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pas toujours les mêmes obstacles ; car dans certaines situations, elle ne peut couvrir qu’une des extrémités de la glotte, tandis que l’autre répond à l’air ; ainsi dans ces situations, qui ne sont pas rares dans un corps qui flotte, & qui ne garde jamais la même position, il est certain que l’eau pourra s’introduire dans les poumons, mais cela n’arrive que long-tems après la mort ; c’est pourquoi on ne trouve pas toujours de l’eau dans les poumons ni dans l’estomac des gens noyés, mais seulement quelquefois.

L’espece de suffocation artificielle, celle des animaux qui meurent dans la machine du vuide, n’est pas embarrassante à concevoir ; cependant pour la comprendre, il faut se rappeller que les rameaux des bronches sortent à angles aigus les uns des autres, & qu’étant élastiques, ils résistent quand on les écartera ; or on ne sauroit gonfler les poumons sans écarter les branches des tuyaux bronchiques ; mais les rameaux qui pesent les uns sur les autres, résistent à la force qui fait effort pour les éloigner. Ajoutez la contractibilité du tissu pulmonaire qui tend toujours à raccourcir toutes les fibres, contractibilité qui n’est pas même perdue dans les cadavres. Cela posé, mettez un animal dans la machine du vuide, pompez-en l’air, que doit il arriver quand l’air sera moins dense ? Il est certain qu’il ne pourra point soulever les bronches, par conséquent elles se rapprocheront ; & d’un autre côté, l’air qui est dans le tissu intérieur des poumons se dilatera : il y aura donc une dilatation & une contraction dans les poumons des animaux qui seront dans la machine du vuide, lorsque l’air en aura été pompé.

Il est évident que le mouvement progressif du sang sera difficile dans ces poumons, car d’abord l’air n’aura pas assez de force pour élever les rameaux bronchiques ; de plus les poumons seront tellement distendus par l’air du tissu intérieur, qu’il faudra de toute nécessité que les vaisseaux soient tiraillés, pressés, crevés ; ainsi les animaux qui seront dans la machine du vuide, seront dans des angoisses extraordinaires, mettront en jeu le diaphragme & leurs muscles intercostaux ; mais l’action même de ces muscles leur sera pernicieuse, car quand les côtes agrandiront l’espace que renferme le thorax, le poumon se gonflera davantage, & les vaisseaux seront plus écartés les uns des autres. Pour avoir une idée de ce qui arrive alors, qu’on se souvienne que les vésicules des poissons crevent souvent dans la machine du vuide, & que les grenouilles se boursoufflent ; la même chose doit arriver aux poumons des animaux qui meurent dans le vuide.

Une troisieme espece de suffocation, est celle qu’on éprouve quand on monte sur des lieux élevés. Il faut regarder les lieux fort élevés comme des especes de machines du vuide, car l’air y est très-raréfié ; ainsi il ne peut plus contrebalancer l’air qui est dans le tissu intérieur des poumons. Il faut regarder les poumons comme une vessie d’air qu’on porte sur le sommet des montagnes ; or tout le monde sait que cette vessie se gonfle à-proportion qu’elle est dans un lieu plus élevé : il en est de même des poumons ; ainsi les voilà exposés à un gonflement semblable à celui qui survient dans la machine du vuide. Ainsi on y remarquera les mêmes phénomènes, c’est-à-dire que les poumons pourront laisser échapper les fluides qu’ils renferment, & qu’ils causeront par la dilatation une oppression considérable. On ne sera plus surpris à-présent, de ce qui est rapporté par Acosta, lequel en passant par les montagnes du Pérou fut exposé à des accidens terribles ; l’estomac se bouleversa ; les vomissemens furent énormes dans leurs efforts, qui lui firent rendre jusqu’au sang ; & il crut enfin qu’il alloit mourir. D’autres voyageurs ont observé que les corps sont alors comme des cribles, l’eau en découle

de tous côtés, comme s’ils étoient dans une sueur des plus abondante : la pression de l’air qui diminue à-proportion qu’il est éloigné de la terre, doit produire tous ces symptomes.

Une quatrieme espece de suffocation arrive lorsqu’un animal est renfermé dans un lieu resserré, qui n’a pas commerce avec l’air extérieur ; c’est qu’alors l’air qu’on respire n’étant point renouvellé, se charge d’exhalaisons grossieres & pernicieuses à la respiration. Le fait suivant justifie cette explication, & prouve qu’on rétablit la respiration lésée, en impregnant l’air de nouveaux corpuscules qui l’améliorent.

Il est rapporté dans les écrits de Boyle, que Corneille Drebel fit un bateau pour aller sous l’eau ; mais il avoit un inconvénient bien fâcheux pour ceux qui hasardoient d’entrer dans ce bateau, c’est qu’ils manquoient d’air frais ; Drebel trouva le secret de remédier à ce défaut par une liqueur. Lorsque l’air étoit surchargé des exhalaisons qui sortoient de ceux qui étoient dans le bateau, & qu’il ne pouvoit plus servir à la respiration, on débouchoit une bouteille remplie de sa liqueur, & dans le moment il s’exhaloit de cette bouteille une grande quantité de corpuscules qui corrigeoient l’air, & le rendoient plus propre à la respiration durant quelque tems.

L’air chaud produit la suffocation, parce qu’un des principaux usages de l’air est de tempérer la chaleur du poumon. Enfin l’air chargé de vapeurs nuisibles, irrite par l’âcreté de ces vapeurs le tissu du poumon, & gêne par conséquent la respiration. Quant aux autres phénomènes qui rendent la respiration difficile, courte, forte & fréquente, voyez pour les entendre, l’article Respiration, Physiolog. (D. J.)

SUFFOLK, (Géog. mod.) province maritime d’Angleterre, au diocèse de Norwich. Elle est bornée au nord par le duché de Norfolck, au midi par le comté d’Essex, au levant par le Norfolck encore, & au couchant par la province de Cambridge.

La province de Suffolk est d’une figure approchante d’une demi-lune. Elle a vingt-cinq milles dans sa plus grande largeur du nord au sud, quarante-cinq de longueur de l’orient à l’occident, & cent quarante de circuit. Les anciens icéniens habitoient cette province, ainsi que celle de Norfolck & de Cambridge. Les Saxons firent de tout cela un royaume, auquel ils donnerent le nom d’Est-Angle.

On compte dans la province de Suffolk vingt-deux hundreds ou centaines ; vingt-huit villes ou bourgs à marché ; cinq cens soixante & quinze paroisses, & environ un million d’arpens de terre. Il s’y trouve sept villes ou bourgs à marché, qui ont droit de députer au parlement, savoir Ipswich capitale, S. Edmondbury, Dunwich, Orford, Alborough, Eye & Sudbury.

L’air de cette province est fort doux & fort sain. Son terroir est très-fertile, étant pour la plupart & d’argile & de marne. Il produit le meilleur beurre d’Angleterre. Les manufactures de drap & de toile de cette province, contribuent encore à y entretenir l’abondance. Elle a le titre de comté, érigé par Jacques I. en faveur de Thomas Howard, second fils du duc de Norfolck.

Je n’épuiserai point ici la liste des hommes de lettres qu’a produit cette province ; mais dans cette liste j’en choisirai quelques-uns qui ont fait du bruit par leurs écrits, & d’autres que leurs ouvrages ont rendu célebres.

Robert Grosse-tête, en latin Capito, l’un des plus grands théologiens, des plus illustres philosophes, & des plus savans hommes du xiij. siecle, tems d’ignorance & de barbarie, naquit de pauvres parens dans le comté de Suffolk Il devint par sa science le premier docteur d’Oxford, puis archidiacre de Lei-