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les d’une corde à boyau, l’une d’un côté, l’autre du côté opposé. Si elles tiennent à des parties voisines, elles ne pourront se retirer, sans les tirailler, les agiter, les irriter, & cela avec d’autant plus de force, & par conséquent d’autant plus douloureusement, que leur adhésion sera plus grande. Cela peut aisément aller au point de causer des inflammations, qui s’étendront ensuite ; la fievre, des insomnies, des délires. Mais hors de ce cas-là, deux parties du tendon séparées se retirent paisiblement chacune de son côté, & il n’y a nul autre mal, que le tendon cassé, devenu inutile. Cela est si vrai, que pour prévenir les douleurs & les accidens qui naîtroient d’un tendon à demi rompu, on le coupe tout-à-fait. Le tendon d’Achille est enfermé dans une gaîne où il coule librement, il n’a point d’attache aux parties voisines, & par-là, sa rupture complete est sans douleur.

Mais il n’en va pas de même de l’incomplete. Le seul tendon des jumeaux étant rompu, il se retire en en-haut & en en-bas, tandis que le tendon du solaire ne se retire point. On voit assez là un principe de déchirement d’autant plus violent, que l’adhérence & l’union de ces deux tendons qui forment celui d’Achille, est effectivement très-grande.

Ce principe général veut pourtant être considéré plus particulierement. Il n’y a de douleur qu’à l’endroit de la portion supérieure du tendon rompu, & non à l’inférieure. Quand la portion supérieure du tendon des jumeaux va en en-haut, parce qu’elle y est tirée par la partie charnue de ce muscle auquel elle tient, elle est en même tems tirée en en-bas par le solaire resté sain en son entier ; & cette contrariété d’actions fait un déchirement douloureux dans les fibres qui résistent ; mais la portion inférieure du même tendon ne tenant plus du tout au muscle des jumeaux, mais seulement au solaire, elle obéit sans résistance aux mouvemens du solaire, qui ne sont point combattus par l’autre. Ce n’est que dans les premiers tems que cette différence entre les deux portions du tendon rompu subsiste en son entier : dans la suite la douleur de la portion supérieure peut avoir été si vive, qu’elle aura causé de l’inflammation aux parties voisines ; mais quoique la portion inférieure s’en ressente, elle est encore la moins douloureuse, ce que l’on reconnoît sensiblement au toucher.

Dans la rupture complete, on fléchit le pié du malade sans lui causer aucune douleur ; on augmente seulement une espece de vuide où de creux que laissent nécessairement entre elles les deux portions du tendon d’Achille entierement séparées l’une de l’autre. Dans la rupture incomplette, cette même flexion du pié ne peut se faire sans beaucoup de douleur, parce que ce creux qu’on tend à augmenter, ne se peut augmenter sans un déchirement, ou tiraillement de parties imparfaitement séparées.

Dans la rupture incomplete on peut marcher, mais en souffrant ; dans la complete on ne peut marcher, quoiqu’on ne souffre point. A chaque pas que l’on fait, la jambe qui demeure en arriere, soutient seule tout le poids du corps, & il faut que la ligne de direction de ce poids tombe vers le milieu du pié de cette jambe posé sur le plan ; or M. Petit fait voir que c’est le tendon d’Achille, qui par son action porte cette ligne de direction sur le pié où elle doit être, qu’il fait en quelque sorte la fonction de gouvernail, & que par conséquent lorsqu’il ne peut plus absolument la faire, on ne marche plus.

Il est très-important en chirurgie de connoître toutes les différences des deux ruptures ; on sçaura les discerner dans l’occasion, & on se conduira plus surement. Quand on ne les discerneroit que par leurs effets, ce seroit toujours beaucoup ; mais il vaut sans comparaison mieux que les effets soient accompagnés de la connoissance des causes.

M. Petit ne traite point de la deuxieme rupture incomplete, qui seroit celle du seul tendon du muscle solaire, il ne l’a point vûe, & il y a plus de sagesse à ne point prévenir les faits par des conjectures hasardées. Il croit seulement que cette rupture doit être plus rare que la premiere incomplete, & il en donne les raisons tirées de la différence des deux tendons qui composent celui d’Achille. Hist. de l’acad. des Sciences, années 1725 & 1728. (D. J.)

Tendon, les Maréchaux appellent improprement ainsi dans le cheval une espece de cartilage qui entoure une partie du pié, & qui est située entre la corne & le petit pié. On est souvent obligé de couper ce tendon. Dans le javart encorné, la matiere qui se forme entre le petit pié & la corne, gâte ce tendon, le noircit, & l’on est obligé de l’extirper pour guérir le javart. Voyez Javart.

TENDOURS, s. m. (terme de relation.) on nomme tendours dans le Levant, des tables garnies de bois par les côtés, dans lesquelles les Turcs s’enferment jusqu’à la ceinture, hommes & femmes, filles & garçons ; ils y mettent en hiver un petit poële pour échauffer le lieu, & passent ainsi des journées entieres dans leurs tendours, à converser, fumer, & boire du sorbet. (D. J.)

TENDRE, TENDREMENT, TENDRESSE, (Lang. franç.) ces mots se disent élégamment en matiere de peinture, de gravure, de sculpture, &c. Il peignoit d’une maniere tendre ; cette gravure est touchée tendrement ; tous les plis sont faits avec une grande tendresse.

Tendresse n’est d’usage qu’au figuré ; & la délicatesse de ce siecle a renfermé ce mot dans l’amour & dans l’amitié. On ne dit point, cette viande est d’une grande tendresse ; on dit, cette viande est fort tendre. C’est un substantif qui manque au propre dans notre langue ; il faudroit y substituer ou tendreur ou tendreté ; mais l’usage ne l’a pas encore voulu.

Lorsque tendre se dit des personnes, & qu’il n’a point de régime, il s’entend ordinairement de la compassion, & particulierement de l’amour ; il est naturellement tendre pour les miseres d’autrui. Il y a des personnes qui affectent d’être tendres & sensibles à la perte de gens qu’elles connoissoient à peine, afin qu’on soit tendre pour elles, & qu’on prenne part à leurs déplaisirs. Cette dame a le cœur tendre ; une conscience tendre ; c’est une conscience scrupuleuse, délicate. (D. J.)

Tendre, (Art statuaire en fonte.) le statuaire comme le peintre s’étudie à copier la nature ; & la fonte ainsi que le ciseau, ont des délicatesses qui ne naissent que sous la main des grands maîtres. La rudesse des traits ne fait pas précisément cette dureté que l’on blâme dans une statue. Avec les traits les plus doux, une Vénus ou un Cupidon auront cette dureté vicieuse, si les attitudes ne sont point dans une proportion réguliere, si les membres & les nerfs ne paroissent point souples & flexibles ; en un mot, si le sentiment ne sort pas, pour ainsi dire, de l’harmonie naturelle des traits & des mouvemens que demande l’action représentée. Virgile a peint en deux mots ce que nous appellons le tendre, spirantia mollius æra. (D. J.)

Tendre, v. act. (Gram.) on dit tendre un arc, pour le bander avec effort ; tendre un piege, pour le préparer ; tendre une corde, pour l’attacher fixement par les deux bouts ; tendre une tente, des voiles, un lit, une tapisserie, un filet aux bécasses, aux grives ; tendre le cou, le dos, la main ; tendre à un but ; tendre à la mort ; tendre à la fin d’un ouvrage ou de la vie ; tendre les bras à quelqu’un ; tendre les bras au ciel ; tendre l’esprit, &c.

Tendre à caillou, (Botan.) nom vulgaire qu’on donne dans les îles de l’Amérique françoise à un ar-