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nemaque, l’un & l’autre de la secte méthodique, ou du moins ce dernier. Il y a apparence que l’on doit aux paysans la découverte de ce remede.

La sangsue est, comme on sait, une espece d’insecte ou de ver aquatique, qui appliqué au corps, perce la peau, tire le sang des veines, & procure quelquefois la santé par cette évacuation. C’est par cette raison que les médecins grecs & romains les ont employées de très-bonne heure. Comme il y en a de plusieurs especes, il ne sera pas hors de propos d’établir ici quelques regles qui puissent en fixer le choix.

On prendra d’abord celles qu’on aura pêchées dans des ruisseaux, & dans des rivieres dont les eaux sont claires : ce sont les meilleures ; celles qu’on trouve dans les lacs, dans les étangs & dans les eaux croupissantes, sont impures, & excitent quelquefois des douleurs violentes, des inflammations & des tumeurs. Les Chirurgiens les plus expérimentés préferent encore aux autres, celles qui ont la tête petite & pointue, dont le dos est marqueté de lignes verdâtres & jaunâtres, & qui ont le ventre d’un jaune rougeâtre ; car lorsqu’elles ont la tête large, & tout le corps d’un bleu tirant sur le noir, on les tient pour être d’une espece maligne. Mais une précaution qu’il est absolument nécessaire de prendre, c’est ne jamais appliquer des sangsues récemment pêchées dans des rivieres ou dans des eaux troubles ; il faut les tenir auparavant dans un vaisseau d’eau pure, & changer de tems en tems cette eau dans laquelle elles se purgeront de ce qu’elles pourroient avoir de sale & de venimeux. Lorsqu’elles auront vécu pendant un ou deux mois de cette maniere, on pourra s’en servir en sûreté.

Avant que d’appliquer la sangsue, on la tirera de l’eau, & on la tiendra pendant quelque tems dans un verre ou dans un vaisseau vuide, afin qu’étant altérée, elle s’attache ardemment à la peau, & tire des veines une plus grande quantité de sang. Quant à la partie qu’il faut faire piquer, ce sont ordinairement les tempes ou le derriere des oreilles, si la tête ou les yeux sont affectés par une trop grande abondance de sang, & surtout si le malade est dans une fievre accompagnée de délire. On les applique aussi quelquefois très-convenablement aux veines du rectum, dans les cas d’hemorrhoïdes aveugles & douloureuses. les sangsues ne seront pas moins bienfaisantes dans les hémorrhagies du nez & dans les vomissemens & crachemens de sang : elles sont très-propres à procurer une révulsion, surtout lorsque l’hémorrhagie provient de l’obstruction des hémorrhoïdes.

Avant que d’appliquer la sangsue, on commence par frotter la partie jusqu’à ce qu’elle soit chaude & rouge. On prend ensuite l’animal par la queue avec un linge sec, on l’éleve, on le tient à moitié sorti du vaisseau, & on le dirige vers l’endroit où l’on veut qu’il s’attache : ce qu’il fait avec beaucoup d’ardeur. S’il est à-propos d’appliquer plusieurs sangsues, on s’y prendra successivement ainsi que nous venons de l’indiquer. Lorsqu’elles refusent de prendre, ce qui arrive quelquefois, on humectera la partie avec de l’eau chaude, ou avec du sang de pigeon ou de poulet : si cela ne suffit point, il en faut choisir d’autres. L’application des sangsues à la caroncule dans le grand angle de l’œil après la phlébotomie se fait avec beaucoup de succès dans les maladies inflammatoires de cet organe. La crême & le sucre inviteront les sangsues à s’attacher à la partie qu’on en aura frottée.

Aussitôt que les sangsues sont pleines de sang, elles se détachent d’elles-mêmes ; s’il étoit à propos de faire une plus grande évacuation, on en appliqueroit de nouvelles ou l’on couperoit la queue à celles qui sont déja attachées ; car elles tirent du sang à mesure qu’elles en perdent. Si lorsqu’on aura tiré une quantité

suffisante de sang, elles ne lâchent point prise d’elles-mêmes, on n’aura qu’à jetter sur elles un peu de sel ou de cendres, & elles tomberont sur le champ. Cette méthode nous paroit la meilleure ; car lorsqu’on les détache de force, elles causent quelquefois une inflammation ou une tumeur. On remettra dans de l’eau claire celles à qui on n’aura point coupé la queue, & on les gardera pour une autre occasion ; quant à celles qu’on a blessées, elles meurent toujours. On lavera les ouvertures qu’elles auront faites, avec de l’eau chaude, & on les pansera avec une emplâtre vulnéraire ; mais ces petites blessures guérissent ordinairement sans remede.

Ceux qui desirent en savoir davantage sur ces insectes, n’ont qu’à lire Aldovrandus, Gesner, Botallus, Petrus Magnus, Sebizius, Heurnius, Cransius, Schroder & Sthal qui en ont traité plus au long.

L’hémorrhagie continue ordinairement pendant quelque tems, quelquefois pendant deux heures, & même davantage, après que les sangsues sont tombées. Comme on ne reçoit point alors le sang dans des vaisseaux, & qu’il est entierement absorbé par le linge, il paroit être en beaucoup plus grande quantité qu’il n’est en effet. Cela suffit quelquefois pour allarmer le malade, & jetter dans une vaine consternation les assistans qui ne manquent pas d’imaginer que l’hémorrhagie est très-abondante, & de craindre qu’il ne s’ensuive une foiblesse & la mort.

On préviendra ces terreurs paniques, & l’on arrêtera en peu de tems l’effusion de sang, soit par la compression, soit par l’application d’un styptique, comme de l’eau-de-vie avec un peu de colcothar mis en poudre. Mais un fait plus ordinaire, c’est qu’on soit obligé de baigner avec de l’eau chaude la partie piquée pour en faire sortir le sang plus librement, lorsqu’il n’en vient point une quantité qui réponde au dessein qu’on avoit, en appliquant les sangsues. Heister. (D. J.)

Sangsue de mer, hirudo marina, insecte de mer qui ressemble beaucoup à la sangsue d’eau douce ; il est de la longueur du doigt, & plus mince à la partie antérieure qu’à la partie postérieure ; il a deux petites cavités rondes semblables aux suçoirs des polypes par le moyen desquels cet insecte s’attache aux corps qu’il rencontre : ces suçoirs sont placés l’un à côté de la tête, & l’autre à la queue ; le corps est divisé en plusieurs anneaux, & la peau est dure : ce qui fait que cet insecte ne peut pas se mettre en boule ; cependant il peut se rapetisser en retirant la tête & la queue dans son corps ; il vit dans la boue, & il sent mauvais. Rondelet, hist. des zoophites, chap. vij. Voyez Poisson.

Sangsue de mer, (Hist. nat. du Chily.) Les sangsues de mer du Chily sont de plusieurs couleurs ; les unes entierement rouges de couleur de feu, d’autres d’un verd-bleuâtre, & d’autres d’un verd-grisâtre. Elles sont articulées de bandes annulaires en grand. Chaque bande est relevée sur les flancs de deux petits mamelons qui leur servent d’autant de jambes pour ramper, de la même maniere que rampent nos chenilles. A l’extrémité de chaque mamelon, on voit une sorte de nageoire composée d’une infinité de petites épines blanches, qui sont si subtiles & si aiguës, que pour peu qu’on touche cet animal, elles entrent dans les doigts, & pénetrent avec autant de facilité que les piquans imperceptibles des opontia. Les nageoires des mamelons supérieurs ou du dos sont toutes accompagnées d’un pennache verd-gris ; & elles sont composées de quantité de très petites fibres branchues, que l’on n’apperçoit que dans le tems que l’animal nage, ou marche au fond de l’eau ; ces pennaches s’abattent sur son dos, & ne paroissent que comme un tas de petits vers entrelacés les uns dans les autres, semblables à la mousse