Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/524

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

atteindre au sien. Le roi la vit, & lui fit de grands honneurs, mais il lui parla à peine.

La plûpart des femmes & des courtisans n’observerent autre chose dans cette reine philosophe, sinon qu’elle n’étoit pas coëffée à la françoise, & qu’elle dansoit mal. Les sages ne condamnerent en elle que le meurtre de Monasdelchi son écuyer, qu’elle fit assassiner à Fontainebleau dans un second voyage. De quelque faute qu’il fût coupable envers elle, ayant renoncé à la royauté, elle devoit demander justice, & non se la faire. Ce n’étoit pas une reine qui punissoit un sujet, c’étoit une femme qui terminoit une galanterie par un meurtre ; c’étoit un italien qui en faisoit assassiner un autre par l’ordre d’une suédoise, dans un palais d’un roi de France. Nul ne doit être mis à mort que par les lois. Christine en Suede n’auroit eû le droit de faire assassiner personne ; & certes ce qui eût été un crime à Stockholm, n’étoit pas permis à Fontainebleau.

Cette honte & cette cruauté ternissent prodigieusement la philosophie de Christine qui lui avoit fait quitter un trone. Elle eût été punie en Angleterre ; mais la France ferma les yeux à cet attentat contre l’autorité du roi, contre le droit des nations, & contre l’humanité.

Christine se rendit à Rome, où elle mourut en 1689, à l’âge de 63 ans. Essai sur l’hist. universelle. (Le Chevalier de Jaucourt.)

STOECHADES, îles, (Géog. anc.) îles de la mer Méditerranée, sur la côte de la Gaule narbonnoise, au voisinage de la ville de Marseille. Pline entre les anciens, est celui qui paroît les avoir le mieux connues. Il en donne non-seulement le nombre & le nom général ; il en marque encore les noms particuliers & la situation. Les Marseillois, dit-il, donnerent des noms particuliers à ces trois îles Stoechades, selon leur situation, c’est-à-dire, à l’égard de Marseille. La premiere, ou la plus proche de la ville, fut nommée d’un nom grec Proce, ce qui veut dire premiere : la seconde fut nommée Mese, c’est-à-dire, celle du milieu, ou mediana, comme on l’appella après l’abolition de la langue greque dans ce pays-là : la troisieme fut nommée Hupœa, inférieure, c’est-à-dire, celle qui est au-dessous des deux autres, & la plus éloignée de Marseille.

A cette description il n’est pas difficile de reconnoître les trois îles, que l’on trouve dans la mer voisine de la ville d’Hieres, & qui prennent aujourd’hui leur nom de cette ville, quoique chacune des trois ait aussi le sien en particulier. La premiere île s’appelle vulgairement Porqueyroles ou Porqueroles, à cause qu’il y vient beaucoup de sangliers, qui y passent à la nage de la terre ferme, pour manger le gland des chênes verds qui s’y trouvent en abondance. La seconde île a le nom de Portecroz, du nom du port, où il y a un petit fort. La troisieme se nomme l’île du Titan ou du Levant, à cause qu’elle est à l’orient des deux autres ; & l’on voit par les anciens registres de Provence, que cette troisieme île s’appelloit autrefois Cabaros.

Ces îles furent premierement habitées par les Marseillois, qui les nommerent Stoecades, peut-être à cause de la plante stoechas qui y abonde. Les trois écueils ou rochers voisins de Marseille, nommés If, Ratonneau & Pomègue, ne sont point, comme quelques-uns l’ont imaginé, les Stoechades des anciens, parce que ces rochers sont stériles, & ne produisent ni la plante stoechas, ni presqu’aucune autre. Les trois îles d’Hieres sont aussi nommées les îles d’or, par corruption du mot latin Araé, qui est l’ancien nom de la ville d’Hieres ; ainsi le nom d’insulæ Arearum, est celui des îles d’Hieres ou des Stoechades de l’antiquité. (D. J.)

STŒCHAS, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante,

à fleur monopétale, labiée, dont la levre supérieure est relevée & fendue en deux parties, & l’inférieure en trois, de façon qu’au premier aspect cette fleur paroît divisée en cinq parties. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences arrondies & renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les fleurs sont disposées par rangs sur des têtes écailleuses, du haut desquelles il sort quelques petites feuilles. Tournefort, inst. rei herbar. Voyez Plante.

La premiere des cinq especes de stœchas de Tournefort sera celle que nous décrirons ; c’est la stœchas purpurea, arabica vulgò dicta, inst. rei herb. 201. J. B. 3. 277. C. B. P. 216. Raii hist. stœchas brevioribus ligulis, Clus. hist. 344. C’est un sous-arbrisseau, haut d’une ou de deux coudées : ses tiges sont ligneuses, quadrangulaires : ses feuilles naissent deux à chaque nœud, de la figure de celles de la lavande, longues de plus d’un pouce, larges de deux lignes, blanchâtres, âcres, odorantes & aromatiques. L’extrémité de la tige est terminée par une petite tête longue d’un pouce, épaisse, formée de plusieurs petites feuilles arrondies, pointues, blanchâtres & fort serrées. D’entre ces feuilles sortent sur quatre faces, des fleurs d’une seule piece, en gueule, de couleur de pourpre foncé : la levre supérieure est droite, & divisée en deux : & l’inférieure partagée en trois ; mais cependant elles sont tellement découpées toutes les deux, que cette fleur paroît du premier coup-d’œil partagée en cinq quartiers. Leur calice est d’une seule piece, ovalaire, court, légerement dentelé, permanent, & porté sur une écaille. Le pistil qui est attaché à la partie postérieure de la fleur, en maniere de clou, est environné de quatre embryons qui se changent en autant de graines arrondies, & renfermées dans le fond du calice : la petite tête est couronnée de quelques petites feuilles d’un pourpre violet.

Cette plante aime les lieux chauds & secs ; aussi croît elle abondamment en Languedoc, en Provence & sur-tout aux îles d’Hieres appellées par les anciens îles stéchades. Ses sommités fleuries, ou petites têtes desséchées, sont nommées στοιχὰς par Dioscoride, στρεχὰς par Galien, & dans les ordonnances des médecins stœchas, stœchas arabica ou stores stœchados.

Ces sommités fleuries, ou ces petites têtes sont oblongues, écailleuses, purpurines, d’un goût un peu âcre, amer, & d’une odeur pénétrante, qui n’est pas desagréable. Ceux qui les cueillent, & qui sont un peu éclairés, conservent leur couleur & leur odeur, en les faisant secher enveloppées dans du papier pris, & on les met ensuite dans une boîte.

On multiplie les stœchas de graines qu’on seme au printems dans une terre seche & legere. Quand elles se sont élevées à la hauteur de trois pouces, on les transplante ailleurs à six pouces de distance ; on les arrose, on les abrie, jusqu’à ce qu’elles aient pris racine ; on les nettoie de mauvaises herbes ; on les couvre pendant l’hiver, & l’année suivante on les met ailleurs à demeure ; on doit choisir celles qui sont nouvelles, odorantes, & en même tems un peu ameres. On retire l’huile essentielle de ces têtes fleuries de la même maniere que des sommités de la lavande ; elle a les mêmes vertus, mais on en fait peu d’usage en médecine.

On a dans les boutiques une autre plante nommée stœchas citrin, stœchas citrina angustifolia, C. B. P. 264. mais elle n’a ni la figure, ni les vertus du vrai stœchas, c’est une espece d’elychrisum. (D. J.)