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& pulvériser encore plus parfaitement le verre bleu ou le safre qui a été tamisé, & qui a été étendu sur le fond de la grande cuve & recouvert avec de l’eau. On broie ainsi ce verre pendant six heures, alors on lâche des robinets qui sont aux côtés de la cuve du moulin, & l’eau, qui est devenue d’une couleur bleue en passant par ces robinets, découle dans des baquets ou seaux qui sont placés au-dessous ; de-là on porte cette eau dans des cuves où elle séjourne pendant quelques heures, par ce moyen la couleur dont elle étoit chargée se dépose peu-à-peu au fond des cuves ; on puise l’eau qui surnage, on la verse dans des auges qui la conduisent à un réservoir où elle acheve de se dégager de la partie colorante dont elle est encore chargée ; l’eau qui surnage dans ce premier réservoir retombe dans un second, & de-là dans un troisieme où elle a le tems de devenir parfaitement claire, & la couleur de se déposer entierement.

On met la couleur qui s’est déposée dans des baquets, où on la lave avec de nouvelle eau pour en séparer les saletés qu’elle peut avoir contractées ; cela se fait en la remuant avec une spatule de bois ; on réitere ce lavage à plusieurs reprises, après quoi on puise cette eau agitée, on la passe par un tamis de crin fort serré, & cette eau qui a ainsi passé séjourne pendant quelques heures dans un nouveau vaisseau. Au bout de ce tems, on décante l’eau claire, & l’on a du safre qui sera d’une grande finesse & d’une belle couleur.

On étend également cette couleur sur des tables garnies de rebords ; on la fait sécher dans des étuves bien échauffées ; lorsque la couleur est bien seche, on la met dans une grande caisse garnie de toile, ou on la sasse au-travers d’un tamis de crin fort serré. L’ouvrier qui fait ce travail est obligé de se bander la bouche avec un linge, pour ne point avaler la poudre fine qui voltige. On met ainsi plusieurs quintaux de safre dans la caisse, on l’humecte avec de l’eau, on le pêtrit avec les mains pour le mouiller également, on le pese ; alors un inspecteur examine si la nuance de la couleur est telle qu’elle doit être ; lorsqu’elle est ou plus claire ou plus foncée qu’il ne faut, il y remédie en mêlant ensemble différens safres, & par-là il donne la nuance requise. Après que cette couleur a été pesée, on l’entasse fortement dans des barrils, sur lesquels on imprime avec un fer chaud une marque, qui indique la qualité du safre qui y est contenu. Les Saxons nomment eschel la couleur la plus fine & la plus belle : suivant ses différens degrés de finesse & de beauté, on la désigne par différentes marques ; HEF désigne la plus parfaite ; EFE est d’une qualité au-dessous ; FE est encore inférieure ; ME signifie eschel médiocre ; OE eschel ou couleur ordinaire ; OC marque une couleur claire ordinaire ; OH annonce un bleu vif ; MC claire moyen ; FC couleur fine ; FFC une couleur très-fine. Les barrils ainsi préparés se vendent en raison de la beauté & de la finesse de la couleur, & se transportent dans toutes les parties de l’Europe ; on assure même que les Chinois en ont tiré une grande quantité depuis quelques années.

Telle est la maniere dont on fait le safre en Misnie, où il y en a quatre manufactures qui sont une source de richesse pour le pays. Les Saxons ont fait long-tems un très-grand mystere de ce travail ; le célebre Kunckel est le premier qui en ait donné une description dans ses notes sur l’art de la Verrerie d’Antoine Néri. Depuis, M. Zimmermann en a donné un détail très-circonstancié dans un ouvrage allemand qu’il a intitulé, Académie minéralogique de Saxe ; son mémoire a été traduit en françois, & se trouve à la suite de l’Art de la Verrerie de Néri & de Kunckel, que j’ai publiée à Paris en 1752. Cependant il est

certain que les Saxons ont toujours fait des efforts pour cacher leur procédé, & jamais ils n’ont communiqué au public les ordonnances & les réglemens de leurs manufactures de safre qui sont de l’année 1617, non plus que les divers changemens qu’on y a faits depuis ce tems.

Quoi qu’il en soit, on fait du safre en Bohème, dans le duché de Wirtemberg, à Ste Marie aux mines en Lorraine, &c. il est vrai que l’on donne la préférence à celui des Saxons ; il y a lieu de croire que cela vient de leur grande expérience, de la bonté du cobalt qu’ils emploient, & du choix des matieres dont ils font le verre. Comme le cobalt est une substance minérale qui se trouve très-abondamment presque par-tout où il y a des mines, il est à présumer qu’on réussira aussi-bien que les Saxons en apportant à ce travail la même attention qu’eux. 1°. Il faut bien choisir les cailloux dont on fera la fritte du verre ; souvent des cailloux qui paroîtront parfaitement blancs & purs contiennent des parties ferrugineuses que l’action du feu développe, alors ces cailloux rougiront ou jauniront par la calcination, & ils pourront nuire à la beauté de la couleur du safre ; d’un autre côté, il y a des cailloux qui, quoique naturellement colorés, perdent cette couleur dans le feu, ceux-là pourront être employés avec succès ; on voit par-là qu’il faut s’assûrer par des expériences, de la qualité des cailloux qu’on employera ; au défaut de cailloux, on pourra se servir d’un sable bien blanc & bien pur. 2°. Il faut que la potasse, la soude ou le sel alkali fixe que l’on mêlera dans la fritte du verre soit aussi parfaitement pure. 2°. Il ne faut point négliger l’eau dans laquelle on éteint le verre bleu au sortir du fourneau, afin de pouvoir le pulvériser plus aisément ; si cette eau étoit impure & mêlée de particules étrangeres, elle pourroit nuire à la beauté du safre. En général ce travail exige beaucoup de netteté & de précaution. (—)

SAGA, s. f. (Gram. hist.) anciennes histoires du Nord.

SAGACITÉ, s. f. (Logique.) Locke définit la sagacité, une disposition qu’a l’esprit à trouver promptement les idées moyennes qui montrent la convenance ou la dissonnance de quelque autre idée, & en même tems à les appliquer comme il faut. (D. J.)

SAGAIE, s. f. terme de relation, espece de dard ou de javelot des insulaires de Madagascar. Le bois en est long d’environ quatre piés ; il est fort souple, & va toujours en diminuant vers le bout par où on le tient pour le lancer. Le fer de ces sagaies est ordinairement empoisonné, ce qui fait que les blessures en sont presque toujours mortelles. (D. J.)

SAGALASSE, Sagalassus, (Géog. anc.) ville de Pisidie, quoique Ptolomée l’ait mise dans la Lycie ; son erreur est visible, par le consentement général de tous les anciens. Pline, l. V. c. xxvij. la nomme Sagalessus. Strabon compte une journée de chemin entre cette ville & Apamée ; il dit, l. XII. p. 569. qu’elle étoit du département de l’officier que les Romains avoient établi gouverneur du royaume d’Amyntas, & que pour aller de la citadelle à la ville il y avoit une descente de 30 stades.

Arrien, dans ses guerres d’Alexandre, l. IV. donne Sagalassus à la Pisidie. C’étoit, dit-il, une assez grande ville habitée par les Pisidiens. Tite-Live, l. XXXVIII. c. xv. décrivant la route que suivit le consul Manlius pour passer de la Pamphylie dans la Phrygie, dit : « En revenant de Pamphylie, il campa au bord du fleuve Taurus le premier jour, & le lendemain à Xiline-Comé ; de-là il alla, sans s’arrêter, jusqu’à la ville de Cormasa. Celle de Darsa n’étoit pas loin, les habitans s’en étoient enfuis, il y trouva des vivres en abondance. Marchant ensuite le long des marais, il reçut les soumissions