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matiques, sur lesquelles il écrivit des très-belles choses.

On doit mettre parmi les beaux ouvrages d’Archimede perdus, sa méchanique, son traité de la composition de la sphere, celui de de septangulo in circulo, & ses coniques.

Entre les machines qu’il inventa, les moins connues sont les suivantes ; 1°. une sphere de verre ; 2°. des lanternes qui s’entretenoient d’elles-mêmes ; 3°. un orgue hydraulique ; 4°. une machine composée de 14 petites lames d’ivoire, qui servoit à aider la mémoire, & qui étoit amusante par la variété des figures. Tant d’ouvrages & d’inventions prouvent assez qu’Archimede étoit un des plus grands génies qui ait paru dans le monde. Fabricius vous indiquera les diverses éditions de ses œuvres.

Mais Archimede n’est pas le seul homme célebre dont Syracuse soit la patrie ; Epicharme, poëte philosophe ; Lysias, orateur ; Moschus, poëte lyrique ; Théocrite, poëte bucolique, & Philiste, historien, naquirent dans cette ville.

Epicharme vivoit, selon l’opinion la plus commune, vers l’année 300 de Rome ; cependant Aristote, dans sa poétique, le vieillit d’un siecle de plus, à quoi se rapporte aussi l’opinion de Suidas. On le sait auteur de 35 ou 55 comédies, qui ont toutes péri ; mais Horace nous a conservé la mémoire du caractere de ses pieces, en louant Plaute de l’avoir imité dans une des qualités qu’il possédoit ; cette qualité est de n’avoir jamais perdu son sujet de vue, & d’avoir toujours suivi régulierement le fil de l’intrigue.

Plautus ad exemplar Siculi properare Epicharmi.

Pline, l. VII. c. lvj. observe qu’Aristote croyoit que le même Epicharme avoit ajouté deux lettres à l’alphabet grec, le Θ & le Χ ; invention que d’autres attribuent à Palamede. Non seulement Epicharme fut un des premiers poëtes de son tems pour la comédie ; mais Platon fit tant de cas de ses ouvrages philosophiques, qu’il jugea à-propos de s’en approprier divers morceaux.

Lysias vit la lumiere 455 ans avant J. C. & fut mené à Athènes par Céphales son pere, qui l’y fit élever avec soin. Lysias en profita, & s’acquit une réputation extraordinaire pas ses harangues & par ses ouvrages. Il savoit par un heureux choix de mots propres, & par son adresse à les arranger, répandre sur tout ce qu’il écrivoit, un air de noblesse & de dignité. Il excelloit à peindre les mœurs, à donner à ses personnages les caracteres qui leur convenoient, & à dire tout avec une grace infinie ; c’est le jugement qu’en portent Denys d’Halicarnasse, Cicéron, Plutarque & Longin. Cet aimable orateur mourut dans une extrème vieillesse, 374 ans avant J. C. Il nous reste de lui trente-quatre harangues, qui sont écrites en grec, avec une élégance, une pureté de style, & une douceur inexprimables. La meilleure édition des œuvres de Lysias, est celle d’Angleterre, in-4°.

Moschus vivoit du tems de Ptolomée Philométor, & se rendit célebre en Sicile, tandis que Bion son maître, brilloit à Smyrne en Ionie. Les fragmens qui nous restent de leurs œuvres, ont paru deux fois dans le siecle passé, à Cambrigde, savoir en 1652 & 1661, in-8°. Moschus mit dans ses idylles plus de choix & plus d’esprit que Théocrite. Son idylle sur l’enlévement d’Europe, est extrèmement brillante : il en a fait d’autres qui sont courtes & pleines de finesse. En voici une du nombre des jolies, d’après la traduction de M. Chevreau, en vers françois.

Pour Echo le dieu Pan soupire,
Echo brûle pour un Satyre,

Que les yeux de Lydas consument jour & nuit ;
Et dans le feu qui les dévore,
Chacun hait l’objet qui le suit,
Autant qu’il est haï de l’objet qu’il adore.
Toi qui des feux d’Amour sens ton cœur enflammé,
Pour éviter ce mal extrème,
Aime toujours l’objet qui t’aime,
Et n’aime point celui dont tu n’es point aimé.

Théocrite précéda Moschus. Nous avons déjà beaucoup parlé de cet aimable poëte bucolique aux mots Églogue, Idylle, Poésie, Pastorale, &c.

Il vivoit à la cour d’Egypte du tems de Ptolomée Philadelphe, vers la cent-trentieme olympiade. La meilleure édition de ses œuvres est celle d’Oxford en 1699, in-8°. Ses idylles écrites en dialecte dorienne, sont des chefs-d’œuvres qui ont servi de modele à Virgile dans ses églogues ; mais le poëte grec a sur le poëte latin, l’avantage de la naïveté, de la diction, & du genre de poésie qu’il a choisi. Il n’y a guere de juges recevables sur le mérite de Théocrite, que ceux qui se sont mis en état de l’entendre dans sa langue, & de goûter sa versification. Toute traduction de ce charmant poëte sera nécessairement dépourvue de ce que la langue dorienne, & de ce que la structure du vers bucolique, répandent de graces & de beautés dans l’original.

On peut fixer assez exactement la naissance de l’historien grec Philistus, dans la quatre-vingt-septieme olympiade. Gratifié par la fortune de biens très-considérables, il reçut une excellente éducation. On l’envoya étudier l’Eloquence à Athènes sous Isocrate ; & comme il avoit beaucoup d’ambition, il cultiva soigneusement un art à la faveur duquel il se flattoit de gouverner un jour sa patrie. Des qualités éminentes, une pénétration peu commune, beaucoup de valeur & de fermeté, le menoient comme par la main aux emplois les plus brillans de la république de Syracuse ; mais dans la crainte de n’y parvenir que lentement, il ne se fit point scrupule d’entrer dans les complots que Denys tramoit pour la domination, & l’aider de tout son pouvoir. Il se mit bien avant dans ses bonnes graces, après s’être offert de payer une amende considérable à laquelle Denys fut condamné par les magistrats. Philiste ne manqua pas de gagner aussi l’affection du peuple, & ses intrigues le rendirent peu de tems après maître de Syracuse.

Plus ami néanmoins de la tyrannie que du tyran, l’intérêt seul fut le motif de ses liaisons avec Denys. Il obtint de lui le gouvernement de la citadelle de Syracuse, & ne déchut de sa faveur que pour s’être marié sans la participation de ce prince, avec la fille de Leptine, frere de Denys. Il fut banni par cette raison, & ne revint dans sa patrie que lorsque les courtisans attachés au jeune Denys, le firent rappeller pour l’opposer à Dion & à Platon.

Philiste de retour, séduisit le jeune Denys, éloigna Platon, & engagea le tyran à chasser Dion, sous prétexte qu’il entretenoit des intelligences avec les Carthaginois. Dion touché des malheurs de sa patrie, & comptant sur le mécontentement général des peuples, repassa en Sicile à la tête d’une armée, & battit la flotte que commandoit Philistus, la premiere année de la cent-septieme olympiade. Les uns disent que Philistus ayant perdu la bataille, se tua lui-même ; les autres, qu’il tomba au pouvoir de ses ennemis, qui après plusieurs traitemens ignominieux, lui couperent la tête. Il étoit déjà vieux, & devoit avoir environ 70 ans.

C’étoit un homme de mérite, à le considérer du côté de l’esprit, de la science, de la plume & même de la bravoure ; mais les qualités de son cœur sont dignes de tout notre mépris, puisqu’il n’employa ses talens qu’à cacher sous des prétextes spécieux, les in-