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veux, pour résister à l’attitude contrainte, & à l’action où ils sont toujours ; les meilleurs sont ceux qui ont été élevés dans la manufacture, & y ont suivi par degré toutes les opérations ; ce qui les accoutume à une justesse dans la filature, qu’une habitude de jeunesse peut seule donner.

Roleurs. Lorsque les rouets des fileurs sont pleins, on les transporte dans l’attelier des roleurs, pour y être mis en roles, dans la forme représentée dans la figure.

Les roles sont de différentes grosseurs, suivant leur destination & leurs qualités : on observe généralement de tenir les cordons des roles très-serrés, afin que l’air ne puisse les pénétrer, ce qui les déssecheroit considérablement ; c’est le dernier apprêt de ce qu’on appelle la fabrique des roles ; chaque role est enveloppé ensuite dans du papier gris, & emmagasiné, jusqu’à ce qu’il y ait acquis par la garde, le point de maturité nécessaire pour passer à la fabrique du ficelage.

Fabrique du ficelage. La fabrique du ficelage est regardée dans les manufactures, comme une seconde fabrique, parce que les tabacs y reçoivent une nouvelle préparation, & qu’ils ont une autre sorte de destination : les tabacs qui restent en roles sont censés être destinés uniquement pour la pipe, & ceux qui passent par la fabrique du ficelage, ne sont destinés que pour la rape.

Lorsque les roles ont essuyé un dépôt assez considérable, & qu’ils se trouvent au point de maturité désirable pour être mis en bouts, on les livre à la fabrique du ficelage.

Coupeurs de longueurs. La premiere opération de cette fabrique est de couper les cordons du role en longueurs proportionnées à celles que l’on veut donner aux bouts, y compris l’extension que la pression leur procure ; on se sert à cet effet d’une matrice ferrée par les deux bouts, & d’un tranchoir. Cette manœuvre est si simple qu’elle ne mérite aucune explication, la seule attention que l’on doive prendre dans cet attelier, est d’accoutumer les ouvriers à ne point excéder les mesures, à tenir le couteau bien perpendiculairement, & à ne point déchirer les robes.

Attelier des presses. De l’attelier des coupeurs, les longueurs passent dans l’attelier des presses, où elles sont employées par différens comptes, suivant la grosseur que l’on veut donner aux carottes : on fait des bouts composés depuis deux jusqu’à huit longueurs.

On conçoit que pour amalgamer un certain nombre de bouts, filés très-ronds & très-fermes, & n’en former qu’un tout très-uni, il faut une pression fort considérable, ainsi il est nécessaire que les presses soient d’une construction très-forte. Voyez la fig.

Pour que le tabac prenne de belles formes, il faut que les moules soient bien ronds & bien polis, qu’ils soient entretenus avec la plus grande propreté, & que les arrêtes sur-tout en soient bien conservées, afin d’éviter qu’il ne se forme des bourlets le long des carottes, ce qui les dépare.

Ces moules sont rangés sur des tables de différens comptes, & les tables rangées sous la presse, à cinq, six, & sept rangs de hauteur, suivant l’intervalle des sommiers.

Ces tables doivent être posées bien d’aplomb en tout sens sous la presse, afin que la pression soit bien égale par-tout ; le tabac & la presse souffriroient de la moindre inégalité.

On doit observer dans un grand attelier, de ne donner à chaque presse qu’un certain nombre de tours à la fois, & de les mener ainsi par degré, jusqu’au dernier point de pression ; c’est le moyen de ménager la presse, & de former des carottes plus

belles, plus solides, & d’une garde plus sûre.

Cet attelier, tant à cause de l’entretien des machines, que pour la garniture des presses, est d’un détail très-considérable, & doit être conduit par des chefs très-intelligens.

Le ficelage. A mesure que les carottes sortent des moules, on a soin de les envelopper fortement avec des lisieres, afin que dans le transport, & par le frottement, les longueurs ne puissent se desunir, & elles sont livrées en cet état aux ficeleurs.

Le ficelage est la parure d’un bout de tabac ; ainsi, quoique ce soit une manœuvre simple, elle mérite beaucoup de soin, d’attention, & de propreté ; la perfection consiste à ce que les cordons se trouvent en distance bien égale, que les nœuds soient rangés sur une même ligne, & que la vignette soit placée bien droite ; la ficelle la plus fine, la plus unie, & la plus ronde, est celle qui convient le mieux à cette opération.

Lorsque les carottes sont ficelées, on les remet à quelques ouvriers destinés à ébarber les bouts avec des tranchoirs : cette opération s’appelle le parage, & c’est la derniere de toutes ; le tabac est en état alors d’être livré en vente, après avoir acquis dans des magasins destinés à cet usage, le dépôt qui lui est nécessaire pour se perfectionner.

Tabac, presser le, (Manuf. de tabac.) c’est mettre les feuilles de tabac en piles, après qu’elles ont été quelque tems séchées à la pente, afin qu’elles y puissent suer ; quand la sueur tarde à venir, on couvre la pile de planches, sur lesquelles on met quelques pierres pesantes. La pile, ou presse, doit être environ de trois piés de hauteur. Labat. (D. J.)

Tabac, torquettes de, (Manuf. de tabac.) ce sont des feuilles de tabac roulées & pliées extraordinairement ; elles se font à-peu-près comme les andouilles, à la reserve qu’on n’y met pas tant de feuilles dans le dedans. Lorsque les feuilles de tabac dont on veut composer la torquette, ont été arrangées les unes sur les autres, on les roule dans toute leur longueur, & l’on plie ensuite le rouleau en deux, en tortillant les deux moitiés ensemble, & en cordonnant les deux bouts pour les arrêter. Dans cet état, on les met dans des barriques vuides de vin, que l’on couvre de feuilles, lorsqu’on n’y veut pas remettre l’enfonçure ; elles y ressuent, & en achevant de fermenter, elles prennent une belle couleur, une odeur douce, & beaucoup de force. Savary. (D. J.)

Tabac, ferme du, (Comm. des fermes.) les fermiers généraux ont enlevé la ferme du tabac à la compagnie des Indes ; ils ont réuni les sous-fermes ; ils ont joint à leur bail une partie des droits annexés à la ferme des octrois de Lyon ; ils ont tenté finalement la réunion de la ferme des postes, en sorte que s’ils vont toujours en augmentant, il leur faudra le royaume & les îles. Mais sans détailler les inconvéniens de donner continuellement à une compagnie si puissante, nous nous contenterons d’observer au sujet de la ferme du tabac, qu’il seroit plus avantageux à l’état de faire administrer cette ferme en finance de commerce, qu’en pure finance ; & alors une compagnie commerçante, faisant cultiver ses tabacs à la Louisiane, à S. Domingue, & dans les autres endroits de nos îles les plus propres à cette plante, tireroit tous ses besoins de nos colonies, éviteroit une dépense annuelle au-moins de cinq millions, vis-à-vis l’étranger, & peut-être parviendroit à faire du tabac, une branche de commerce d’objet avec les étrangers mêmes. Or cinq millions à deux cent livres de consommation par personne, peuvent faire subsister vingt-cinq mille ames de plus. La culture des tabacs à la Louisiane, se feroit, supposons, par dix mille ames, chefs & enfans ; voilà un total de trente-cinq mille personnes l’accroissement dans les colo-