Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eaux n’en sont pas saines, & qu’elles se troublent par la quantité qu’on en puise.

Il y a différentes especes de légumes pour les subsistances ; les unes sont semées ou plantées ; les autres sont produites par la terre sans beaucoup de culture. Celles qui sont plantées ou semées sont les pois, fêves & racines : celles que la terre produit avec peu de culture, sont des especes d’herbes ou racines, qui sont recherchées par le soldat, & employées à lui faire de la soupe. Tous ces différens légumes fournissent une grande subsistance au soldat ; mais il faut qu’il les aille chercher avec ordre, à la suite des fourrages, & avec des officiers commandés, afin d’empêcher qu’il ne s’écarte, & qu’il ne sorte des enceintes du fourrage. Quand les légumes se peuvent prendre en-dedans des gardes de cavalerie, ou des gardes fixes d’infanterie, on y conduit les soldats, qui sont toujours accompagnés d’officiers ou de sergens.

Les pays qui sont propres à la pâture, sont d’un grand soulagement à la cavalerie ; & un général peut rester beaucoup plus long-tems dans son camp. Quand la cavalerie est remplie d’une quantité de jeunes chevaux, on met, si le service le permet, cette cavalerie sur des ruisseaux, & dans des prairies voisines du lieu où l’on veut assembler l’armée, mais à couvert des insultes de l’ennemi. On y met tous les chevaux à l’herbe plus ou moins long-tems, afin de leur faire perdre la mauvaise nourriture qu’ils peuvent avoir pris pendant l’hiver. C’est le moyen de les rafraîchir, & de les disposer à la nourriture du verd, avant que de les fatiguer. Cette pâture conserve beaucoup les chevaux pendant la campagne.

Il y a une autre espece de pâture qu’on donne aux chevaux, quand on est en corps d’armée ; elle sert à les rafraîchir de la nourriture des grains, qui les échauffe trop, & épargne les fourrages. On prend ces pâtures le long des ruisseaux proche de l’armée, & même dans les plaines fouragées, où il revient de petites herbes ; c’est toujours avec des gardes générales de tout le camp, & particulieres de chaque corps, qu’on couvre ces pâtures, afin que les petits partis des ennemis, & même le gros, ne puissent pas venir enlever les chevaux lorsqu’ils paissent.

Le pain est une subsistance indispensable dans une armée. La fourniture s’en fait au parc des vivres ; & elle est faite d’avance au-moins pour quatre jours, lorsqu’on le peut avec commodité. Car souvent l’éloignement des lieux, d’où l’on tire le pain, ou la marche d’une armée d’un pays à l’autre, force le général à en faire distribuer pour six jours, & même pour huit, lorsqu’il prévoit qu’on en pourra consommer une partie dans le camp, & qu’on est obligé d’envoyer les caissons en avant pour rejoindre l’armée dans un nouveau camp. Mais on ne fait jamais cette distribution sans une nécessité indispensable, à cause que les soldats vendent leur pain. On le cuit dans les villes les plus proches, parce que les fours y sont en plus grande quantité. Il se cuit aussi à l’armée où on construit des fours, surtout lorsque les convois sont trop difficiles ; parce qu’une charrette porte en farine le triple de ce qu’un caisson porte en pain.

On fournit aussi quelquefois du biscuit au lieu de pain frais. L’usage en est très-utile, & surtout dans les longues marches au-travers d’un pays ennemi. La ration à 24 onces, selon quelques-uns, n’est pas assez forte au commencement de la campagne. La terre n’a encore produit aucuns légumes ; & les deux premiers mois la ration devroit peser deux livres. Le soldat en soutiendroit mieux la fatigue ; & l’expérience apprend que les jeunes soldats meurent souvent d’inanition.

C’est à l’intendant de l’armée à avoir une attention particuliere sur le détail, la distribution, & la

quantité de la viande. Il s’y passe une infinité de friponeries, dont le malheur tombe toujours sur le soldat, qui par-là se trouve privé d’une subsistance nécessaire. On donne pour ration de viande aux soldats une demi-livre. Outre les viandes que les entrepreneurs fournissent dans les armées, il y a encore une grande quantité de boucheries particulieres. On veille à la sureté des marchands de l’armée, & de plus à leur garde, soit dans les marches, soit pour la pâture de leur bestiaux.

On pourvoit aussi à la sûreté des marchands de vin, d’eau-de-vie, de bierre, & d’autres subsistances, à cause de la quantité des menus besoins dont ils soulagent les troupes. On les oblige à se joindre aux convois, afin que leur enlevement par les partis ennemis n’apporte pas la cherté dans l’armée. (D. J.)

Subsistance des pieces se dit dans l’Artillerie d’une certaine somme que le roi paye pour chaque piece de canon & de mortier, que l’on met en batterie dans les sieges. Il y a un prix fixé pour mettre chaque piece en batterie, & un autre pour sa subsistance chaque jour.

Le roi paye ordinairement 300 livres pour chaque piece de canon mise en batterie. Au siege de Philisbourg en 1734, il y eut 84 pieces de canon de 24 en batterie, 97 de 16, 2 de 12, & 4 de 8. Il a été payé 300 livres pour chaque piece de 24 & de 16, à l’exception de 14 mises en batterie dans l’ouvrage à corne, qui ont été payées 400 liv. & 20 liv. pour la subsistance pendant vingt-quatre heures de chacune de ces pieces. Il a été payé pour chaque piece de douze & de huit mises en batterie 200 liv. & 16 liv. pour leur subsistance aussi pendant vingt-quatre heures.

Après que les frais nécessaires pour les batteries sont acquittés, le grand-maître fait une répartition du revenant-bon, aux officiers & aux ouvriers qui ont servi aux batteries. Voyez les mémoires de S. Remi. (Q)

SUBSTANCE, (Philos. Log. Métaph.) c’est l’assemblage de plusieurs qualités, dont les unes subsistent toujours entr’elles, & les autres peuvent se séparer pour faire place à de nouvelles. Sous ce point de vûe, rien n’est si simple que l’idée de la substance dont on a tant disputé, & dont on disputera encore, sans pouvoir rien dire de plus clair sur sa nature.

L’on veut donner un nom à cet assemblage de qualités ; pour cela l’on néglige celles qui varient d’un moment à l’autre ; l’on ne porte son attention que sur les plus durables. Elles deviennent pour le commun des hommes essentielles à l’être, ou plutôt à l’assemblage désigné sous le nom général de substance, & l’on les appelle elles-mêmes souvent mal-à-propos les substances, & mieux les attributs essentiels, tandis que les autres qualités qui varient, qui peuvent être ou n’être pas dans cet assemblage, ne sont regardées que comme des manieres d’être que l’on appelle modes. Voyez l’article Modes. Mais les Philosophes, ou ceux qui cherchent à donner un sens plus resserré aux mots, ayant remarqué que parmi ces qualités durables de la substance il y en a de si essentielles, qu’elles ne se séparent jamais, & qu’elles sont même si inhérentes que l’on ne peut en concevoir la séparation, sans comprendre que l’être en seroit non-seulement changé, mais entierement détruit ; ils ont réservé le nom de substance, à désigner l’assemblage de ces qualités premieres, essentiellement inséparables ; & quant aux autres qui sont durables, mais qui cependant peuvent être retranchées sans que les premieres soient anéanties, ils les ont nommées substances modifiées. Un exemple qui indiqueroit toute la gradation des qualités d’une substance, serviroit aussi à expliquer ce que l’on peut dire de plus simple sur ce sujet. Jettons les yeux sur un