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monde dans l’eau, pour en faciliter le dévelopement ; une partie de lui-même a condensé la terre, une autre s’est exhalée ; de-là le feu.

Le monde est un grand animal, qui a sens, esprit, & raison ; il y a, ainsi que dans l’homme, corps & ame dans ce grand animal ; l’ame y est présente à toutes les parties du corps.

Il y a dans le monde, outre de la matiere nue de toute qualité, quatre élémens, le feu, l’air, l’eau, & la terre ; le feu est chaud, l’air froid, la terre seche, & l’eau moite ; le feu tend en haut, c’est son séjour ; cet élément, ou sa portion connue sous le nom d’æther, a été le rudiment des astres & de leurs spheres ; l’air est au-dessous du feu ; l’eau coule sous l’air & sur la terre ; la terre est la base du tout, elle est au centre.

Entre les élémens deux sont légers, le feu & l’air ; deux pesans, l’eau & la terre ; ils tendent au centre qui n’est ni pesant ni léger.

Il y a une conversion réciproque des élémens entre eux ; tout ce qui cesse de l’un, passe dans un autre ; l’air dégénere en feu, le feu en air ; l’air en eau, l’eau en air ; la terre en eau, l’eau en terre ; mais aucun élément n’est sans aucun des autres : tous sont en chacun.

Le feu est le premier des élémens, il a son séjour vers le ciel, & le ciel est, comme nous l’avons dit, la limite derniere du monde, où ce qui est divin a sa place.

Il y a deux feux ; l’artificiel qui sert à nos usages, le naturel qui sert aux opérations de la nature ; il augmente & conserve les choses, les plantes, les animaux ; c’est la chaleur universelle sans laquelle tout périt.

Ce feu très-haut, répandu en tout, enveloppe derniere du monde, est l’æther, est aussi le Dieu tout-puissant.

Le soleil est un feu très-pur, il est plus grand que la terre, c’est un orbe rond comme le monde ; c’est un feu, car il en a tous les effets ; il est plus grand que la terre, puisqu’il l’éclaire & le ciel en même tems.

Le soleil est donc à juste titre, le premier des dieux.

C’est une portion très-pure de l’æther, de Dieu ou du feu, qui a constitué les astres ; ils sont ardens, ils sont brillans, ils sont animés, ils sentent, ils conçoivent, ils ne sont composés que de feu, ils n’ont rien d’étranger au feu ; mais il n’y a point de feu qui n’ait besoin d’aliment ; ce sont les vapeurs des eaux, de la mer, & de la terre, qui nourrissent le feu des astres.

Puisque les astres sont des portions du feu naturel & divin, qu’ils sentent & qu’ils conçoivent, pourquoi n’annonceroient-ils pas l’avenir ? ce ne sont pas des êtres où l’on puisse lire les choses particulieres & individuelles, mais bien la suite générale des destinées ; elle y est écrite en caracteres très-évidens.

On appelle du nom d’astres le soleil & la lune ; il y a cette différence entre un astre & une étoile, que l’étoile est un astre, mais que l’astre n’est pas une étoile.

Voici l’ordre des astres errans ; saturne, jupiter, mars, mercure, vénus, le soleil, la lune ; la principale entre les cinq premieres, c’est vénus, l’astre le plus voisin du soleil.

La lune occupe le lieu le plus bas de l’æther, c’est un astre intelligent, sage, d’une nature ignée ; mais non sans quelque mélange de terrestre.

La sphere de l’air est & commence au-dessous de la lune, elle est moyenne entre le ciel & les eaux, sa figure est ronde, c’est Junon.

La région de l’air se divise en haute, moyenne, &

basse ; la région haute est très-seche & très-chaude ; la proximité des feux célestes la rend très-rare & très-tenue ; sa région basse, voisine de la terre, est dense & ténébreuse ; c’est le réceptacle des exhalaisons ; la région moyenne plus temperée que celle qui la domine, & que celle qu’elle presse, est seche à sa partie supérieure, humide à sa partie inférieure.

Le vent est un courant d’air.

La pluie, un changement de nue en eau ; ce changement a lieu toutes les fois que la chaleur ne peut diviser les vapeurs que le soleil a élevées de la terre & des mers.

La terre, la portion du monde la plus dense, sert de base au tout, comme les os dans les animaux ; elle est couverte d’eaux qui se tiennent de niveau à sa surface ; elle est au centre ; elle est une, ronde, finie, ainsi que l’exige la nature de tout centre ; l’eau a la même figure qu’elle, parce que son centre est le même que celui de la terre.

La mer parcourt l’intérieur de la terre, par des routes secrettes ; elle sort de ses bassins, elle disparoît, elle se condense, elle se filtre, elle se purifie, elle perd son amertume, & offre, après avoir fait beaucoup de chemin, une eau pure aux animaux & aux hommes.

La terre est immobile.

Il n’y a qu’un seul monde.

Il est éternel, c’est Dieu & la nature ; ce tout n’a point commencé, & ne finira point ; son aspect passera.

Comme l’année a un hyver & un été, le monde aura une inondation & une déflagration ; l’inondation couvrira toute la surface de la terre, & tout périra.

Après cette premiere révolution par l’eau, le monde sera embrasé par le feu, répandu dans toutes ses parties, il consumera l’humidité, & s’assimilera les êtres ; ils prendront peu-à-peu sa nature, alors tout se résoudra en Jupiter, & le premier cahos renaîtra.

Ce cahors se débrouillera comme le premier, l’univers se reformera comme il est, & l’espece humaine sera reproduite.

Le tems est à la derniere place entre les êtres.

Anthropologie des Stoïciens. L’homme est une image du monde, le monde est en lui, il a une ame & un corps comme le grand tout.

Les principes de l’espece humaine étoient dans l’univers naissant ; les premiers hommes sont nés par l’entremise du feu divin, ou par la providence de Dieu.

Dans l’acte de la génération, le germe de l’homme s’unit à la portion humide de l’ame.

La liqueur spermatique ne produit que le corps, elle contient en petit tous les corps humains qui se succéderont.

L’ame ne se forme point dans la matrice, elle vient du dehors, elle s’unit au corps avant qu’il ait vie.

Si vous remontez à la premiere origine de l’ame, vous la ferez descendre du feu primitif dont elle est une étincelle ; elle n’a rien de pesant ni de terrestre ; elle est de la même nature que la substance qui forme les astres, & qui les fait briller.

L’ame de l’homme est une particule de Dieu, une petite portion de l’ame universelle qui en a été, pour ainsi dire, détachée : car l’ame du monde est la source féconde de toutes les ames.

Il est difficile d’expliquer la nature ; elle est ignée, ardente, intelligente, & raisonnable.

Il y a des ames mortelles, & il y en a d’immortelles.

Après la déflagration générale, & le renouvellement des choses, les ames retourneront dans les