de cette académie.

Il fut nommé à la chaire d’Astronomie de Savile en 1673. L’université d’Oxford ayant formé le dessein de publier une édition des anciens mathématiciens, M. Bernard rassembla tous les livres de ce genre qui avoient paru depuis l’invention de l’Imprimerie, & tous les manuscrits qu’il put déterrer dans les bibliotheques bodleïenne & savilienne. Il rangea le tout sous diverses classes, & en dressa le plan qui devoit contenir quatorze volumes in-folio ; c’est grand dommage qu’un si beau projet n’ait point eu d’exécution.

En 1676, Charles II. l’envoya à Paris, en qualité de gouverneur des ducs de Grafton & de Northumberland, fils de ce prince & de la duchesse de Cléveland ; mais la simplicité des mœurs de notre savant ne s’accommodant point du genre de vie qu’on menoit chez la duchesse, il revint au bout de l’année dans sa retraite chérie d’Oxford. Élevé dans l’obscurité du cabinet, peu fait à la flaterie qu’on demande chez les grands, n’ayant point cette légéreté de conversation, cette galanterie oisive, & ces propos mensongers si nécessaires auprès des dames, il s’ap-

perçut qu’il étoit peu fêté dans une maison où l’on

ne savoit pas respecter les vertus réelles. Il s’en consola bientôt, & prit le parti de voir les savans de Paris, de visiter les manuscrits, & de ramasser quantité de livres rares.

De retour en Angleterre, il publia divers morceaux dans les Transactions philosophiques, sur la plus grande déclinaison du soleil, & sur la longitude & la latitude des principales étoiles fixes. En 1684 il prit le degré de docteur en Théologie, & obtint un bénéfice à neuf milles d’Oxford. En 1695, il fit le voyage de Hollande, & y acheta quantité de manuscrits orientaux de la bibliotheque de Golius, pour le docteur Narcisse Marsh, archevêque de Dublin. Il mourut à Oxford en 1696, âgé d’environ cinquante-neuf ans.

Son ouvrage sur les poids & mesures des anciens, parut en 1685, & fut réimprimé en 1688, in-8°. C’est un traité pour l’usage, & non pour la parade, l’auteur l’ayant rendu aussi concis qu’il étoit possible. Il a rassemblé judicieusement ce qui étoit dispersé çà & là dans les autres écrivains ; & il a ajouté, de son propre & riche fonds, quantité de choses qu’on chercheroit inutilement ailleurs, sur les mesures des Talmudistes, des Arabes, des Chinois, &c. On a joint dans la seconde édition de ce traité deux lettres écrites à l’auteur : l’une, du docteur Thomas Hyde, dans laquelle il explique plus particulierement ce qui regarde les poids & les mesures des Chinois : & l’autre d’un savant qui se signe N. F. D. c’est-à-dire, Nicolas Fatio Duillier, qui fait une description de la mer d’airain de Salomon, selon une nouvelle méthode, & qui en donne un plan.

M. Bernard a fait imprimer à Oxford sur une grande feuille gravée en cuivre. Orbis eruditi, litteratura à caractere samaritico deducta. On y voit d’un coup-d’œil, sans confusion, les différentes figures des lettres, dans les différens âges du monde ; celles qui ont été d’abord en usage parmi les Phéniciens, ensuite parmi les Samaritains, les Juifs, les Syriens, les Arabes, les Perses, les philosophes Indiens, les Brachmanes, les Malabares, les Grecs, les Coptes, les Russiens, les Esclavons, les Arméniens, qui ont emprunté leur alphabet des Grecs, comme les Ethiopiens le leur des Coptes. Enfin on y voit les caracteres des anciens latins, desquels les Francs, les Saxons, les Goths, & les autres nations septentrionales, ont emprunté les leurs. Il y a joint une seconde table qui contient les principales abbréviations des Grecs, celles des Médecins, des Mathématiciens & des Chimistes ; table qui est d’un grand usage dans la lecture des anciens. On y trouve aussi d’excellens essais des abréviations des autres peuples. Il a dressé le tout avec un travail prodigieux, sur les monumens, les monnoies, & les manuscrits. Les tables dont nous venons de parler, sont aussi rares que curieuses ; & nous les avons cherchées sans succès, pour en embellir l’Encyclopédie.

En 1689 parut son Etymologicon britannicum à la fin des Institutiones anglo-saxonicæ du docteur George Hickes, à Oxford, in-4°. Cet étymologique contient l’étymologie d’un grand nombre de mots anglois & bretons, tirés du russien, de l’esclavon, du persan & de l’arménien.

M. Bernard a mis au jour diverses autres pieces, & il a laissé plusieurs ouvrages ébauchés dont le docteur Smith a donné le catalogue dans la vie de ce savant homme. Entre ces ouvrages se trouve, 1°. un chronicon omnis ævi, plein d’érudition, & qui étoit le fruit de plusieurs années de travail, d’après d’anciens manuscrits, des médailles, & d’autres monumens. 2°. Calendarium ecclesiasticum & civile plerarumque gentium ; c’est un ouvrage considérable, & qui mérite de paroître. 3°. On peut ici rapporter les vastes re-