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feuilles aussi larges que celles de la bardane, mais plus rondes, & munies de nerf épais comme le plantain. Du milieu des feuilles, s’éleve une tige qui a plus d’une coudée de haut, & plus d’un pouce de grosseur : elle est creuse, cannelée ; & aux endroits de ses nœuds, il vient des feuilles alternatives rondelettes, de neuf pouces de long, & qui vont se terminer en pointe. Les fleurs y sont à tas, disposées en de grosses grappes rameuses ; elles sont d’une seule piece formée en cloche, blanches, & ordinairement divisées en cinq ou six parties obtuses : du centre de chaque fleur sortent plusieurs étamines courtes qui environnent un pistil triangulaire, lequel se change en une semence de pareille forme, longue de deux lignes ; chacun de ces trois angles se prolonge en s’atténuant dans une aîle feuillée d’une façon élégante.

Le rhapontic naît non-seulement sur le mont Rhodope dans la Thrace, mais encore dans plusieurs endroits de la Scythie. On le cultive communément dans les jardins d’Europe. Sa racine purge modérément en poudre, & est plus astringente que la vraie rhubarbe : c’est pourquoi on ne doit pas mépriser ce remede dans la diarrhée & la dyssenterie, quand il convient d’en arrêter le cours. (D. J.)

RHAPSODES, s. m. pl. (Belles-Lettres.) nom que donnoient les anciens à ceux dont l’occupation ordinaire étoit de chanter en public des morceaux des poëmes d’Homere, ou simplement de les réciter.

M. Cuper nous apprend que les rhapsodes étoient habillés de rouge quand ils chantoient l’Iliade, & de bleu quand ils chantoient l’Odyssée. Ils chantoient sur des théâtres, & disputoient quelquefois pour des prix.

Lorsque deux antagonistes avoient fini leurs parties, les deux pieces ou papiers sur lesquels elles étoient écrites, étoient joints & réunis ensemble, d’où est venu le nom de rhapsodes, formé du grec ραπτω, je cous, & ᾠδή, ode ou chant.

Mais il y a eu d’autres rhapsodes plus anciens que ceux-ci ; c’étoient des gens qui composoient des chants héroïques ou des poëmes en l’honneur des hommes illustres, & qui alloient chanter leurs ouvrages de ville en ville pour gagner leur vie. C’étoit-là, dit-on, le métier qu’Homere faisoit lui-même.

C’est apparemment pour cette raison que quelques critiques ont fait venir le mot rhapsodes, non de ραπτω & ᾠδή, mais de ραϐδω & ᾄδειν, chanter avec une branche de laurier à la main, parce qu’il paroît en effet que les premiers rhapsodes portoient cette marque distinctive.

Philocorus fait aussi venir le nom de rhapsodes de ραππειν τας ᾠδάς, composer des chants ou poëmes, supposant que les poëmes étoient chantés par leurs auteurs mêmes. Suivant cette opinion dont Scaliger ne s’éloigne pas, les rhapsodes auroient été réduits à ceux de la seconde espece dont nous venons de parler.

Cependant il est plus vraissemblable que tous les rhapsodes étoient de la même classe, quelque différence que les auteurs aient imaginée entre eux, & que leur occupation étoit de chanter ou de réciter des poëmes, soit de leur composition, soit de celle des autres, selon qu’ils y trouvoient mieux leur compte & plus de gain à faire. Aussi ne pouvons-nous mieux les comparer qu’à nos anciens trouveurs & jongleurs, ou encore à nos chanteurs de chansons, parmi lesquels quelques-uns sont auteurs des pieces avec lesquelles ils amusent la populace dans les carrefours.

Depuis Homere il n’est pas surprenant que les rhapsodes de l’antiquité se soient bornés à chanter les vers de ce poëte, pour qui le peuple avoit la plus grande vénération, ni qu’ils aient élevé des théâtres dans les foires, & les places publiques, pour

disputer à qui réciteroit mieux ces vers, beaucoup plus parfaits & plus intéressans pour les Grecs, que tout ce qui avoit paru jusqu’alors.

On prétend, dit madame Dacier, dans la vie d’Homere, que ces rhapsodes étoient ainsi appellés pour les raisons qu’on a vues ci-dessus, & encore parce qu’après avoir chanté, par exemple, la partie appellée la colere d’Achille, dont on a fait le premier livre de l’Iliade, ils chantoient celle qu’on appelloit le combat de Paris & de Ménélas, dont on a fait le troisieme livre, ou tel autre qu’on leur demandoit, ραψωδοι, ραπτοντες τας ᾠδάς. Cette derniere opinion est la plus vraissemblable, ou plutôt la seule vraie. C’est ainsi que Sophocle, dans son Œdipe, appelle le sphinx, ραψωδον, parce qu’il rendoit différens oracles, selon qu’on l’interrogeoit. Au reste, il y avoit deux sortes de rhapsodes ; les uns récitoient sans chanter, & les autres récitoient en chantant. Vie d’Homere, pag. 24 & 25. dans une note.

RHAPSODIE, s. f. (Belles-Lettres.) nom qu’on donnoit dans l’antiquité aux ouvrages en vers qui étoient chantés ou récités par les rhapsodes. Voyez Rhapsodes.

Quelques auteurs pensent que rhapsodie signifioit proprement un recueil de vers, principalement de ceux d’Homere, qui ayant été long tems dispersés en différens morceaux, furent enfin mis en ordre, & réunis en un seul corps par Pisistrate, ou par son fils Hipparque, & divisés en livres, qu’on appella rhapsodies, terme dérivé des mots grecs ραπτω, coudre, & ᾠδή, chant, poëme, &c.

Le mot rhapsodie est devenu odieux, comme le remarque M. Despréaux dans sa troisieme réflexion critique sur Longin, & l’on ne s’en sert plus que pour signifier une collection de passages, de pensées, d’autorités rassemblées de divers auteurs, & unies en un seul corps. Ainsi le traité de Politique de Juste-Lipse est une rhapsodie, dans laquelle il n’y a rien qui appartienne à l’auteur, que les particules & les conjonctions. C’est pour avoir pris ce mot dans ce dernier sens, & à dessein de faire passer les poëmes d’Homere pour une collection ainsi faite des ouvrages de différens auteurs, que M. Perrault a fait une bevue en disant, dans ses paralleles : « Le nom de rhapsodies, qui signifie un amas de plusieurs chansons cousues ensemble, n’a pu être raisonnablement donné à l’Iliade & à l’Odyssée, que sur ce fondement que c’étoit une collection de plusieurs petits poëmes de divers auteurs, sur différens événemens de la guerre de Troie. Jamais poëte, ajoute-t-il, ne s’est avisé, malgré l’exemple & l’autorité d’Homere, de donner le nom de rhapsodie à un seul de ses ouvrages ».

A cela M. Despréaux répond, après avoir rapporté les diverses étymologies dont nous avons parlé au mot Rhapsodes, « que la plus commune opinion est que ce mot vient de ραπτειν ωδας, & que rhapsodie veut dire un amas de vers d’Homere qu’on chantoit, y ayant des gens qui gagnoient leur vie à les chanter, & non pas à les composer, comme M. Perrault se le veut bisarrement persuader. Il n’est donc pas surprenant qu’aucun autre poëte qu’Homere n’ait intitulé ses vers rhapsodies, parce qu’il n’y a jamais eu proprement que les vers d’Homere qu’on ait chantés de la sorte. Il paroît néanmoins que ceux qui dans la suite ont fait de ces parodies, qu’on appelloit centons d’Homere, ont aussi nommé ces centons rhapsodies ; & c’est peut-être ce qui a rendu le mot de rhapsodie odieux en françois, où il veut dire un amas de méchantes pieces recousues ».

RHAPSODOMANTIE, s. f. divination qui se faisoit en tirant au sort dans un poëte, & prenant l’endroit sur lequel on tomboit pour une prédiction de