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Il est vrai que dans la phrase latine du P. Jouvenci, interpretée par M. du Marsais, deus est sousentendu ; & cela est même indiqué par deux endroits du texte : l’adjectif antiquissimus suppose nécessairement un nom masculin au nominatif singulier ; & d’autre part deorum, qui est ici le terme de la comparaison énoncée par l’ensemble de la phrase, demontre que ce nom doit être deus, parce que dans toute comparaison, les termes comparés doivent être homogenes. Mais il ne s’ensuit point que ce soit à cause du nom sousentendu deus, que l’adjectif antiquissimus est suivi du génitif deorum : ou bien la proposition n’est point comparative, & dans ce cas cælum habebatur antiquissimus deus deorum (en regardant deorum comme complément de deus), signifie littéralement, le ciel étoit reputé le très-ancien dieu des dieux, c’est-à-dire, le très-ancien dieu créateur & maître des autres dieux ; de même que deus deorum dominus locutus est (Ps. xlix. 1.), signifie le seigneur dieu des dieux a parlé. Car le génitif deorum appartenant au nom deus, ne peut lui appartenir que dans ce sens, & alors il ne reste rien pour énoncer le second terme de la comparaison, puisqu’il est prouvé qu’antiquissimus par lui-même n’a que le sens ampliatif, & nullement le sens superlatif ou de comparaison.

Quand la phrase où est employé un adjectif ampliatif, a le sens superlatif, la comparaison y est toujours rendue sensible par quelque autre mot que cet adjectif, & c’est communément par une préposition : ante alios pulcherrimus omnes (très-beau au dessus de tous les autres, c’est-à-dire le plus beau de tous ; & afin qu’on ne pense pas que ce plus beau de tous n’est que le moins laid, l’auteur ne dit pas simplement, ante alios pulcher, mais pulcherrimus, très-beau, réellement beau) ; de même, famosissima super cæteras coena ; inter omnes maximus ; omnibus doctissimus. Quelquefois aussi l’idée de la comparaison est simplement indiquée par le génitif qui est une partie du second terme de la comparaison ; mais il n’en est pas moins nécessaire de retrouver, par l’analyse, la préposition qui seule exprime la comparaison : dans ce cas il faut suppléer aussi le complément de la préposition, qui est le nom sur lequel tombe le génitif exprimé.

Il résulte de-là qu’il faut suppléer l’une des prépositions usitées dans les exemples que l’on vient de voir, & lui donner pour complément immédiat un nom appellatif, dont le génitif exprimé dans le texte puisse être le complement déterminatif ; & comme le sens présente toujours dans ce cas l’idée d’une supériorité universelle, le nom appellatif le plus naturel me semble être celui qui énoncera la totalité, comme universa turba, numerus integer, &c. de même que pour la phrase françoise j’ai prouvé qu’il falloit suppléer la totalité avant la préposition de.

Ainsi deorum antiquissimus habebatur cælum, ne peut pas être mieux intrepreté qu’en disant : cælum habebatur (deus) antiquissimus, (ante universam turbam) deorum, ou (super universam turbam) deorum, ou (inter universam turbam) deorum ; ou enfin (ex integro numero) deorum. Si M. du Marsais s’est trompé, ce n’est qu’en omettant deus, & l’adjectif integro, qui est nécessaire pour indiquer la supériorité universelle, ou le sens superlatif.

Il en est de même de la phrase françoise de M. de Wailly, le Luxembourg n’est pas la moins belle des promenades de Paris, selon l’analyse que j’ai indiquée plus haut, & qui se rapproche beaucoup de celle qu’exige le génie de la langue latine, elle se réduit à celle-ci : le Luxembourg n’est pas la (promenade) moins belle (que les autres promenades de la totalité) des promenades de Paris. Si ce grammairien trouvoit dans mes supplémens trop de prolixité ou trop peu d’harmonie, je le prierois de revoir plus haut ce

que j’ai déjà répondu à une pareille objection ; & j’ajoute ici que cette prolixité analytique ne doit être condamnée, qu’autant que l’on détruiroit les principes raisonnés qui en sont le fondement, & que je crois établis solidement. (E. R. M. B.)

SUPERPATIENT, ad. (Arithmet. & Géom.) sorte de rapport. On dit que deux nombres ou deux lignes sont superpatientes, lorsqu’une des deux contient l’autre un certain nombre de fois avec un reste, & que ce reste est une de ses aliquotes.

SUPERPOSITION, s. f. (Géom.) maniere de démontrer qui consiste à appliquer une figure sur une autre. Voyez sur cela l’article Géométrie.

SUPERPURGATION, la, s. f. (Médecine.) est une purgation excessive & trop violente. Voyez Purgation. Elle arrive à la suite d’un purgatif trop violent, ou donné à trop grande dose.

Un homme qui avoit pris intérieurement de la poudre de diacarthame, alla à la selle jusqu’à cent fois, & fut guéri de cette superpurgation par un bouillon de chapon, dans lequel on avoit mêlé une once de sucre rosat, cinq grains de laudanum & un jaune d’œuf. Au lieu de laudanum on emploie quelquefois la thériaque nouvelle de Venise, à la dose d’un gros & demi. Burnet.

SUPERSEDER, v. n. (Gramm. & Jurisp.) du latin supersedere ; signifie en terme de pratique, surseoir la continuation de quelque acte ou procédure. Voyez Surséance. (A)

SUPERSTITIEUX, (Philosophie.) c’est celui qui se fait une idée plus ou moins effrayante de la divinité & du culte religieux.

La crainte continuelle qui agitoit ce malheureux sur la tête duquel étoit suspendue une pierre énorme, ne rendoit pas son état plus triste, que l’est quelquefois la situation du superstitieux. Le sommeil peut délivrer un esclave de la vûe importune d’un maître qu’il déteste, & lui faire oublier le poids de ses chaînes ; mais le sommeil du superstitieux est communément agité par des visions effrayantes. Il craint l’Etre bienfaisant, & regarde comme tyrannique son empire paternel. Inconsolable dans l’adversité, il se juge digne des maux qu’il souffre, & ne suit que de fausses démarches pour en adoucir le fardeau. Il ne croit jamais avoir rempli ses devoirs, parce qu’il n’en connoît ni l’étendue, ni les bornes. Il s’attache sur tout aux formalités, qu’il regarde comme des choses essentielles. Telle est la source des minuties qui sont si cheres aux ames foibles & aux ignorans. Aussi voit-on que les personnes de peu de génie, celles qui ont été mal élevées, celles qui ont passé leur jeunesse dans le vice & le libertinage, deviennent naturellement superstitieuses. En général, il n’y a point d’absurdité si grossiere, ni de contradiction si palpable, que les grands, le petit peuple, les soldats, les vieilles femmes & la plupart des joueurs, ne se portent à croire sur les causes invisibles, la religion, la divination, les songes, & toutes les pratiques les plus vaines & les plus ridicules. (D. J.)

SUPERSTITION, (Métaphys. & Philos.) tout excès de la religion en général, suivant l’ancien mot du paganisme : il faut être pieux, & se bien garder de tomber dans la superstition.

Religentem esse oportet, religiosum nefas.

Aul. Gell. l. IV. c. ix.

En effet, la superstition est un culte de religion, faux, mal dirigé, plein de vaines terreurs, contraire à la raison & aux saines idées qu’on doit avoir de l’être suprème. Ou si vous l’aimez mieux, la superstition est cette espece d’enchantement ou de pouvoir magique, que la crainte exerce sur notre ame ; fille malheureuse de l’imagination, elle emploie pour la frapper, les spectres, les songes & les visions ; c’est