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Σαμώνιον ἄκρον. Dans les voyages de S. Paul, il est fait mention de ce cap au sujet de sa navigation à Rome, & il passa tout auprès. Les actes des Apôtres le nomment simplement Salmone. (D. J.)

SAMOREUX, s. m. (Marine.) bâtiment extrèmement long & plat qui n’a qu’un mât très-long, formé de deux pieces, que des cordages tiennent à l’arriere & aux côtés, & qui navige sur le Rhin & sur les eaux internes de Hollande.

SAMORIEN, (Géogr. mod.) petite ville de Hongrie au comté de Comore, dans la grande île de Schit. Elle est entourée de murailles. Quelques géographes la prennent pour l’ancienne Crumerum, & d’autres pour le lieu qu’on appelloit Ad Muros. (D. J.)

SAMORIN, ou Zamorin, s. m. (Hist. mod.) c’est le nom que l’on donne à un souverain de l’Indostan, dont les états sont placés sur la côte de Malabare, & qui étoit autrefois le prince le plus puissant de cette côte. Sa résidence ordinaire est à Calecut ou Kalicut. Autrefois le samorin ne pouvoit occuper le trône au delà de douze ans ; s’il mouroit avant que ce tems fut accompli, il étoit dispensé d’une cérémonie aussi singuliere que cruelle ; elle consistoit à se couper la gorge en public ; on dressoit un échaffaut pour cet effet, le samorin y montoit, après avoir donné un grand festin à sa noblesse & à ses courtisans : immédiatement après sa mort ces derniers élisoient un nouveau samorin. Les souverains se sont actuellement délivré en grande partie d’une coutume si incommode ; lorsque les douze années sont révolues, les samorins se contentent de donner sous une tente dressée dans une plaine, un repas somptueux pendant douze jours de suite, aux grands du royaume ; au bout de ce tems de réjouissances, si quelqu’un des convives a assez de courage pour aller tuer le samorin dans sa tente, où il est entouré de plusieurs milliers de gardes, la couronne est à lui, & il est reconnu samorin en la place de celui à qui il a ôté la vie.

Lorsque le samorin se marie, il ne lui est point permis d’habiter avec sa femme jusqu’à ce que le nambouri ou grand-prêtre en ait eu les prémices ; ce dernier peut même, s’il veut, la garder trois jours. Les principaux de la noblesse ont la complaisance d’accorder au clergé le même droit sur leurs épouses : quant au peuple, il est obligé de se passer des services des prêtres, & de remplir lui-même ses devoirs.

SAMOS, (Géogr. anc.) les anciens géographes parlent de plus d’une ville de ce nom.

I. Strabon distingue trois villes ainsi nommées, 1°. la capitale de l’île de Samos ; 2°. une Samos du Péloponnese en Messénie ; 3°. une Samos du Péloponnese en Elide, qui depuis long-tems étoit détruite.

II. Les martyrologes d’Adon & d’Usuard, font mention d’une Samos d’Asie dans la Lycie ; ce n’étoit apparemment qu’un bourg ou un village.

III. S. Thomas d’Aquin, fort mal-habile en géographie, met une Samos en Calabre, où, dit-il, Pythagore prit naissance. Mais aucun géographe n’a connu cette Samos de Calabre ; & si Pythagore est né à Samos comme nous le croyons sur le témoignage de Diogene Laërce & d’autres écrivains, c’est dans l’île de Samos en Ionie que ce philosophe vit le jour. (D. J.)

Samos, l’île de (Géogr. anc.) île de la mer Méditerranée, sur la côte de l’Asie mineure, entre l’Ionie à l’orient, & l’île d’Icaria, aujourd’hui Nicarie, au couchant, au midi du golfe d’Ephise. Elle est séparée de l’Anatolie par le détroit de Mycale, qui prend ce nom de l’ancienne ville de Mycalessus, ou de la montagne Mycale, qui est en terre ferme le long de ce détroit, auquel on donne environ trois lieues de large.

L’île de Samos avoit été premierement appellée Parthenia, ensuite Driusa, puis Anthemusa ; on l’a aussi nommée Cyparissia, Parthenoarusa, & Stephane.

Pline lui donne 87 milles de circuit, & Isidore pour faire le compte rond, en met 100.

Cette île est toute escarpée, & c’est ce qui lui a fait donner le nom de Samos, car selon Constantin Porphirogenete, les anciens grecs appelloient Samos les lieux fort élevés. La grande chaîne de montagnes qui traversent Samos dans sa longueur, se nommoit Ampelos. Sa partie occidentale qui fond dans la mer du côté d’Icaria, retenoit le même nom ; elle s’appelloit aussi Cantharium & Cerceteus, au rapport de Strabon, l. XIV. & l. X. c’est cette roche qui fait le cap de Samos, & que les grecs modernes nomment Kerki.

Du tems que la Grece florissoit, l’île de Samos étoit fort peuplée, cultivée, riche, brillante, & d’une fertilité que les anciens ne se lassoient point d’admirer. On lui applique ce proverbe : les poules y ont du lait : φέρει καὶ ὀρνίθων γάλα. C’est dans ce charmant séjour qu’Antoine se rendit d’Ephèse avec Cléopatre pour y prendre part aux divertissemens de cette île voluptueuse, pendant que leurs armées sur terre & sur mer acheveroient de se former contre celle d’Octave, avant la bataille d’Actium. Cléopatre ne pouvoit choisir un lieu plus propre à distraire Antoine & à l’amuser. Samos étoit alors le centre des plaisirs ; tout y respiroit la molle oisiveté ; les richesses de la nature y refleurissoient deux fois chaque année ; les figues & les raisins, les roses & les plus belles fleurs y renaissoient presque aussi-tôt qu’on les cueilloit. In eâ insulâ, dit Athenée, bis anno ficos, uvas, mala, rosas, nasci narrat Æthlius. Pline parle des grenades de cette île, dont les unes avoient les grains rouges & les autres blancs ; le gibier étoit meilleur que dans aucun autre pays. Les routes publiques & les rues des villes étoient ombragées de ces saules de l’Ombrie, aussi agréables par leur feuillage que par leur verdure.

Tous les jours se passoient à Samos en fêtes galantes ; les insulaires alloient ensemble au temple de Junon, & s’y rendoient en habillemens pompeux, ayant par-dessous des tuniques blanches comme la neige, & traînantes jusqu’à terre ; leurs cheveux ajustés, & négligemment épars sur leurs épaules, noués avec des tresses d’or, voltigeoient au gré des zéphirs. Couronnés de fleurs, & parés de tous les ornemens les mieux assortis, ils formoient une marche solemnelle, terminée par une milice revêtue de boucliers resplendissans : ut nexi fuerunt, contendebant in Junonis templum, speciosis vestibus amicti, terræque latè niveis tunicis solum radebant ; comæ cincinni insidebant crinibus quos vittis aureis nexos, ventus quatiebat ; pompam claudebant scutati bellatores.

Il seroit difficile d’exprimer quel étoit dans cette île l’excès du luxe & le déréglement des mœurs. Plutarque dit qu’il y avoit un lieu nommé les jardins de Samos, Samiorum flores, où les habitans se rendoient pour y goûter tous les plaisirs que pouvoit imaginer l’obscénité la plus outrée : Samosos plusquàm credibile est luxu corruptos !

Ces insulaires voluptueux ravis de voir Antoine & Cléopatre applaudir à leurs fêtes, à leurs jeux & à leurs plaisirs, auroient souhaité qu’ils ne les quittassent jamais, & méditoient tous les jours de nouveaux moyens de les retenir. Les rois & les peuples des environs, comme tributaires de l’empire, envoyoient à Samos les choses nécessaires pour le service de la guerre prochaine, & en même tems pour contribuer à divertir le triumvir de Rome & la reine d’Alexandrie, tout ce qu’ils croyoient de plus propre à produire cet effet. Antoine ne recevoit pas seulement toutes sortes de secours & de munitions ; mais tout ce qu’il y avoit de plus célebre en comédiens, en musiciens & en danseurs, venoient s’offrir à ses désirs ; ainsi pendant que par toute la terre on gémissoit à la vue des préparatifs d’une guerre san-