Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/923

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la corne ou avec le beurre. Celles qui ont la consistance cornée, sont celles qui ont pour base l’argent & le plomb, & sont appellées communément lune cornée & plomb corné. L’étain, le bismuth, l’arsenic, l’antimoine & le cobalt donnent chacun un beurre. Le sel produit de la combinaison de l’acide marin & du cuivre, est une espece de gomme qui doit être par conséquent rangée avec les beurres. Cette gomme est très-inflammable ; elle brûle en donnant une belle flamme bleue (propriété qu’elle communique à l’esprit-de-vin dans lequel on la dissout, & à du suif ou de la cire à quoi on la mêle, & dont on fait ensuite des chandelles :) & les Chimistes en ont conté beaucoup de merveilles, voyez la dissertat. de M. Pott sur le sel marin, déjà citée.

Le zinc combiné avec l’acide marin donne une matiere moyenne entre l’état corné & l’état butireux. Cette matiere coule au feu, mais se fige, & se durcit considérablement dès que ce feu n’est plus très-vif. Le sel formé par l’union de l’acide marin & du fer est capable de prendre une forme concrete, éprouver une espece de crystallisation, mais peu durable. Le sublimé corrosif & le précipité blanc, produits de la combinaison de l’acide marin & du mercure, ont cela de spécial, qu’ils ont une forme concrete, durable ; qu’ils sont, & sur-tout le sublimé corrosif, très-capables d’une crystallisation réguliere. Enfin, l’or qui, selon les expériences de M. Brandt, que nous avons annoncées plus haut, est attaqué par l’acide marin, pur, nud en masse, lorsqu’on l’a précédemment mélé en diverses proportions à de l’étain, ou du bismuth ou du régule de cobalt, & qu’on a réduit l’alliage en une chaux dans laquelle on n’apperçoit aucune partie d’or : l’or, dis-je, extrait de cette chaux par l’acide marin, ou pour mieux dire, le produit résultant de cette extraction, se volatilise sous la forme d’une liqueur épaisse, jaune ou rouge.

Toutes ces substances salines métallico-marines sont plus ou moins volatiles & déliquescentes.

Il est encore essentiel d’observer que la vapeur qui s’éleve pendant la dissolution de la chaux de cuivre dans l’acide marin, est très-inflammable ; & que pendant celle du zinc dans le même acide, il se forme de petits floccons inflammables, & qui sont une espece de soufre ; mais que ces phénomènes n’insinuent point du-tout que l’acide marin contienne du phlogistique, de-même que l’inflammation des huiles, & les autres phénomènes analogues que présente l’acide nitreux ne démontrent point ce principe dans ce dernier acide. Voyez Nitre.

L’acide marin combiné avec l’alkali fixe de tartre donne le sel marin regénéré connu dans l’art sous le nom de sel digestif ou fébrifuge de Sylvius.

Avec la chaux il donne le sel appellé très-arbitrairement sel fixe ammoniac, & huile de chaux quand il est tombé en deliquium, événement auquel il est très sujet. Il est traité de quelques propriétés chimiques de ce sel à l’article Chaux, Chimie.

L’acide marin combiné avec l’akali volatil forme le sel ammoniac proprement dit. Voyez Sel ammoniac, acide marin dulcifié, éther marin.

L’acide marin digéré, distillé, cohobé de diverses manieres avec l’esprit-de-vin, fournit la liqueur connue dans l’art sous le nom d’esprit de sel dulcifié, d’esprit de sel vineux & d’eau tempérée de Basile Valentin. Lorsque les travaux que les Chimistes avoient tentés sur la dulcification de l’acide vitriolique, & sur celle de l’acide nitreux, leur eurent donné l’éther vitriolique & l’éther nitreux, voyez ces articles ; ces liqueurs furent le produit le plus précieux de ces travaux, & le principal objet de leurs recherches dans les opérations analogues sur le mélange de l’acide marin & de l’esprit-de-vin qui a long-tems refusé une liqueur huileuse, un éther. Enfin M. Rouelle le

cadet, que je ne crains point de placer parmi les plus grands chimistes, à qui même je ne m’abstiens de marquer la premiere place, que parce que ma propre conviction, quoiqu’intime & profonde, ne me donne pas le droit de lui déferer l’empire. M. Rouelle le cadet, dis-je, a fait en 1759 de l’éther marin, en employant au lieu d’acide marin, nud & en aggrégation, de l’acide marin, disgregé & concentré par son union avec l’étain, c’est-à-dire, le beurre d’étain, ou liqueur fumante de Libavius. Cette découverte est fondée sur une heureuse application du principe que nous avons posé plus haut, d’après l’observation de l’impuissance de l’acide marin en masse, & de la grande activité du même acide dont l’aggrégation est rompue. Le procédé de M. Rouelle n’a encore été qu’indiqué par une lettre de M. le marquis de Courtanvaux à M. de Mayran, insérée dans le journal des Savans, Août 1759. (b)

Sel microcosmique ; ce sel porte aussi les noms de sel fusible, & de sel essentiel d’urine. On l’obtient par l’évaporation de l’urine fraîche à un feu modéré ; mais la maniere la plus facile de préparer ce sel, est de le retirer d’une grande quantité d’urine putréfiée & cuite jusqu’à la consistance d’un sirop liquide, & d’en dépurer les crystaux par des solutions, des filtrations, & des crystallisations répétées. Dans ces opérations, le sel fusible qui contient l’acide du phosphore, se crystallise toujours le premier, & il est fort aisé à distinguer de celui qui paroît ensuite sous la forme de crystaux longs & cubiques.

On a proposé aussi de préparer les crystaux de sel d’urine, en la réduisant à la consistance d’un miel épais, en la dissolvant dans de l’eau bouillante, en la filtrant & la faisant crystalliser deux ou trois fois. On peut encore, en exposant l’urine à une forte gelée, en concentrer la matiere saline huileuse jusqu’à une consistance convenable, jusqu’à la crystallisation : enfin on peut obtenir le sel d’urine, quoique dans un espace de tems beaucoup plus long, par une lente & très-douce évaporation à l’air, alors il s’en sépare une terre selénitique en forme de crystaux.

Il paroît, par les observations de divers chimistes, qu’une longue putréfaction est capable de produire dans l’urine des générations & combinaisons de différens sels. M. Schlosser a trouvé que si on distille le précipité qui se fait pendant l’évaporation de l’urine récente, & qu’on en lessive le caput mortuum après l’avoir calciné, l’eau qui a servi à édulcorer ce caput mortuum, ne donne qu’un véritable sel marin ; mais M. Pott ayant distillé le résidu de l’urine réduit à la consistance de miel, dont on avoit séparé les premiers crystaux, & qu’on avoit gardé dans un vase pendant quelques années, a retiré un véritable sel fusible de la terre du caput mortuum, & du caput mortuum que fournirent après la rectification & les produits de cette distillation, qui demeurerent encore mêlés ensemble pendant quelques années. Comme la distillation avoit donné un esprit ammoniacal huileux, M. Pott en conclut que la terre de l’urine qui avoit été rendue volatile, s’est avec le tems, & par un effet du mouvement intérieur, détachée de sa combinaison précédente, & en a contracté une autre en vertu de laquelle elle est devenue fixe & fusible. M. Margraff a observé que la putréfaction change le sel commun, qui existe dans l’urine, en un sel fusible.

Cependant il y a dans l’urine du sel fusible qui y est essentiellement contenu, mais déguisé, comme M. Henckel le prouve : parce que, 1°. il s’obtient par une séparation qui s’opere doucement, & conforme à la façon d’agir de la nature, savoir par une évaporation lente, pour laquelle on n’a point employé la violence du feu ; cette évaporation n’agit que sur la partie phlegmatique, & elle n’a pas pu détruire ni décomposer le tout : 2°. ce sel n’est point,