Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chaque maître ne peut obliger qu’un apprentif à la-fois, & chaque apprentif doit servir 10 années chez les maîtres en qualité de compagnon, avant que d’avoir droit de tenir boutique, ni de travailler pour son compte.

Tout maître doit avoir sa marque enregistrée au greffe de la monnoie, & empreinte sur une table de cuivre.

L’ouvrage des tireurs doit se vendre au poids du roi de huit onces au marc, & de huit gros à l’once, & non au poids subtil, vulgairement appellé le poids de Lyon.

L’argent fin fumé est défendu sous peine de confiscation & de 2000 liv. d’amende.

L’or ou l’argent doit être filé sur la soie teinte, & non sur la crue, & le faux seulement sur le fil.

Maniere de tirer l’or & l’argent fin. On prend d’abord un lingot d’argent du poids de 35 à 36 marcs, que l’on réduit par le moyen de la forge, en forme de cylindre, de la grosseur à-peu-près d’un manche à balai.

Après que le lingot a été ainsi forgé, on le porte à l’argue, où on le fait passer par 8 ou 10 pertuis d’une grosse filiere, que l’on nomme calibre, tant pour l’arrondir plus parfaitement, que pour l’étendre jusqu’à ce qu’il soit parvenu à la grosseur d’une canne, ce qui s’appelle tirer à l’argue, ou apprêter pour dorer. Voyez Argue & Filiere.

Le lingot ayant été tiré, comme il vient d’être dit, est reporté chez le tireur d’or, où il est limé avec exactitude sur toute sa superficie, pour ôter la crasse qui peut v être restée de la forge ; puis on le coupe par le milieu, ce qui forme deux lingots d’égale grosseur, longs chacun d’environ 24 à 25 pouces, que l’on fait passer par quelques pertuis de calibre, soit pour abaisser les crans ou inégalités que la lime y a pu faire, soit aussi pour le rendre le plus uni qu’il est possible.

Lorsque les lingots ont été ainsi disposés, on les sait chauffer dans un feu de charbon pour leur donner le degré de chaleur propre à pouvoir recevoir l’or que l’on y veut appliquer, ce qui se fait de la maniere suivante.

On prend des feuilles d’or, chacune du poids d’environ 12 grains, & de 4 pouces au-moins en quarré, que l’on joint quatre, huit, douze ou seize ensemble, suivant qu’on desire que les lingots soient plus ou moins surdorés ; & lorsque ces feuilles ont été jointes de maniere à n’en plus former qu’une seule, on frotte les lingots tout chauds avec un brunissoir, puis on applique en longueur sur toute la superficie de chaque lingot, six de ces feuilles préparées, par dessus lesquelles on passe la pierre de sanguine pour les bien unir.

Après que les lingots ont reçu leur or, on les met dans un nouveau feu de charbon pour y prendre un certain degré de chaleur ; & lorsqu’ils en sont retirés, on repasse par-dessus une seconde fois la pierre de sanguine, soit pour bien souder l’or, soit aussi pour achever de le polir parfaitement.

Les lingots ayant été ainsi dorés, sont reportés à l’argue, où on les fait passer par autant de pertuis de filiere qu’il est nécessaire, (ce qui peut aller environ à quarante) pour les réduire à-peu-près à la grosseur d’une plume à écrire.

Ensuite on les reporte chez le tireur d’or pour les dégrosser, c’est-à-dire, les faire passer par une vingtaine de pertuis d’une sorte de filiere moyenne qu’on appelle ras ; ce qui les réduit à la grosseur d’un ferret de lacet.

Le dégrossage se fait par le moyen d’une espece de banc scellé en plâtre, que l’on nomme banc à dégrosser, qui n’est qu’une maniere de petite argue que

deux hommes peuvent faire tourner.

Après que les lingots ont été dégrossés & réduits, comme on vient de dire, & à la grosseur d’un ferret de lacet, ils perdent leur nom de lingots, pour prendre celui de fil d’or. Ce fil est ensuite tiré sur un autre banc, que l’on nomme banc à tirer, où on le fait passer par vingt nouveaux pertuis d’une espece de filiere appellée prégaton ; après quoi il se trouve en état d’être passé par la plus petite filiere, qu’on nomme fer à tirer, pour le porter à son dernier point de finesse ; ce qui se pratique de la maniere suivante.

Premierement, on passe le fil d’or par le trou du fer à tirer appellé pertuis neuf, qu’on a auparavant retréci avec un petit marteau sur un tas d’acier, & poli avec un petit poinçon d’acier très-pointu, que l’on nomme pointe. Ce pertuis est ainsi retréci & repoli successivement avec de pareilles pointes, toujours de plus fines en plus fines, & le fil y est aussi successivement tiré jusque à ce qu’il soit parvenu à la grosseur d’un cheveu.

Ce qui paroît de plus admirable, est que tout délié & tout fin que soit ce fil, il se trouve si parfaitement doré sur toute sa superficie, qu’il seroit assez difficile de s’imaginer, sans le savoir, que le fond en fût d’argent.

Le fil d’or en cet état s’appelle or trait, & peut s’employer en crépines, boutons, cordons de chapeau, & autres semblables ouvrages.

Il faut remarquer qu’avant que l’or trait soit réduit à cet extreme point de finesse, il a dû passer par plus de 140 pertuis de calibre, de filiere, de ras, de prégaton, & de fer à tirer, & que chaque fois qu’on l’a fait passer par un de ces pertuis, on l’a frotté de cire neuve, soit pour en faciliter le passage, soit aussi pour empêcher que l’argent ne se découvre de l’or qui est dessus.

Pour disposer l’or trait à être filé sur la soie, il faut l’écacher ou applatir, ce que plusieurs appellent battre l’or, & le mettre en lame. On lui donne cette façon, en le faisant passer entre deux rouleaux d’une petite machine nommée moulin à battre, ou moulin à écacher.

Ces rouleaux qui sont d’un acier très-poli, environ de trois pouces de diametre, c’est-à-dire, épais de douze ou quinze lignes, & très-serrés l’un contre l’autre sur leur épaisseur, sont tournés par le moyen d’une manivelle attachée à l’un des deux, qui fait mouvoir l’autre ; en sorte qu’à mesure que le fil trait passe entre les deux rouleaux, il s’écache & s’applatit, sans pourtant rien perdre de sa dorure, & il devient en lame si mince & si flexible, qu’on peut aisément le filer sur la soie, par le moyen d’un roüet & de quelques rochets ou bobines passées dans de menues broches de fer.

Lorsque l’or en lame a été filé sur la soie, on lui donne le nom de filé d’or.

Quand on ne veut avoir que de l’argent trait, de l’argent en lame, ou du fil d’argent, on ne dore point les lingots ; à cela près, tout le reste se pratique de la même maniere que pour l’or trait, l’or en lame, & le filé d’or.

L’or & l’argent trait battu, ou en lames de Lyon, se vend par bobines de demi-once, & d’une once net, c’est-à-dire, sans comprendre le poids de la bobine & ses différens degrés de finesse, se distinguent par des P, depuis un jusqu’à sept, toujours en diminuant de grosseur ; en sorte que celui d’un P est le plus gros, & que celui de sept P est le plus fin, que l’on appelle à cause de cela superfin.

L’or & l’argent trait, battu ou en lame, qui se fabrique à Paris, se débite en bobines de différens poids ; & ses divers degrés de finesse ou de surdorure sont indiqués par des numéros depuis 50 jusqu’à