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mée à toute la masse de l’eau, la circonférence d’un plus petit cercle d’eau, ou d’un cercle moins éloigné de l’axe, a une force centrifuge plus grande qu’une autre circonférence d’un plus grand cercle, ou, ce qui revient au même, d’une circonférence plus éloignée de l’axe : le plus petit cercle pousse donc le plus grand vers les côtés du vase ; & de cette pression ou de cette impulsion que tous les cercles reçoivent des plus petits qui les précedent, & qui se communiquent aux plus grands qui les suivent, procede cette élévation de l’eau le long des côtés du vase jusqu’au bord supérieur, où nous supposons que le mouvement cesse.

M. Daniel Bernoully, dans son hydrodynamique, a déterminé la courbure que doit prendre la surface d’un fluide qui se meut ainsi en tourbillon. Il suppose telle loi qu’on veut dans la vîtesse des différentes couches de ce tourbillon, & il détermine d’une maniere fort simple la figure de la courbe dans ces différentes hypotheses.

M. Clairaut a aussi déterminé cette même courbure dans sa théorie de la figure de la terre ; & il observe à cette occasion que M. Herman s’est trompé dans la solution qu’il a donnée de ce même problème.

M. Saulmon, de l’académie royale des Sciences, a fait différentes expériences avec un pareil tourbillon en y mettant différens corps solides, qui pussent y recevoir le même mouvement circulaire : il se proposoit de découvrir par-là lesquels de ces corps faisant leurs révolutions autour de l’axe du tourbillon, s’approcheroient ou s’éloigneroient davantage de cet axe, & avec quel degré de vîtesse ils le feroient ; le résultant de cette expérience sut que plus un corps étoit pesant, plus il s’éloignoit de l’axe.

Le dessein de M. Saulmon étoit de faire voir, par cette expérience, la maniere dont les lois de la méchanique pouvoient produire les mouvemens des corps célestes ; & que c’est probablement à ces mouvemens qu’il faut attribuer le poids, ou la pesanteur des corps Mais les expériences donnent un résultat précisément contraire à ce qui devroit arriver, pour confirmer la doctrine de Descartes sur la pesanteur. Voyez Pesanteur.

Tourbillon, dans la philosophie de Descartes,… c’est un système ou une collection de particules de matieres qui se meuvent autour du même axe.

Ces tourbillons sont le grand principe, dont les successeurs de Descartes se servent pour expliquer la plûpart des mouvemens, & des autres phénomenes des corps célestes. Aussi la théorie de ces tourbillons fait-elle une grande partie de la philosophie cartésienne. Voyez Cartésianisme.

Les Cartésiens prétendent que la matiere a été divisée d’abord en une quantité innombrable de petites particules égales, ayant chacune un égal degré de mouvement autour de leur propre centre. Voyez Fluide.

Ils supposent de plus que différens systèmes ou différens amas de cette matiere ont reçu un mouvement commun autour de certains points comme centres communs, & que ces matieres prenant un mouvement circulaire, ont composé autant de tourbillons.

Ces particules primitives de matiere, agitées de mouvemens circulaires, ayant perdu leurs pointes ou leurs inégalités par leurs frottemens réciproques, ont acquis des figures sphériques, & sont parvenues à composer des globules de différentes grandeurs, que les Cartésiens appellent la matiere du second élément ; & ils donnent le nom de matiere du premier élément à cette espece de poussiere ou de limaille qu’il a fallu enlever de dessus ces particules, afin de leur donner la forme sphérique. Voyez Elément.

Et comme il y auroit de ce premier élément bien plus qu’il n’en faudroit pour remplir tous les vuides

entre les globules du second, ils supposent que le surplus est chassé vers le centre du tourbillon par le mouvement circulaire des globules ; & que s’y amassant en forme de sphere, il produit un corps semblable au soleil. Voyez Soleil.

Ce soleil ainsi formé, tournant autour de son propre axe avec toute la matiere du tourbillon, doit nécessairement pousser au-dehors quelques-unes de ses parties, par les vuides que laissent les globules du second élément qui constitue le tourbillon : & cela doit arriver particulierement aux endroits qui sont les plus éloignés des poles, le soleil recevant en même tems par ces poles précisément autant de matiere qu’il en perd dans les parties de son équateur, moyennant quoi il fait tourner plus vîte les globules les plus proches, & plus lentement les globules plus éloignés. Ainsi les globules qui sont les plus proches du centre du soleil, doivent être les plus petits, parce que les plus grands ont, à raison de leur vîtesse, une plus grande force centrifuge qui les éloigne du centre. Voyez Lumiere.

S’il arrive que quelqu’un de ces corps solaires qui sont au centre des différens tourbillons, soit tellement encrouté ou affoibli, qu’il soit emporté dans le tourbillon du véritable soleil, & qu’il ait moins de solidité ou moins de mouvement que les globules qui sont vers l’extrémité du tourbillon solaire, il descendra vers le soleil jusqu’à ce qu’il se rencontre avec des globules de même solidité que la sienne, & susceptibles du même degré de mouvement dont il est doué ; & se fixant dans cette couche, il sera emporté par le mouvement du tourbillon, sans jamais s’approcher ou s’écarter davantage du soleil ; ce qui constitue une planete. Voyez Planete.

Cela posé, il faut se représenter ensuite que notre système solaire fut divisé d’abord en plusieurs tourbillons ; qu’au centre de chacun de ces tourbillons il y avoit un corps sphérique lumineux ; que quelques-uns d’entr’eux s’étant encroutés par degrés furent engloutis par d’autres tourbillons plus grands & plus puissans, jusqu’à ce qu’enfin ils furent tous détruits & absorbés par le plus fort des tourbillons solaires, excepté un petit nombre qui s’échaperent en lignes droites d’un tourbillon dans un autre, & qui devinrent par ce moyen ce que l’on appelle des cometes. Voyez Comete.

Cette doctrine des tourbillons est purement hypothétique. On ne prétend point y faire voir par quelles lois & par quels moyens les mouvemens célestes s’exécutent réellement, mais seulement comment tout cela auroit pû avoir lieu, en cas qu’il eût plû au créateur de s’y prendre de cette maniere dans la construction méchanique de l’univers. Mais nous avons un autre principe qui explique les mêmes phénomenes aussi-bien, & même beaucoup mieux que celui des tourbillons, principe dont l’existence actuelle se manifeste pleinement dans la nature : nous voulons parler de la gravitation des corps. Voyez Gravitation.

On peut faire bien des objections contre le principe des tourbillons. Car 1°. si les corps des planetes & des cometes étoient emportés autour du soleil dans des tourbillons, les parties correspondantes du tourbillon devroient se mouvoir dans la même direction, & il faudroit de plus qu’elles eussent la même densité. Il est constant que les planetes & les cometes se meuvent dans les mêmes parties des cieux avec différens degrés de vîtesse, & dans différentes directions. Il s’ensuit donc que ces parties du tourbillon doivent faire leur révolution en même tems dans différentes directions, & avec différens degrés de vîtesse ; puisqu’il faudra une vîtesse & une direction déterminées pour le mouvement des planetes, & une autre pour celui des cometes.