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moiré en marron pour la couleur peinte sur le dessein, & le brillant en rouge.

Ces deux couleurs doivent être lues ensemble, & ne contenir qu’un seul lac ; savoir le rouge sur les deux corps, & le marron sur le grand corps seulement.

Pour travailler l’étoffe on passe le coup de fonds en soie aurore ou blanc, suivant les dorures ; on broche ensuite les espolins, soit soie, soit dorure différente de la lame, & au dernier coup la navette de lame, crainte que si on la passoit au premier coup, après la navette de soie la lame n’étant point arrêtée, le broché de tous les espolins ne la fît écarter ou rompre. Sitôt que la lame est passée, on fait lever les lisses du poil seulement, sous le fil desquelles on passe, sans aucun lac tiré, un coup de navette, auquel on donne le nom de coup perdu, & cela pour arrêter le poil qui, sans ce coup, traîneroit sous la piece dans les parties moirées.

Il est donc aisé de comprendre que dès que l’on tire le lac de lame, tout ce qui est lu sur les deux corps le tire, à l’exception du marron, qui n’étant lu que sur le grand corps, la partie qui ne se tire pas demeure en fonds, & fait le liage de la moire ; cela est clair, puisque c’est la partie du poil qui n’est lue que sur un corps.

Les habits pour homme & les vestes très-riches ne contenant que de très-petites fleurs, il s’en fait à quatre chemins qui font quatre répétitions ; il s’en fait ensuite à cinq chemins, à six, à sept & à huit, & point au-dessus. Mais comme le fabriquant doit chercher la facilité du travail dans ses opérations, & qu’il faut nécessairement que les 800 mailles de chaque corps travaillent, un métier à quatre chemins ou répétitions, doit contenir 200 cordes pour chaque corps, ce qui fait deux arcades chaque corde de rame, & 400 cordes à l’ordinaire.

Un métier à cinq répétitions ou chemins, se monte avec 160 cordes, qui sont 320 pour les deux corps, & deux arcades & demie à chaque corde de rame.

Trois arcades à chaque corde de rame, un métier à six chemins, 133 cordes, 266 pour les deux corps.

3 arcades à chaque corde de rame, un métier à 7 chemins, 114 cordes, 228 pour les deux corps.

4 arcades à chaque corde de rame, un métier à 8 chemins, 100 cordes, 200 pour les deux corps.

Le dessein pour 4 chemins ou répétitions, doit contenir 25 dixaines, ci

25 dix.
à 5 chem. 20 dix. ci 20 dix.
à 6 chem. 16 dix. 5 cordes, ci 16 dix. 5 cord.
à 7 chem. 14 dix. 2 cordes, ci 14 dix. 5 cord.
à 8 chem. 12 dix. 4 cordes, ci 12 dix. 4 cord.

Comme l’extension des chaînes qui sont nécessaires pour, la fabrication des étoffes riches, fatigue beaucoup plus les cordages que les plombs qui sont attachés aux mailles du corps. Les fabriquans qui ont un peu d’intelligence, prennent deux cordes pour une lorsqu’ils font lire les desseins, dans le nombre de celles qui sont destinées pour le grand corps, dont chaque maillon doit soutenir quatre fils doubles de la chaîne, & quatre fils simples pour le relevé, ce qui compose douze fils bien tendus ; & s’il y a huit répétitions, chaque corde doit faire lever 96 fils, ce qui les fatigue beaucoup, tant celles du semple que celles du rame : conséquemment c’est une attention qui même n’est pas connue de tous nos fabriquans de Lyon dont la plupart ne sont, pour ainsi dire, que des automates qui ne savent travailler que machinalement ; au-lieu que dans le petit corps, un métier monté à huit répétitions, ne leve pas plus de huit fils simples ou doubles, & encore d’un poil qui n’est pas tendu extraordinairement pour que la dorure ou lame liée paroisse mieux dans l’étoffe.

On ne croit pas devoir obmettre que tous les gros de tours riches étant composés de 40 portées doubles, qui font 3200 fils, les poils pour lier la dorure de 10 portées qui font 800 fils, il se trouve par ce moyen quatre fils doubles, chaque maille de corps & un fil de poil simple ou double, conséquemment quatre fils doubles, à chaque dent de peigne qui contient 800 dents, & un fil de poil ; ce qui fait que dans les doubles corps, ce liage serré, & les fils si près les uns des autres, font la moire en question, le liage du poil dans les autres étoffes brochées n’étant que du quart du poil qui est passé sous quatre lisses de rabat, c’est-à-dire toutes les quatre dents du peigne, un fil.

L’on ajoutera encore qu’il faut autant d’arcades au petit corps qu’il en faut au grand, pour que le tout puisse se faire juste ; & cela à proportion des répétitions.

Le beau relevé se fait aujourd’hui avec un deuxieme poil de quarante portées simples ; ce qui fait quatre fils séparés chaque maillon & chaque dent du peigne.

La dorure pour relever est ordinairement or ou argent lisse, broché à deux bouts ; il faut que le dessein & le métier soient disposés pour cette opération.

Quant au dessein, la dorure qui doit être relevée, doit être peinte d’une seule couleur, selon l’idée du dessinateur ; la partie qui doit être relevée, doit être peinte d’une couleur opposée à cette premiere, & par-dessus ; en observant que dans toutes les parties qui contiennent les extrémités des sujets, il y ait au-moins deux côtés au-delà de celles qui doivent être relevées, c’est-à-dire que si la dorure qui doit être relevée est peinte en jaune ; la partie qui doit faire le relevé en bleu, peinte sur la partie jaune, tous les contours, refentes, &c. doivent être rebordés de deux cordes de jaune, tant en-dehors qu’en, dedans.

Pour brocher le relevé, on tire le lac peint en blanc, & on fait rabattre tout le poil des 40 portées simples, qui ordinairement n’est passé que dans le corps, & sous deux ou quatre lisses de rabat ; après quoi on passe l’espolin qui contient une petite canette de 4 ou 6 gros bouts de soie, après quoi on laisse aller la marche, & on fait tirer un second lac qui est le même, à l’exception des deux cordes de plus dans toute sa circonference, & on broche l’espolin de dorure.

Les deux cordes de plus, peintes dans les circonférences & découpures des fleurs relevées, sont si nécessaires, que si elles manquoient, on ne tireroit que la même partie sous la quelle auroit passé la soie pour relever ; il arriveroit alors que la soie passée étant étendue aussi-bien que la dorure, resserreroient les rives ou extrémités des fleurs de telle façon qu’il se feroit des ouvertures dans l’étoffe, qui seroient très-défectueuses, & porteroient coup à la vente ; ce qui est arrivé dès le commencement que le relevé a été mis en pratique.

Etoffes à la broche. Le fonds d’or ou d’argent à la broche ne different en aucune façon pour l’apparence de ceux qui sont à double corps, mais la fabrication en est très-différente ; outre que l’on peut fabriquer un fonds or à la broche, comme une autre étoffe, avec 400 cordes & deux répétitions seulement ; au-lieu qu’en double corps il faudroit 800 cordes, savoir 400 pour le poil & 400 pour la chaîne.

L’invention de la broche, dès le commencement, ne fut mise en pratique que pour rendre le liage de la corde plus fin, & pour le faire grand ou petit, suivant que la beauté de l’étoffe l’exigéoit ; pour lors on faisoit tirer les cordes du liage telles qu’elles étoient peintes par le dessinateur, & en même tems on fai-