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T, Subst. masc. (Gramm.) c’est la vingtieme lettre, & la seizieme consonne de notre alphabet. Nous la nommons par un é fermé ; il vaudroit mieux la nommer te par l’e muet. La consonne correspondante chez les Grecs est τ ou , & ils la nomment tau : si elle est jointe à une aspiration ; ce qui est l’équivalent de th, c’est θ ou ϑ, & ils l’appellent thêta, expression abrégée de tau hêta, parce qu’anciennement ils exprimoient la même chose par τη. Voyez H. Les Hébreux expriment la même articulation par ט, qu’ils nomment teth ; le t aspiré par ת, qu’ils appellent thau ; & le t accompagné d’un sifflement, c’est-à-dire, ts par צ, à quoi ils donnent le nom de tsade.

La lettre t représente une articulation linguale, dentale, & forte, dont la foible est de. Voyez Linguale. Comme linguale, elle est commuable avec toutes les autres articulations de même organe : comme dentale, elle se change plus aisément & plus fréquemment avec les autres articulations linguales produites par le même méchanisme ; mais elle a avec sa foible la plus grande affinité possible. De-là vient qu’on la trouve souvent employée pour d chez les anciens, qui ont dit set, aput, quot, haut, pour sed, apud, quod, haud ; & au contraire adque pour atque.

Cette derniere propriété est la cause de la maniere dont nous prononçons le d final, quand le mot suivant commence par une voyelle ou par un h aspiré ; nous changeons d en t, & nous prononçons grand exemple, grand homme, comme s’il y avoit grant exemple, grant homme. Ce n’est pas absolument la nécessité du méchanisme qui nous conduit à ce changement ; c’est le besoin de la netteté : si l’on prononçoit foiblement le d de grand écuyer, comme celui de grande écurie, la distinction des genres ne seroit plus marquée par la prononciation.

Une permutation remarquable du t, c’est celle par laquelle nous le prononçons comme une s, comme dans objection, patient. Voyez S. Scioppius, dans son traité de Orthopoeiâ, qui est à la fin de sa Grammaire philosophique, nous trouve ridicules en cela : Maximè tamen, dit-il, in eâ efferendâ ridiculi sunt Galli, quos cùm intentio dicentes audias, intentio an intensio illa sit, discernere haud quaquam possis. Il ajoute un peu plus bas : Non potest vocalis post i posita eam habere vim, ut sonum illum qui T litteræ suus ac proprius est immutet : nam ut ait Fabius, hic est usus litterarum ut custodiant voces, & velut depositum reddant legentibus : itaque si in justi, sonus litteræ T est affinis sono D, ac sine ullo sibiio, non potest ille alius atque alius esse in justitia.

Il abuse, comme presque tous les néographes, de la maxime de Quintilien : les lettres sont véritablement destinées à conserver les sons ; mais elles ne peuvent le faire qu’au moyen de la signification arbitraire qu’elles ont reçue de l’autorité de l’usage, puisqu’elles n’ont aucune signification propre & naturelle. Que l’on reproche à notre usage, j’y consens, de n’avoir pas toute la simplicité possible : c’est un défaut qui lui est commun avec les usages de toutes les langues, & qui par conséquent, ne nous rend pas plus ridicules en ce point, que ne le sont en d’autres les autres nations.

La lettre & l’articulation t sont euphoniques chez nous, lorsque, par inversion, nous mettons après la troisieme personne singuliere les mots il, elle, & on, & que cette troisieme personne finit par une

voyelle ; comme a-t-il reçu, aime-t-elle, y alla-ton : & dans ce cas, la lettre t se place, comme on voit, entre deux tirets. La lettre euphonique & les tirets désignent l’union intime & indissoluble du sujet, il, elle, ou on, avec le verbe ; & le choix du t par préférence vient de ce qu’il est la marque ordinaire de la troisieme personne. Voyez N.

T dans les anciens monumens signifie assez souvent Titus ou Tullius.

C’étoit aussi une note numérale qui valoit 160 ; & avec une barre horisontale au-dessus, T vaut 160000. Le T’ avec une sorte d’accent aigu par en-haut, valoit chez les Grecs 300 ; & si l’accent étoit en-bas, il valoit 1000 fois 300, T, = 300000. Le ט des Hébreux vaut 9 ; & avec deux points disposés au-dessus horisontalement, ט״ vaut 9000.

Nos monnoies marquées d’un T, ont été frappées à Nantes. (E. R. M. B.)

T t t t, ces trois premiers t, dans leur figure sont de vrais i en ôtant le point & barrant la partie supérieure. Le quatrieme a de plus une ligne mixte renversée à sa partie inférieure. Ils se forment dans leur premiere partie du mouvement simple du poignet, & dans la seconde le poignet agit de concert avec les doigts. Voyez les Planch de l’Ecriture.

T, terme de Chirurgie, c’est le nom d’un bandage ainsi dit à raison de sa figure. Il est destiné à contenir l’appareil convenable à l’opération de la fistule à l’anus, aux maladies du périnée & du fondement. On le fait avec deux bandes longues d’une aune, & plus ou moins larges, suivant le besoin. La bande transversale sert à entourer le corps sur les hanches ; la perpendiculaire est cousue au milieu de celle-ci ; elle est fendue jusqu’à six ou huit travers de doigt de la ceinture. Le plein de cette bande passe entre les fesses, & s’appuie sur le périnée ; les deux chefs sont conduits à droite & à gauche entre la cuisse & les parties naturelles, pour venir s’attacher à la ceinture par un nœud en boucle de chaque côté. Voyez ce que nous avons dit de ce bandage à l’article Fistule à l’anus, au mot Fistule. La figure 14. Planche XXVI. représente un T simple ; & la figure 13. montre un double T. Dans celui-ci il y a deux branches perpendiculaires, cousues à quatre travers de doigt de distance l’une de l’autre. Le double T convient plus particulierement pour l’opération de la taille & pour les maladies du périnée ; parce qu’on croise les deux branches sur le lieu malade, & qu’on laisse l’anus libre & à découvert : avantage que n’a point le T simple. Sur les conditions du linge propre à faire le bandage en T, voyez le mot Bande. (Y)

t, en terme de mines ou d’Artillerie, se dit d’une figure qui a beaucoup de rapport à celle d’un T, & qui se forme par la disposition & l’arrangement des fourneaux, chambres, ou logemens, qui se font sous une piece de fortification pour la faire sauter. Voyez Mine. (Q)

T, en Musique ; cette lettre se trouve quelquefois dans les partitions, pour désigner la partie de la taille, lorsque cette taille prend la place de la basse, & qu’elle est écrite sur la même portée, la basse gardant le tacet. Voyez Taille.

Quelquefois dans les parties de symphonie le T signifie tous ou tutti, & est opposé à la lettre S, ou au mot seul ou solo, qui alors doit nécessairement avoir été écrit auparavant dans la même partie.

Enfin, le T ou tr, sur une note, marque dans la musique italienne, ce qu’ils appellent trillo, & nous, tremblement ou cadence. Ce T, dans la musique françoise, a pris la forme d’une petite croix. (S)