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core d’autres monumens héroïques, comme ceux d’Alcime & d’Enarephore ; un peu plus loin ceux de Dorcée & de Sébrus. Dorcée avoit donné son nom à une fontaine qui étoit dans le voisinage, & Sébrus le sien à une rue de ce quartier-là. A droite du monument de Sébrus, on remarquoit le tombeau d’Alcman. Là se trouvoit aussi le temple d’Helene & le temple d’Hercule ; le premier plus près de la sépulture d’Alcman ; le second contre les murs de la ville. Dans ce dernier il y avoit une statue d’Hercule armé ; on dit qu’Hercule étoit représenté ainsi, à cause de son combat avec Hippocoon & avec ses enfans.

En sortant du Dromos, du côté de l’orient, on trouvoit un temple dédié à Minerve Axiopœnas, ou vengeresse. Minerve avoit encore dans cette rue un temple, qu’on trouvoit à gauche au sortir du Dromos. On rencontroit ensuite le temple d’Hipposthène, homme célebre pour avoir été plusieurs fois vainqueur à la lutte ; & vis-à-vis de ce temple, il y avoit une statue fort ancienne, qui représentoit Mars enchaîné, sur le même fondement qu’on voyoit à Athènes une Victoire sans aîles : car les Lacédémoniens s’étoient imaginés que Mars étant enchaîné, demeureroit toujours avec eux, comme les Athéniens avoient cru que la Victoire n’ayant point d’aîles, elle ne pourroit s’envoler ailleurs ni les quitter. C’étoit la raison qui avoit porté ces deux peuples à représenter ainsi ces divinités. Il y avoit encore à Sparte un autre lesché, qu’ils nommoient le Pœcile.

On voyoit tout près les monumens héroïques de Cadmus, fils d’Agenor ; d’Oéolicus, fils de Théras ; & d’Egée, fils d’Oéolicus. On croyoit que c’étoit Mésis, Léas & Europas, fils d’Hyrée & petit-fils d’Egée, qui avoient fait élever ces monumens. Ils avoient même ajouté celui d’Amphiloque, parce que Tisamene, leur ancêtre, étoit né de Démonasse, sœur d’Amphiloque. Les Lacédémoniens étoient les seuls grecs qui révéroient Junon sous le nom de la déesse Egophage, & qui lui immoloient une chevre. Si on reprenoit le chemin du théâtre, on voyoit un temple de Neptune Généthlius, & deux monumens héroïques, l’un de Cléodée, fils d’Hyllus, l’autre d’Oébalus ; Esculape avoit plusieurs temples dans Sparte ; mais le plus célebre de tous étoit celui qui étoit auprès de Boonete, & à la gauche duquel on voyoit le monument héroïque de Teleclus.

Plus avant on découvroit une petite colline, au haut de laquelle il y avoit un vieux temple de Vénus, & dans ce temple une statue qui représentoit la déesse armée. Ce temple étoit singulier ; mais à proprement parler, c’étoient deux temples l’un sur l’autre ; celui de dessus étoit dédié à Morpho : ce nom Morpho étoit un surnom de Vénus. La déesse y étoit voilée, & elle avoit des chaînes aux piés. Les habitans de Sparte disoient que c’étoit Tyndare qui lui avoit mis ces chaînes, pour donner à entendre combien la fidélité des femmes envers leurs maris devoit être inviolable : d’autres disoient que c’étoit pour se venger de Vénus, à qui il imputoit l’incontinence & les adulteres de ses propres filles.

Le temple le plus proche qui se présentoit ensuite, étoit celui d’Hilaire & de Phoebé. Un œuf enveloppé de bandelettes étoit suspendu à la voûte du temple, & le peuple croyoit que c’étoit l’œuf dont accoucha Léda. Des femmes de Sparte filoient tous les ans une tunique pour la statue d’Apollon qui étoit à Amycle, & le lieu où elles filoient, s’appelloit par excellence la Tunique. On voyoit auprès une maison qu’avoient habitée autrefois les fils de Tyndare, & qu’avoit achetée depuis un particulier de Sparte nommé Phormion. Un jour, à ce qu’on rapporte, les Dioscures étoient arrivés chez lui, se disant des étrangers qui venoient de Cyrène ; ils lui avoient demandé l’hospitalité, & l’avoient prié de leur don-

ner une certaine chambre dans sa maison : c’étoit

celle où ils s’étoient plu davantage lorsqu’ils étoient parmi les hommes. Phormion leur dit que toute sa maison étoit à leur service, à la reserve pourtant de cette chambre, qui étoit occupée par une jeune fille qu’il avoit. Les Dioscures prirent l’appartement qu’on leur donna ; mais le lendemain la jeune fille & les femmes qui la servoient, tout disparut, & on ne trouva dans sa chambre que deux statues des Dioscures, une table, & sur cette table du benjoin ; voilà ce que racontoient les habitans de Sparte.

En allant vers la porte de la ville, on trouvoit sur son chemin le monument héroïque de Chilon, qui avoit été autrefois en grande réputation de sagesse, & celui d’un héros athenien, qui étoit un des principaux de cette colonie, que Doricus, fils d’Anaxandride, avoit débarqué en Sicile.

Les Lacédémoniens avoient aussi bâti un temple à Lycurge leur législateur, comme à un dieu ; derriere son temple on voyoit le tombeau de son fils Eucosmus, auprès d’un autel qui étoit dédié à Lathria & à Anaxandra, qui étoient deux sœurs jumelles, qui avoient épousé les deux fils d’Aristodème, qui étoient aussi jumeaux. Vis-à-vis du temple de Lycurgue, étoit la sépulture de Théopompe, fils de Nicandre, & celle de cet Eurybiade, qui commandoit la flotte des Lacédémoniens au combat d’Artémisium, & à celui de Salamine contre les Perses.

On trouvoit ensuite le monument héroïque d’Astrabacus. On passoit de-là dans une rue qu’ils nommoient Limnée, où il y avoit un temple dédié à Diane Orthia. Du temple de Diane, il n’y avoit pas loin à celui de Lucine. Les Lacédémoniens disoient que c’étoit l’oracle de Delphes qui leur avoit conseillé d’honorer Lucine comme une déesse.

Dans la ville il n’y avoit point de citadelle bâtie sur une hauteur, comme la Cadmée à Thèbes, ou Larissa à Argos ; mais il y avoit plusieurs collines dans l’enceinte de leur ville, & la plus haute de ces collines tenoit lieu de citadelle. Minerve y avoit son temple, sous les noms de Minerve Polinchos & Chalciæcos, comme qui diroit de Minerve gardienne de la ville. Tyndare avoit commencé cet édifice ; après lui ses enfans entreprirent de l’achever, & d’y employer le prix des dépouilles qu’ils avoient remportées sur les Aphidnéens ; mais l’entreprise étant encore restée imparfaite, les Lacédémoniens, longtems après, construisirent un nouveau temple, qui étoit tout d’airain comme la statue de la déesse. L’artiste dont ils s’étoient servi se nommoit Gitiadas. Au-dedans du temple, la plûpart des travaux d’Hercule étoient gravés sur l’airain. Là étoient aussi gravés les exploits des Tyndarides, & sur-tout l’enlevement des filles de Leucippe. On voyoit ensuite d’un côté Vulcain, qui dégageoit sa mere de ses chaînes, & d’un autre côté Persée prêt à partir pour aller combattre Méduse en Lybie. Des nymphes lui mettoient un casque sur la tête, & des talonieres aux piés, afin qu’il pût voler en cas de besoin. On n’avoit pas oublié tout ce qui avoit rapport à la naissance de Minerve ; & ce qui effaçoit le reste, c’étoient un Neptune & une Amphitrite, qui étoient d’une beauté merveilleuse. On trouvoit ensuite une chapelle de Minerve Ergané.

Aux environs du temple il y avoit deux portiques, l’un au midi, l’autre au couchant ; vers le premier étoit une chapelle de Jupiter, surnommé Cosmètes, & devant cette chapelle, le tombeau de Tyndare. Sur le second portique on voyoit deux aigles éployées, qui portoient chacun une victoire ; c’étoit un présent de Lysander, & en même-tems un monument des deux victoires qu’il avoit remportées, l’une près d’Ephèse, sur Antiochus, le lieutenant d’Alcibiade, qui commandoit les galeres d’Athènes ; l’autre enco-