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tosthène certainement ne supposoit pas le puits sous le tropique, puisqu’il plaçoit, comme nous l’avons vû, le tropique à 23 degrés 51 minutes, & Syéné à 24 degrés de l’équateur.

D’ailleurs, ceux d’entre les anciens qui avoient quelque habileté, ne pouvoient pas penser que tout ce qui étoit verticalement éclairé par les rayons solaires, fût dès-lors sous le tropique proprement dit, & sous le centre même du soleil ; ils connoissoient, aussi-bien que nous, la grandeur de l’espace ou le soleil vertical absorboit les ombres : ils l’évaluoient, selon Cléomede, à 300 stades, qui pris pour des stades de 8 au mille romain, comme ils étoient au tems de Cléomede, sont 37 milles & demi romains. Or, comme les milles romains sont de 75 au degré, les 300 stades donnent un demi degré ; & si le diametre du soleil solsticial est un peu plus grand, la différence est si légere, que les 300 stades en nombre rond sont parfaitement excusés. Comment donc prétendre qu’il a suffi aux anciens observateurs de la mesure de la terre, de voir un puits totalement éclairé, pour en placer aussi-tôt le zénith au tropique & prendre de-là leur mesure ?

Après tous les caracteres topographiques & astronomiques qui nous restent dans les anciens écrivains sur la position de Syéné, il ne seroit pas extrèmement difficile d’en découvrir l’emplacement dans la géographie moderne. Plusieurs pensent que la position & la dénomination de Syéné, répondent au lieu nommé présentement Assuana ou Assouan, dans la haute Egypte ; mais le peu qu’ils disent sur ce rapport, mériteroit une plus ample vérification. Si donc des voyageurs bien instruits vouloient s’en assurer, ils n’auroient pas lieu vraissemblablement de se repentir de leur entreprise, à cause de la nature du sol & de celle de l’air, qui partout ailleurs concourant à la destruction des anciens vestiges des villes, semble en favoriser la conservation dans le pays dont nous parlons. Les changemens arrivés au terrein de l’Egypte, ne regardent pas tant les monumens de pierre & de marbre, que les atterrissemens & les alluvions formés par le Nil. Des altérations de cette espece, survenues dans un intervalle de sept cens ars au voisinage de Syéné, firent qu’Aristide n’y vit pas tout-à-fait ce qu’Hérodote y avoit vû. La différence des tems devoit donc empêcher l’orateur de Smyrne de critiquer comme il a fait, le pere de l’histoire, & elle devroit à plus forte raison rendre plus circonspects les voyageurs modernes, qui s’en iroient à la découverte de l’ancienne ville de Syéné.

Ce ne seroient pas les géographes seuls qui profiteroient d’un tel voyage de Syéné ; les physiciens y découvriroient un nouveau climat, dont les singularités ne sauroient manquer d’enrichir l’histoire naturelle ; ceux qui ont le goût des antiquités retrouveroient dans les ruines d’une ville, autrefois florissante, ces restes d’architecture égyptienne, ces obélisques, ces ornemens en tout genre qui étoient encore plus communs dans la haute que dans la basse Egypte ; les savans particulierement, curieux de suivre les traces des Arts & des Sciences dans tous les pays & dans tous les siecles, pourroient dans un endroit qui fut une des principales stations d’Eratosthène, vérifier l’exactitude de ses recherches, & en apprécier le mérite. Enfin, les mathématiciens y feroient des observations au tropique, pour déterminer de plus en plus la figure de la terre ; observations qui paroissent manquer à celles de l’équateur & du cercle polaire, qu’on a faites il y a trente ans avec beaucoup de gloire.

Maurus Terentianus qui florissoit sous les derniers Antonins, avoit été gouverneur de Syéné ; il est auteur d’un petit ouvrage curieux en vers latins, dans lequel il traite de la prononciation des lettres, de la

mesure, & de la quantité des vers. (Le chevalier de Jaucourt.)

SYENITES, ( Hist. nat. ) nom donné par les anciens à un granit, parce qu’il se trouvoit en Egypte à Syene.

SYFINUS LAPIS, (Hist. nat.) pierre d’un gris de cendre & peu dure, qui frottée d’huile & exposée au feu, devenoit très-dure.

SYLLABAIRE, adject. pris substantivement, (Gram.) c’est ainsi que l’on nomme communément le petit livre qui renferme les premiers élémens de la lecture en quelque langue que se soit. Il en est des élémens de l’art de lire comme de tous les autres ; les livres abécédaires ne sont point rares, les bons ne sont pas communs, & les meilleurs ne sont pas sans défauts : c’est que tout livre préparé pour l’instruction, & sur-tout pour celle des enfans, doit être conçu & rédigé par la philosophie ; non pas cette philosophie sourcilleuse qui méprise tout ce qui n’est pas surprenant, extraordinaire, sublime, & qui ne croit digne de ses regards que les objets éloignés d’elle & placés peut-être hors de la sphère de sa vue ; mais par cette philosophie modeste & rare, qui s’occupe simplement des choses dont la connoissance est nécessaire, qui les examine avec discrétion, qui les discute avec profondeur, qui s’y attache par estime, & qui les estime à proportion de l’utilité dont elles peuvent être.

Il me semble entendre quelques-uns-de ces orgueilleux philosophes dont je viens de parler, reprendre avec dédain le ton élevé dont je me sers ici pour annoncer un genre d’ouvrage qui, à leurs yeux, n’étoit peut-être pas même digne d’être indiqué dans l’Encyclopédie. J’avoue que la lecture est la moindre des parties nécessaires à une éducation ; mais au moins c’en est une, & l’on peut même dire qu’elle est fondamentale, puisque c’est la clé de toutes les autres sciences, & la première introduction à la grammaire ; quæ nisi oratori suturo fundamenta fideliter jecerit, guidquid superstruxeris, corruet. C’est Quintilien qui en parle ainsi. Inst. I, jv. i.

Lui-même, dès le premier chapitre de son excellent ouvrage, s’est occupé dans un assez grand détail de ce qui choque ici la fausse délicatesse de nos graves philosophes : & je ne veux leur répondre que par les propres paroles de ce sage rhéteur, qui dès son temps avoit à prévenir de pareilles objections. Quòd si nemo reprehendit patrem qui hæc non negligenda in suo filio putet, cur improbetur, si quis ea quæ domi suæ rectè faceret, in publicum promit ?… An Philippus Macedonum rex Alexandro filio suo prima litterarum elementa tradi ab Aristotele summo ejus ætatis philosopho voluisset, aut ille suscepisset hoc officium, si non studiorum INITIA A PERFECTISSIMO QUOQUE TRACTARI, pertinere ad summam credidisset ? On le voit ; ce n’est pas aux plus malhabiles que Quintilien abandonne le soin de montrer les premiers élémens, initia ; il juge que l’homme le plus parfait n’est pas de trop pour cette première culture, à perfectissimo quoque tractari & il en conclut qu’il ne doit pas avoir honte d’exposer au commencement de son ouvrage ses vues sur la manière d’enseigner ces choses : pudeatne me in ipsis statim elementis etiam brevia discendi monstrare compendia. Inst. I j. 4.

Me voilà donc encore bien plus autorisé que Quintilien même à proposer ici mes vues sur la même matière ; elles deviennent une partie essentielle d’un ouvrage, qui ayant pour objet l’enchaînement de toutes les sciences & de tous les arts, ne peut & ne doit en négliger aucune partie : j’y suis d’ailleurs encouragé par plus d’un exemple dont Quintilien ne pouvoit s’étayer ; & le sien même est le principal de tous.

Quelques-uns de nos syllabaires les mieux faits