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galité. L’économie consiste à ménager également la séve, en taillant plus long ou plus court, selon que les arbres sont foibles ou vigoureux. Dans ce dernier cas même, on peut tailler court en laissant beaucoup de branches capables de diviser la séve ; car c’est en raison de sa marche qu’il faut diriger toute l’opération ; d’où il arrive quelquefois que dans cette vûe, il y a des parties de l’arbre que l’on ne taille point du-tout. La prévoyance n’est pas moins nécessaire ; elle consiste à juger par avance du sort des branches, à disposer celles qui doivent donner du fruit, à ménager des ressources pour remplir les vuides, & à conserver tout ce qui doit soutenir la perfection de la forme, quand même le produit devroit en souffrir.

Les arbres fruitiers se cultivent ordinairement sous quatre formes différentes ; en arbres de tiges, en buisson, en espalier, & en contr’espalier : il faut peu d’art pour la taille des arbres de tiges, ou de plein vent ; sur-tout si ce sont des fruitiers à pepin. Tout-au-plus doit-on prendre soin dans les commencemens de façonner leur tête, afin de les disposer pour toujours à une forme agréable. Mais les fruitiers à noyau étant plus sujets à se lancer, exigent une attention plus suivie pour contribuer à leur durée, au moyen d’un retranchement bien ménagé. L’art consiste ici à diviser la séve, sans trop lui couper chemin ; car dans ce dernier cas, elle s’extravase & se tourne en un suc glutineux que l’on appelle gomme, & cette gomme est pour les arbres à noyau un fléau qui les fait périr immanquablement. Du reste, la taille des fruitiers de plein vent, tant à pepin qu’à noyau, consiste à retrancher le bois mort, croisé ou superflu, & à raccourcir les branches qui tombent trop bas ou qui s’élancent trop sur les côtés. La taille des fruitiers en buisson, consiste à les former sur une tige très-basse, à les disposer en rond, à les bien évider par le milieu en maniere de vase, à les tenir également épais & garnis dans leur contour, & à ne les laisser s’élever qu’à la hauteur de 6 ou 7 piés. La taille des arbres fruitiers en espalier est plus difficile ; cette forme exige des soins suivis, une culture entendue & beaucoup d’art pour en tirer autant d’agrément que de produit ; c’est le point qui décelle l’ignorance des mauvais jardiniers, & c’est le chef d’œuvre de ceux qui ont assez d’habileté pour accorder la contrainte que l’on impose à l’arbre, avec le produit qu’on en attend. Les fruits à pepin y conviennent moins que ceux à noyau, dont quelques especes y réussissent mieux que sous aucune autre forme. Un arbre en espalier doit avoir une demi-tige, s’il est destiné à garnir le haut de la muraille, & n’en avoir presque point s’il doit occuper le bas : il faut ensuite leur donner une forme qui en se rapprochant le plus qu’il soit possible de la façon dont les arbres prennent naturellement leur croissance, soit autant agréable à l’œil, que favorable à la production du fruit. La figure d’une main ouverte ou d’un éventail déplié, a paru la plus propre à remplir ces deux objets. L’attention principale, est que l’arbre soit également garni de branches sur les côtés pour forcer la séve à se diviser également ; on retranche celles qui sont mortes, chiffonnes, superflues & mal placées, toujours eu égard à l’agrément & au produit. On accourcit les branches qui doivent rester, selon l’âge de l’arbre, sa force, son étendue & la qualité de son fruit. Les arbres en contr’espalier exigent à-peu-près la même taille, on les conduit & on les cultive de même, si ce n’est que l’on ne permet pas aux fruitiers en contr’espalier de s’élever autant que ceux en espalier, & que ceux-ci ne présentent qu’une face, au lieu que les autres en ont deux.

Taille des arbres en pépiniere. Cette sorte de culture demande également des attentions & des ménage-

mens. On plante les jeunes arbres en pépiniere après

qu’on les a multipliés de graine, de boutures, ou de branches couchées. Ceux venus de graine se plantent à différens âges, depuis un an jusqu’à trois ou quatre, selon leur force ou leurs especes. Il y en a quelques-unes privilégiées en ce point, c’est qu’on ne leur doit jamais couper la cime. Tels sont le frêne, le châtaignier, le marronnier d’inde, le noyer, le pin, le bonduc, le tulipier, &c. on les altéreroit, on les retarderoit, & en un mot, on leur nuiroit beaucoup si on en usoit autrement. Le commun de tous les autres arbres se traite différemment. Il faut couper leur tige jusqu’à deux ou trois yeux au-dessus du niveau de la terre ; on doit aussi retrancher de moitié les racines pivotantes de tout arbre quelconque, & réduire les autres racines à-proportion de leur longueur. On en use à-peu-près de même pour la taille des jeunes plants venus de bouture, de branches couchées, ou de rejettons. S’ils ont de la force & de bonnes racines on peut se contenter de réduire seulement leurs branches latérales à deux ou trois yeux. Dans les années qui suivront la plantation en pépiniere, il faudra chaque année les tailler au printems, mais avec un grand ménagement, qui consiste à ne jamais retrancher les branches en entier, & seulement peu-à-peu, à mesure que l’arbre prend assez de corps pour se défendre de lui-même des vents impétueux, & se soutenir contre le poids de la pluie. C’est ce qu’on ne sauroit trop recommander aux jardiniers pépinieristes ; car c’est en quoi ils péchent principalement. Leur attention du reste doit se porter à former des arbres d’une tige unie, proportionnée & bien droite. Quand aux plants qui s’y refusent en devenant tortus, raffaux, défectueux ou languissans ; le meilleur expédient est souvent de le couper au pié.

Taille des arbres que l’on se propose de transplanter. C’est la sorte de taille que l’on pratique avec le moins d’attention, & qui en mérite le plus : car c’est de-là que dépend souvent tout l’agrément d’une plantation. Presque tous les jardiniers ont la fureur de couper à sept piés de hauteur tous les arbres qu’ils transplantent. Il semble que ce soit un point absolu au-delà duquel la nature doive se trouver dans l’épuisement. Ils ne voient pas que cette vieille routine de planter des arbres si courts, retarde beaucoup leur accroissement, & les prépare à une défectuosité qui n’est que trop souvent irréparable. Des arbres ainsi rabattus, font presque toujours, à l’endroit de la coupe, un genouil difforme d’un aspect très-désagréable ; on ne peut prévenir ce défaut qu’en laissant au-moins douze piés de tige aux arbres destinés pour des allées, des avenues, des quinconces, &c. On laisse croître pendant quelques années les rejettons qu’ils ont poussés au-dessous des dix premiers piés, ensuite on les élague peu-à-peu pour ne leur laisser que les principales tiges qui s’élancent à la cime. C’est ainsi qu’on en peut jouir promptement, & qu’on leur voit faire des progrès toujours accompagnés d’agrément.

Taille ou tonte des pallissades. Quand on n’a pas employé des plantes d’une bonne hauteur pour former des pallissades, il faut de grands soins pour les conduire & les traiter dans les commencemens. On doit plus s’occuper pendant les deux premieres années à les dresser & à les diriger, qu’à y faire du retranchement. La tonte au croissant ne doit guere commencer qu’à la troisieme année. Leur grande beauté est d’avoir peu d’épaisseur ; mais comme elles s’épaississent toujours en vieillissant, il faut alors forcer la tonte jusqu’à deux ou trois pouces près du tronc. Cette opération fait pousser de nouveau branchage qui renouvelle la pallissade, & la remet à sa juste épaisseur. Si malgré ce retranchement elle se trouve dégarnie dans le bas, la derniere ressource sera de la