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font de rubis, & les autres d’escarboucle ; ceux qui les font de bois les composent d’un bois nommé sédrou ou sedras, qui est une espece de lot que les Musulmans placent dans le paradis.

Moïse remarque, que ces tables étoient écrites des deux côtés. Plusieurs croyent qu’elles étoient percées à jour, ensorte qu’on pouvoit lire des deux côtés ; d’un côté à droite, & de l’autre à gauche. D’autres veulent que le législateur fasse simplement cette remarque, parce que pour l’ordinaire, on n’écrivoit que d’un côté sur les tablettes. Quelques-uns enfin, comme Oleaster & Rivet, traduisent ainsi le texte hébreu, elles étoient écrites des deux parties, qui se regardoient l’une l’autre ; ensorte qu’on ne voyoit rien d’écrit en-dehors. Il y en a qui croient que chaque table contenoit les dix préceptes, d’autres qu’ils étoient mi-partis, cinq sur chaque table ; enfin, quelques-uns font ces tables de dix ou douze coudées.

Moïse dit expressément, qu’elles étoient écrites de la main de Dieu, digito Dei scriptas, ce que quelques-uns entendent à la lettre. D’autres expliquent, par le ministere d’un ange ; d’autres de l’esprit de Dieu, qui est quelquefois nommé le doigt de Dieu. D’autres enfin, que Moïse inspiré de Dieu & rempli de son Esprit les écrivit, explication qui paroît la plus naturelle.

On sait que Moïse descendant de la montagne de Sinaï, comme il rapportoit les premieres tables de la loi, les brisa d’indignation en voyant les Israëlites adorer le veau d’or : mais quand ce crime fut expié, il en obtint de nouvelles qu’il montra au peuple, & que l’on conservoit dans l’arche d’alliance.

Les Musulmans disent que Dieu commanda au burin céleste, d’écrire ou de graver ces tables, ou qu’il commanda à l’archange Gabriel de se servir de la plume, qui est l’invocation du nom de Dieu, & de l’encre qui est puisée dans le fleuve des lumieres pour écrire les tables de la loi. Ils ajoutent que Moïse ayant laissé tomber les premieres tables, elles furent rompues, & que les Anges en rapporterent les morceaux dans le ciel, à la reserve d’une piece de la grandeur d’une coudée, qui demeura sur la terre & qui fut mise dans l’arche d’alliance. D’Herbelor, biblioth. orientale, p. 649. Calmet, Dict. de la Eible.

Table des pains de proposition, (Critiq. sacrée.) c’étoit une grande table d’or, placée dans le temple de Jérusalem, sur laquelle on mettoit les douze pains de proposition en face, six à droite, & six à gauche. Il falloit que cette table fût très-précieuse, car elle fut portée à Rome, lors de la prise de Jérusalem, & parut au triomphe de Titus, avec d’autres richesses du temple. Il paroît par les tailles-douces, qu’on porta devant l’empereur, le chandelier d’or & une autre figure, que Villalpand, Cornelius à Lapide, Ribara, & presque tous les savans qui ont vû autrefois l’arc de triomphe à Rome, prennent pour la table des pains de proposition. Il est vrai cependant que l’obscurité des figures, presqu’entierement rongées & effacées par le tems, rendroient aujourd’hui le fait des plus douteux ; mais dans d’anciennes copies, on a crû voir manifestement la table dont nous parlons, sur-tout à cause des deux coupes qui sont au-dessus ; car on mettoit toujours sur cette table deux de ces coupes remplies d’encens. Enfin, Josephe qui avoit été présent au triomphe de Titus, leve le doute. Il nous parle de bello judaico, lib. VII. c. xvij. de trois choses qui furent portées devant le triomphateur : 1°. la table des pains de proposition ; 2°. le chandelier d’or, dont il fait mention dans le même ordre que cela se trouve rangé dans l’arc de triomphe ; 3°. la loi qui ne se voit point sur cet arc, & qui apparemment n’y fut pas sculptée, faute de place. (D. J.)

Table du Seigneur, (Crit. sacrée.) c’est la table de l’Eucharistie, où en mangeant le pain & en bu-

vant le vin sacré, le fidele célebre la mémoire de la

mort & du sacrifice de J. C. c’est pourquoi les Chrétiens du tems de Tertullien, appellerent leur culte sacrifice, & se servirent du mot d’autel, en parlant de la table du Seigneur. On donna ce nom d’autel, parce que le fidele qui s’approche de la table du Seigneur, vient lui-même s’offrir à Dieu, comme une victime vivante : car l’expression être debout à l’autel, désigne proprement la victime qui se présente pour être immolée ; comme il paroît par ce vers de Virgile, Géorg. l. II. & ductus cornu stabit sacer hircus ad aram. Ainsi quand S. Paul dit, Epit. aux Hébreux, ch. xiij. v. 10. nous avons un autel ; c’est une expression figurée, dont le sens est « nous avons une victime, savoir J. C. à laquelle ceux qui sont encore attachés au culte lévitique, ne sauroient avoir de part ». En effet, les premiers chrétiens n’avoient point d’autels dans le sens propre, & les payens leur en faisoient un crime, ne concevant pas qu’il pût y avoir une religion sans victimes & sans autels. Philon appelle les repas sacrés, la table du Seigneur. (D. J.)

Tables, lois des douze, (Hist. Rom.) code de lois faites à Rome, par les décemvirs vers l’an 301 de la fondation de cette ville.

Les divisions qui s’élevoient continuellement entre les consuls & les tribuns du peuple, firent penser aux Romains qu’il étoit indispensable d’établir un corps de lois fixes pour prévenir cet inconvénient, & en même tems assez amples, pour régler les autres affaires civiles. Le peuple donc créa des décemvirs, c’est-à-dire dix hommes pour gouverner la république, avec l’autorité consulaire, & les chargea de choisir parmi les lois étrangeres, celles qu’ils jugeroient les plus convenables pour le but que l’on se proposoit.

Un certain Hermodore, natif d’Ephèse, & qui s’étoit retiré en Italie, traduisit les lois qu’on avoit rapportées d’Athenes, & des autres villes de la Grece les mieux policées, pour emprunter de leurs ordonnances, celles qui conviendroient le mieux à la république Romaine. Les décemvirs furent chargés de cet ouvrage, auquel ils joignirent les lois royales ; c’est ainsi qu’ils formerent comme un code du Droit romain. Le sénat après un sérieux examen, l’autorisa par un sénatus-consulte, & le peuple le confirma par un plébiscite dans une assemblée des centuries.

L’an 303 de la fondation de Rome, on fit graver ces lois sur dix tables de cuivre, & on les exposa dans le lieu le plus éminent de la place publique ; mais comme il manquoit encore plusieurs choses pour rendre complet ce corps des lois romaines ; les décemvirs dont on continua la magistrature en 304, ajouterent de nouvelles lois qui furent approuvées, & gravées sur deux autres tables, qu’on joignit aux dix premieres, & qui firent le nombre de douze. Ces douze tables servirent dans la suite de jurisprudence à la république Romaine. Ciceron en a fait un grand éloge en la personne de Crassus, dans son premier livre de l’Orateur, n°. 43. & 44. Denis d’Halicarnasse, Tite-Live & Plutarque traitent aussi fort au long des lois décemvirales, car c’est ainsi qu’on nomma les lois des douze tables.

Elles se sont perdues ces lois par l’injure des tems ; il ne nous en reste plus que des fragmens dispersés dans divers auteurs, mais utilement recueillis par l’illustre Jean Godefroy. Le latin en est vieux & barbare, dur & obscur ; & même à mesure que la langue se poliça chez les Romains, on fut obligé de le changer dans quelques endroits pour le rendre intelligible.

Ce n’est pas-là cependant le plus grand défaut du code des lois décemvirales. M. de Mosites qui va nous