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1602. Renaud de Beaune devint bientôt après grand-aumonier de France & commandeur des ordres du roi. Il mourut à Paris en 1606 à 79 ans.

M. de Thou dit une chose singuliere de ce prélat, c’est qu’il étoit pour ainsi dire attaqué d’une faim canine, sans que cet état ait nui à sa santé. A peine avoit-il dormi quatre heures que la faim le contraignoit de se lever pour déjeûner : c’est ce qu’il faisoit réglément à une heure après minuit ; il se reposoit cinq heures, & puis il se mettoit à table ; il faisoit la même chose à huit heures ; il dinoit & collationnoit quatre heures après ; il soupoit amplement à l’heure ordinaire. Il étoit volontiers une heure à table ; c’est pour cela qu’il n’aimoit point à manger hors de chez lui ; & lorsqu’un grand prince qui l’avoit invité souvent, sans l’avoir jamais trouvé désarmé d’excuses, lui demanda la raison de ce refus, il eut pour réponse : vos repas sont trop courts, & vos services se suivent de trop près.

Le plus étrange, c’est que malgré cette prodigieuse quantité d’alimens qu’il prenoit, il n’en étoit pas moins disposé au travail d’esprit ; car pour celui du corps, il s’en gardoit bien, n’osant en user de peur d’irriter son appétit : nunquam, dit l’historien, somnolentior visus, nullâ gravedine, aut dolore capitis tenebatur, semper æque sui compos & ad omnia paratus ; extrà negotia quietem & confabulationem sectabatur.

Je passe aux simples hommes de lettres natifs de Tours, & je trouve d’abord MM. (Jean & Julien) Brodeau issus d’une famille illustre & féconde en gens de mérite. Jean Brodeau, célebre écrivain du xvj. siecle, mourut dans sa patrie où il étoit chanoine de S. Martin, l’an 1563, âgé de 63 ans. Il publia divers ouvrages de littérature qui sont estimés des savans. On fait surtout cas de ses dix livres de Miscellanées, de ses commentaires sur les épigrammes greques, de ses notes sur Euripide, sur Martial, sur Oppian & sur Appien.

« Jean Brodeau, dit M. de Thou, né à Tours des premieres maisons de la ville, avoit étudié avec Pierre Danès, & ayant été en Italie grand ami de Pierre Sadolet, de Pierre Bembo, tous deux cardinaux, de Baptiste Egnace, de Paul Manuce & d’un grand nombre de savans ; il avoit ajouté à la philosophie, en quoi il étoit habile, une grande connoissance des mathematiques & de la langue-sainte. Ensuite étant revenu en son pays, il s’abandonna à une vie tranquille, non pas toutefois oisive, comme le témoignent quantité d’ouvrages d’érudition, que cet excellent homme entierement éloigné d’ambition & de vanité, laissa publier plutôt sous le nom d’autrui que sous le sien, par un exemple de modestie d’autant plus rare, que dans le siecle où nous sommes, chacun veut tirer de la gloire, non seulement des richesses, des magistratures & des autres honneurs, mais aussi de la science & des lettres. » On a conservé dans notre pays toutes les glorioles dont parle M. de Thou, excepté la derniere à laquelle on a substitué celle qu’on tire des vices.

Brodeau (Julien) avocat au parlement de Paris, s’est distingué par des commentaires sur la coutume de cette ville, & des notes sur les arrêts de Louet. On lui doit aussi la vie de Charles du Moulin. Il est mort en 1635.

Grécourt (Jean-Baptiste Joseph Villart de), chanoine de S. Martin de Tours, & poëte françois, mourut dans sa patrie à 59 ans. Ses œuvres ont été imprimées en 1748, & plusieurs autres fois depuis. Elles contiennent des fables, des madrigaux, des chansons, des contes, des épigrammes, &c. où l’on remarque un esprit aisé, naturel & quelquefois agréable ; mais l’obscénité, la licence & le libertinage qui regnent dans la plus grande partie des poé-

sies de ce chanoine, en interdisent la lecture à toute

personne honnête.

Son poëme de Philotanus eut dans le tems un grand succès. « Le mérite de ces sortes d’ouvrages, dit M. de Voltaire, n’est d’ordinaire que dans le choix du sujet & dans la malignité humaine. Ce n’est pas qu’il n’y ait quelques vers bien faits dans ce poëme. Le commencement en est très-heureux, mais la suite n’y répond point. Le diable n’y parle pas aussi plaisamment qu’il est amené. Le style est bas, uniforme, sans dialogue, sans graces, sans finesse, sans pureté, sans imagination dans l’expression ; & ce n’est enfin qu’une histoire satyrique de la bulle Unigenitus en vers burlesques, parmi lesquels il s’en trouve de très-plaisans ».

Guyet (Charles), jésuite, né l’an 1601, & mort en 1664 ; il s’attacha à la connoissance des cérémonies de l’église, & fit sur les fêtes un gros livre intitulé : heortologia, sive de festis propriis locorum, à Paris, chez Sebastien Cramoisy, 1657, in-fol. C’est une entreprise plus difficile qu’utile que celle d’expliquer les fêtes de chaque lieu.

Houdry (Vincent) jésuite, connu par un grand & médiocre répertoire intitulé, la bibliotheque des prédicateurs. Il naquit en 1631, & mourut en 1729, âgé de 99 ans & trois mois.

Martin (dom Claude) bénédictin, a fait des méditations chrétiennes en deux volumes in-4°. & d’autres ouvrages de piété. Il est mort en 1696 à 78 ans.

Mornac (Antoine), un des célebres jurisconsultes de son tems, & dont les œuvres ont été imprimées à Paris en 1724, en quatre volumes in-fol. Il est mort en 1619 âgé d’environ 60 ans.

Rapin (Réné) jésuite, né en 1621, s’attacha à Paris en qualité de préfet, à de jeunes gens du premier rang, ce qui le mit à portée d’acquérir l’usage du monde. Les graces de son esprit se font remarquer dans ses poésies latines, & principalement dans son poëme des jardins. Sa connoissance des belles-lettres l’engagea de mettre au jour les comparaisons de Virgile & d’Homere, de Démosthène & de Cicéron, de Platon & d’Aristote, de Thucidide & de Tite-Live. On leur fit un grand accueil dans le tems ; mais on ne les lit plus guere, peut-être à cause du style, qui est recherché, froid & diffus. Tous ses autres ouvrages sont peu de chose, & en particulier ses réflexions sur la philosophie, fruit du préjugé, ne sont pas honneur à son jugement. Il mourut en 1687 à 66 ans. Une bonne édition de ses poésies latines est celle de Paris en 1723, trois volumes in-12. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tours, gros-de-tours riche, broché & nué. Tous les gros-de-tours ordinaires qui se travaillent à Lyon, sont montés avec quatre lisses pour faire lever la moitié de la chaîne & quatre lisses pour faire baisser ou rabattre l’autre moitié, ce qui se fait en faisant lever à chaque coup de navette que l’on passe, deux lisses, & faisant baisser les deux lisses dessous lesquelles sont passés les fils de la chaîne qui ne levent point, afin de les séparer, & que l’ouvrage soit plus net. Il faut faire attention que pour armer le métier, il est d’une nécessité absolue que si on commence à lever par la premiere lisse du côté du corps, il ne faut pas prendre la seconde, mais la troisieme pour le premier coup, & faire rabattre la seconde & la quatrieme ; de même pour le second coup, il faut faire lever la seconde & la quatrieme, & faire rabattre la premiere & la troisieme.

Or comme tous les gros de-tours qui se fabriquent aujourd’hui à Lyon, ont un coup, deux & même trois de lizeré, les navettes une, deux & trois qui forment ce lizeré, doivent être passées sur la même marche, je veux dire, sur une seconde marche qui fait lever les mêmes lisses de la premiere, en obser-