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Ne te pouvant aimer, fais que je te regrette.
Montre d’un vrai romain la derniere vigueur,
Et mérite mes pleurs au défaut de mon cœur.

Le premier vers est sublime, & les autres, quoique pleins de grandeur, ne sont pourtant pas du genre sublime.

Dans la tragédie de Sertorius, la reine Viriate parle à Sertorius qui refusoit de l’épouser, parce qu’il s’en croyoit indigne par sa naissance, & qui cependant la vouloit donner à Perpenna ; & sur ce qu’il disoit qu’il ne vouloit que le nom de créature de la reine, elle lui répond :

Si vous prenez ce titre, agissez moins en maître,
Ou m’apprenez du-moins, seigneur, par quelle loi
Vous n’osez m’accepter, & disposez de moi ?
Accordez le respect que mon trône vous donne,
Avec cet attentat sur ma propre personne ;
Voir toute mon estime, & n’en pas mieux user,
C’en est un qu’aucun art ne sauroit déguiser.

Tout cela est beau, tout cela est noble ; mais quand elle vient à dire immédiatement après :

Puisque vous le voulez, soyez ma créature ;
Et me laissant en reine ordonner de vos vœux,
Portez-les jusqu’à moi, parce que je le veux.

Ces trois derniers vers sont si sublimes, & élevent l’ame si haut, que les autres vers tout grands qu’ils sont, paroissent perdre de leur beauté ; de sorte qu’on peut dire que le grand disparoît à la vûe du sublime, comme les astres disparoissent à la vue du soleil.

Cette différence du grand & du sublime, me semble certaine ; elle est dans la nature, & nous la sentons. De donner des marques & des regles pour faire cette distinction, c’est ce que je n’entreprendrai pas, parce que c’est une chose de sentiment ; ceux qui l’ont juste & délicat, feront cette différence. Disons seulement que tout discours qui éleve l’ame éclairée avec admiration au-dessus de ses idées ordinaires de grandeur, & qui lui donne une plus haute opinion d’elle-même, est sublime. Tout discours qui n’a ni ces qualités ni ces effets, n’est pas sublime, quoiqu’il ait d’ailleurs une grande noblesse.

Enfin, nous déclarons que quand on trouveroit sublimes quelques-uns des passages qui nous paroissent seulement grands, cela ne feroit rien contre le principe ; & un exemple par nous mal appliqué, ne peut détruire une différence réelle & reconnue.

Comme les personnes qui ont en partage quelque goût, sont extrèmement touchées des beautés du sublime, on demande s’il y a un art du sublime c’est-à-dire si l’art peut servir à acquérir le sublime.

Je réponds avec M. Silvain, que si on entend par le mot d’art un amas d’observations sur les opérations de l’esprit & de la nature, ou sur les moyens d’exciter à la production de ces beaux traits les personnes qui sont nées au grand, il y a un art du sublime. Mais si on entend par art, un amas de préceptes propres à faire acquérir le sublime, je ne crois pas qu’il y en ait aucun. Le sublime doit tout à la nature ; il n’est pas moins l’image de la grandeur du cœur ou de l’esprit de l’orateur, que de l’objet dont il parle ; & par conséquent il faut, pour y parvenir, être né avec un esprit élevé, avec une ame grande & noble, & joindre une extrème justesse à une extrème vivacité. Ce sont-là, comme on voit, des dons du Ciel, que toute l’adresse humaine ne sçauroit procurer.

D’ailleurs le sublime consiste non-seulement dans les grandeurs extraordinaires d’un objet, mais encore dans l’impression que cet objet a faite sur l’orateur, c’est-à-dire dans les mouvemens qu’il a excités en lui, & qui sont imprimés dans le tour de

son expression. Comment peut-on apprendre à avoir ou à produire des mouvemens, puisqu’ils naissent d’eux-mêmes en nous à la vue des objets, souvent malgré nous, & quelquefois sans que nous nous en appercevions ? ne faut-il pas avoir pour cela un cœur & un naturel sensibles ? & dépend-t-il d’un homme d’être touché quand il lui plaît, & de l’être précisément autant & en la maniere que la grandeur des choses le demande ?

Dans le sublime des images, peut-on se donner ou donner aux autres cette intelligence vive & lumineuse, qui vous fait découvrir dans les plus grands objets de la nature une hauteur extraordinaire & inconnue au commun des hommes ? D’un autre côté, est-il au pouvoir d’un homme de faire naître en soi des sentimens héroïques ? Et ne faut-il pas qu’ils partent naturellement du cœur & d’un mouvement que la magnanimité seule peut inspirer ? Concluons que le seul art du sublime est d’être né pour le sublime.

Nous nous sommes étendus sur cette matiere, parce qu’elle annoblit le cœur, & qu’elle éleve l’ame au plus haut point de grandeur dont elle soit capable, & parce qu’enfin c’est le plus beau sujet de l’éloquence & de la poésie. (Le chevalier de Jaucourt.)

SUBLIMÉ CORROSIF, ou MERCURE SUBLIMÉ CORROSIF. Voyez Mercure, Chimie, & Mercure, Mat. médic.

SUBLINGUAL, LE, adj. en Anatomie, se dit des parties qui sont situées sous la langue. Voy. Langue.

Les glandes sublinguales sont au nombre de deux, placées de chaque côté sous la langue ; elles versent dans la bouche la salive qu’elles séparent. M. Morgagni a décrit le premier les conduits particuliers de ces glandes : ils sont situés entre la langue & les gencives, & s’ouvrent à peu de distance du frein. Rivinus les découvrit le premier dans les veaux en 1679, Bartholin les découvrit ensuite dans le lion en 1682 ; c’est pour cela que ce conduit se nomme le conduit de Rivin ou de Bartholin.

L’artere sublinguale est une branche de la carotide externe : elle se distribue aux muscles hyoïdiens & glossiens, aux glandes sublinguales, & se plonge dans la langue, & s’anastomose aux environs de la pointe de la langue avec celle du côté opposé. Voyez Carotide, Langue, &c. on l’appelle aussi artere ranine. Voyez Ranine.

SUBLUNAIRE, adj. (Phys.) se dit de toutes les choses qui sont sur la terre ou dans son atmosphere, au-dessous de la lune : ainsi on dit les corps sublunaires, pour marquer tous les corps qui sont ici bas, tous les météores, &c. (O)

SUBMERGER, v. act. (Gram.) inonder, couvrir d’eau, noyer. Ce bâtiment a été submergé ; les rivieres se sont débordées, & toutes les terres voisines de leurs bords ont été submergées.

SUBMERSION par le sable, s. f. (Physique générale.) les côtes de Suffolk sont exposées à être submergées par le sable. Leur voisinage est rempli de monticules entierement sablonneux, & seulement couverts d’une fine herbe par-dessus. Les vents violens qui surviennent, renversent cette herbe, & portent en forme de pluie le sable caché dessous, dans toutes les plaines voisines, où il s’accumule & forme de nouveaux lits. Rien n’arrête le progrès de l’inondation, ensorte qu’elle gagne sans cesse du terrein. Dans quelques endroits même, la situation du sol favorise le déluge de sable, & lui permet de couvrir des centaines d’arpens. Il descend des collines avec la plus grande rapidité, passe à-travers les haies, s’éleve au-dessus des côteaux, & quand il gagne un village dans son cours, il ensévelit en passant les chaumieres & les cabannes qui ne sont pas bâties à plus grands frais qu’elles ne valent. Il remplit les