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noissance des sciences qui concernent l’administration des domaines, des finances, & de la police. Francfort, 1730, in-8°. en allemand. L’auteur est mort en 1737, à 60 ans. Voyez sa vie dans la biblioth. german. tom. XLII. art. 9. (Le chevalier de Jaucourt.)

ROTENFELS, (Géog. mod.) nom de deux petites villes d’Allemagne, dont l’une est sur la Moër, dans l’évêché de Wurtzbourg, & appartient à l’évêque ; l’autre dans l’évêché de Spire, appartient pareillement à l’évêque de Spire. Il y a aussi une seigneurie de Rotenfels, qui forme dans l’Algow un bailliage assez étendu, dont le bourg de même nom est le chef-lieu. (D. J.)

ROTENMANN, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, dans la haute Stirie, dans la vallée de Palten, & à huit milles de Leuben. Lazius prétend que cette ville est le Castra-montana Antonini ; mais il n’apporte pour preuves que de foibles conjectures. (D. J.)

ROTER, v. n. (Gram.) voyez l’article Rots & Vents.

Roter sur l’avoine, se dit d’un cheval dégoûté qui ne veut pas manger son avoine, ou de celui à qui on en a trop donné, & qui ne sauroit l’achever. Roter sur la besogne, se dit d’un cheval paresseux ou sans force qui ne sauroit fournir son travail.

ROTERDAM, (Géog. mod.) ou plutôt Rotterdam, ville des Pays-Bas, dans la Hollande, sur la droite de la Meuse, à 3 lieues de la Haye, à 2 de Delft, & à 5 de la Brille.

Il ne faut point douter que son nom ne vienne de ce qu’elle fut bâtie à l’embouchure de la Rotte ; on ne sait point en quel tems, mais on sait qu’environ l’an 1270, elle sut érigée en ville ; car on y fit des remparts, & on lui donna des privileges. Sa situation sur la Meuse lui est extrèmement favorable pour le commerce ; cette riviere qui en cet endroit a près d’une demi-lieue de largeur, lui forme un port assez profond, pour que les plus gros vaisseaux viennent charger jusqu’au milieu de la ville, à la saveur d’un canal, où les eaux de la Meuse entrent par la vieille tête. Cette commodité pour charger & pour décharger, est cause qu’il se fait plus d’embarquemens à Rotterdam qu’à Amsterdam. En levant l’ancre à Rotterdam, on peut d’abord cingler en pleine mer, qui n’en est éloignée que de six lieues ; de sorte que les vaisseaux qui partent, peuvent s’y rendre dans une marée ; au lieu qu’à Amsterdam on est obligé d’aller faire le tour des îles du Texel.

Quoique Rotterdam ait le dernier rang parmi les villes de la province, elle ne le cede cependant en richesses & en beauté qu’à Amsterdam ; elle est le siege de l’amirauté de la Meuse. Elle est arrosée de sept canaux ornés de quais & d’allées d’arbres. Les maisons y sont à la moderne & très propres. La bourse est un beau bâtiment, ainsi que l’hôtel-de-ville, les arsenaux & les maisons des compagnies des Indes. Le gouvernement est entre les mains de vingt-quatre conseillers, dont quatre sont bourgmestres. Long. suivant Cassini, 22. 21′. 30″. latit. 51. 55′. 45″.

Rotterdam est la patrie d’Erasme, & elle a érigé une statue à la mémoire de cet illustre personnage. Voilà en deux mots l’éloge de cette ville. Si Homere avoit été aussi estimé durant sa vie qu’il l’a été après sa mort, plusieurs villes eussent vainement aspiré à la gloire de l’avoir produit ; car celle qui auroit eu véritablement cet avantage, en auroit donné promptement des preuves incontestables ; mais aucune dispute sur la patrie d’Erasme ; la grande réputation où il a été pendant sa vie, a prévenu ces sortes de litiges. Rotterdam a compris de bonne heure ses intérêts, & a tellement affermi les titres de sa possession, qu’on ne sauroit plus la lui disputer. Il a fallu être alerte ; car le tems auroit pu jetter mille doutes sur

ce point, puisque la mere d’Erasme, dont la condition étoit médiocre, n’avoit cherché à Rotterdam que les moyens de cacher cette naissance.

Elle arriva le 28 Octobre 1467, & l’enfant dont elle accoucha, devint le plus bel esprit & le plus savant homme de son siecle. Ayant perdu son-pere & sa mere, ses tuteurs l’obligerent de prendre l’habit de chanoine régulier dans le monastere de Stein, proche Tergou, où il fit profession malgré lui en 1486, & où il s’amusa quelque tems à la peinture. Ensuite il alla étudier à Paris au college de Montaigu. De Paris il passa en Angleterre, où il s’accommoda merveilleusement de l’érudition & des autres avantages de ce royaume.

Il marque en divers en droits qu’il étoit charmé de ce pays-là, où il avoit rencontré plusieurs illustres Mecenes, & le triomphe des sciences. Il avoue ingénument que le grand éclat des lettres dont il avoit félicité l’Angleterre, commençoit à l’en rendre un peu jaloux. Il prétend même que les gens doctes dont elle abondoit en toutes sortes de sciences, pouvoient être un objet d’envie pour l’Italie. Il remarque que cette gloire étoit un ancien partage de la nation, & il nous apprend que les grands seigneurs s’y distinguoient en particulier par la culture des sciences : ce qui est encore aujourd’hui un avantage en quoi la noblesse angloise surpasse celle de toutes les autres nations du monde.

S’il disoit tant de bien de l’Angleterre, lorsqu’il en parloit serieusement, il n’en faisoit pas une description moins pleine d’attraits, lorsqu’il prenoit son style enjoué. Voyez ce qu’il écrivit à Andrelin, pour l’attirer en ce pays-là. Si Britanniæ dotes satis pernosces, Fauste, & tu alatis pedibus huc accurreres, etsi podagra tua non sineret, Dædalum te fieri optares. Num ut è plurimis unum quiddam attingam ; sunt hic nymphæ divinis vultibus, blandæ, faciles, & quas tu tuis camoenis facilè anteponas. Est præterea mos nunquam satis laudatus. Sive quò venias, omnium osculis exciperis ; sive discedas aliquò, osculis dimitteris, redis redduntur suavia ; venitur ad te, propinantur suavia ; disceditur abs te, dividuntur basia ; occurritur alicubi, basiatur affatem ; denique quocunque te moveas, suaviorum plena sunt omnia. Quæ si tu, Fauste, gustasses semel quàm sint mollicula, quàm fragrantia, prosecto cuperes non decennium solum, ut Solon fecit, sed ad mortem usque in Angliâ peregrinari. Epist. X. lib. V p. 315. Vous voyez que les Angloises ne lui plaisoient pas moins que les Anglois.

Erasme vola d’Angleterre en Italie qu’il n’avoit pas encore vu. Il séjourna à Boulogne, à Venise ou il publia ses adages, ensuite à Padoue, & enfin à Rome, où sa réputation étoit grande, & où il fut très-bien reçu du pontife & des cardinaux, particulierement du cardinal de Médicis, qui fut depuis le pape Léon X.

En 1509, il fit un second voyage à Londres, & demeura chez Thomas Morus, chancelier d’Angleterre. C’est-là qu’il composa en latin l’éloge de la folie ; mais finalement ne trouvant point dans cette île l’établissement que ses amis lui avoient fait espérer, il se vit obligé de se rendre en Flandres, où Charles d’Autriche, souverain des Pays Bas, qui fut depuis empereur sous le nom de Charle-quint, le fit son conseiller d’état, & lui assigna une pension de 200 florins, dont il fut payé jusqu’en 1525.

Il ne tint qu’à lui d’être cardinal. Il le seroit devenu sans doute sous le pape Adrien VI. s’il eût voulu lui aller faire sa cour, comme il en fut instamment sollicité par ce pape même, son compatriote, son ami & son compagnon d’études. Sous Paul III. l’affaire fut encore poussée plus loin : le cardinalat devint un fruit mûr pour Erasme ; il ne lui restoit pour le cueillir, qu’à vouloir tendre la main. Il aima mieux