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seront pas fachés de trouver ici la traduction que Dryden a fait de ce beau morceau ; elle est en vers, & c’est de cette maniere que les vers doivent être traduits.

Full in the midst of this created space,
Betwixt heav’n, earth and seas, there stands a place
Confining on all three, with triple bound ;
Whence all things, tho’remote, are view’d around
And thither bring their undulating sound
The palace of loud fame, her seat of pow’r,
Plac’d on the summit of a lofty tow’r :
A thousand winding entuies, long and wide,
Receive of fresh reports a flowing tide,
A thousand crannies in the walls are made,
Nor gates, nor bars, exclude the busy trade.
’Tis built of brass, the better to diffuse
The spreading sounds, and multiply the news :
Where echoes, in repeated echoes, play :
A mart for ever full, and open nigth and day.
Nor silence is within, nor voice express ;
But a deaf noise of sounds that never cease,
Confus’d and chiding, like the hollow-roar
Of tides receding from the insulted shoar :
Or like the broken thunder heard from far,
When Jove to distance drives the rolling war.
The courts are fill’d with a tumultuous din
Of crouds, or issuing forth, or entring in :
A thorow-fare of news, where some devise
Things never heard, some mingle truth with lyes :
The troubled air with empty sounds they beat,
Intent to hear, and eager to repeat.
Error sits brooding there, with added train
Of vain credulity, and joys as vain :
Suspicion with sedition join’d, are near ;
And rumours rais’d, and murmurs mix’d, and panick fear ;
Fame sits aloft, and sees the subject ground,
And seas about, and skies above, enquiring all around.

Nos plus grands poëtes, Despreaux, Voltaire, Rousseau, ont à leur tour imité Virgile, dans sa description de la Renommée, les uns avec plus, les autres avec moins de succès. Voici l’imitation de Despreaux.

Cependant cet oiseau qui prône les merveilles,
Ce monstre composé de bouches & d’oreilles,
Qui sans cesse volant de climats en climats,
Dit par-tout ce qu’il sçait, & ce qu’il ne sçait pas,
La Renommée enfin, cette prompte couriere,
Va d’un mortel effroi glacer la perruquiere.

Lutrin, chant 2.

L’imitation de M. de Voltaire est bien supérieure.

Du vrai comme du faux la prompte messagere,
Qui s’accroit dans sa course, & d’une aîle legére
Plus prompte que le tems, vôle au-delà des mers,
Passe d’un pôle à l’autre & remplit l’univers,
Ce monstre composé d’yeux, de bouches, d’oreilles,
Qui celebre des rois la honte ou les merveilles,
Qui rassemble sous lui la curiosité,
L’espoir, l’effroi, le doute & la crédulité ;
De sa brillante voix, trompette de la gloire,
Du héros de la France annonçoit la victoire.

Henriad. chant. 8.

Je finis par l’imitation de Rousseau.

Quelle est cette déesse énorme,
Ou plutôt ce monstre difforme,
Tout couvert d’oreilles & d’yeux,
Dont la voix ressemble au tonnerre,
Et qui des piés touchant la terre,
Cache sa tête dans les cieux ?
C’est l’inconstante Renommée,
Qui sans cesse les yeux ouverts,

Fait sa revue accoutumée
Dans tous les coins de l’univers.
Toujours vaine, toujours errante,
Et messagere indifférente
Des vérités & de l’erreur
Sa voix en merveilles féconde,
Va chez tous les peuples du monde,
Semer le bruit & la terreur.

Ode au Prince Eugene.

C’en est assez sur la Renommée comme déesse, nous ajouterons seulement que les Athéniens avoient élevé un temple en son honneur, & lui rendoient un culte réglé. Plutarque dit que Furius Camillus fit aussi bâtir un temple à la renommée. (Le chevalier de Jaucourt.)

Renommée commune, (Jurisprud.) est l’opinion que le public a d’une chose, le bruit public. Voyez Preuve par commune renommée. (A)

RENONCE, s. f. (Jeu.) c’est le manque de cartes d’une certaine couleur. Pour que le jeu soit beau, ce n’est pas assez qu’il y ait des renonces, il faut encore avoir beaucoup de triomphes pour faire les mains de la couleur dont on a renonce ; car on ne peut s’approprier les mains de cette couleur qu’en coupant par le moyen d’un triomphe.

RENONCEMENT, s. f. (Gramm.) action de renoncer. Voyez l’article suivant.

RENONCER, RENIER, ABJURER, (Synon.) On renonce à des maximes & à des usages qu’on ne veut plus suivre, ou à des prétentions dont on se désiste. On renie le maître qu’on sert, ou la religion qu’on avoit embrassée. On abjure l’opinion qu’on avoit embrassée, & l’erreur dans laquelle on étoit tombé.

Philippe V. a renoncé à la couronne de France. S. Pierre a renié Jesus-Christ. Marguerite de Valois fut persécutée dans son enfance par son frere le duc d’Anjou, depuis Henri III. pour abjurer le catholicisme, qu’il nommoit une bigoterie.

Abjurer se dit en bonne part ; ce doit être l’amour de la vérité, & l’aversion du faux, ou du-moins de ce que nous regardons comme tel, qui nous engage à faire abjuration. Renier s’emploie toujours en mauvaise part ; un libertinage outré, ou un intérêt criminel fait les renégats. Renoncer est d’usage de l’une & l’autre façon, tantôt en bien, tantôt en mal ; le choix du bon nous fait quelquefois renoncer à nos mauvaises habitudes, pour en prendre de meilleures ; mais il arrive encore plus souvent que le caprice & le goût dépravé nous font renoncer à ce qui est bon, pour nous livrer à ce qui est mauvais.

L’hérétique abjure quand il rentre dans le sein de l’Eglise. Le chrétien renie quand il se fait mahométan. Le schismatique renonce à la communion des fideles pour s’attacher à une société particuliere.

Ce n’est que par formalité que les princes renoncent à leurs prétentions ; ils sont toujours prêts à les faire valoir, quand la force & l’occasion leur en fournissent les moyens. Tel résiste aux persécutions, qui n’est pas à l’épreuve des caresses ; ce qu’il défendoit avec fermeté dans l’oppression, il le renie ensuite avec lâcheté dans la faveur. Quoique l’intérêt soit très-souvent le véritable motif des abjurations, je ne me défie pourtant pas toujours de leur sincérité, parce que je sai que l’intérêt agit sur l’esprit comme sur le cœur. Girard, synonymes. (D. J.)

RENONCIATION, (Jurisprud.) se dit de tout acte par lequel on renonce à quelque droit.

Il y a renonciation au bénéfice d’ordre, de division & de discussion. Voyez Bénéfice d’ordre, Division & Discussion.

Renonciation à la communauté, voyez Communauté.