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encore une troisieme qui contribue d’abord au même effet ; c’est l’agitation du corps chaud dans une liqueur froide : par cette agitation on fait que le corps s’applique continuellement contre un nouveau fluide froid ; ce qui produit un refroidissement très-prompt. Cette troisieme cause nous donne la raison physique de la méthode qu’on emploie pour durcir le fer : pour y parvenir quand le fer est bien rouge & sur le point de se fondre, on le plonge & on l’agite subitement dans de l’eau très-froide, de façon que cette agitation le refroidit & le durcit entierement dans un instant ; par-là les élémens du fer qui étoient fort relâchés & amollis par l’action du feu, se trouvent intimement réunis, condensés & comprimés les uns contre les autres par le froid subit qui leur est appliqué de tous côtés. Il en résulte qu’après ce refroidissement, toutes les parties du fer sont étroitement serrées entre elles, & deviennent très-dures, mais en même tems très fragiles. (D. J.)

Refroidissement, (Physiq. Chimie.) on entend par refroidissement, la diminution de la chaleur d’un corps, mais plus particulierement celle de la chaleur que l’atmosphere lui communique. Les habitans des pays chauds, toujours environnés d’une atmosphere brûlante, ont été les premiers à chercher les moyens de refroidir les corps, sur-tout les boissons dont ils font usage. Ces moyens que tous les voyageurs se sont plû à nous décrire, & qu’ils font remonter à la plus grande antiquité, se réduisent à exposer à l’air leur eau & leurs autres boissons dans des vaisseaux de terre poreux, qu’ils enveloppent quelquefois d’une pochette de toile, ou de quelque étoffe qu’on a soin d’imbiber d’eau de tems en tems. Cet usage est si étendu, qu’il y a des villes dont le principal commerce consiste dans ces sortes de vaisseaux, telle est la ville de Com en Perse, selon le témoignage de Chardin. Voyez le tome III. de ses voyages, édition de Paris 1723, in-12 pag. 45. celle de Cane en Egypte, au rapport de Paul Lucas, tome II. de ses voyages de l’édition de Rouen 1724, in-12. pag. 383, &c. Lorsqu’ils sont en voyage, ils portent leur eau dans des outres de cuir qu’ils pendent sous le ventre de leur cheval, où ils prétendent qu’elle se tient fraiche. Les grands seigneurs la font porter par un domestique dans un vaisseau d’étain enveloppé d’une pochette que le domestique a soin de mouiller de tems en tems. Ceux de ces voyageurs qui ont examiné la chose avec le plus d’attention, nous apprennent que ce refroidissement ne s’opere qu’en vertu d’une évaporation qui se fait au-travers des pores des vaisseaux de terre, ou de celle de l’eau de la pochette dont ils enveloppent le vaisseau qui contient leur eau.

Mais ce moyen n’est pas le seul ; ils se servent aussi de salpêtre, qu’ils font dissoudre dans l’eau dans laquelle ils plongent les vaisseaux qui contiennent les liqueurs qu’ils veulent faire rafraîchir. C’est de-là sans doute, que cet usage a passé en Europe, où l’on ne tarda pas à s’appercevoir que ce sel, ainsi que le sel marin, augmentoient le froid de la neige, ou de la glace pilée, au point de congeler les liqueurs qu’on plongeoit dans ce mélange.

Ce fait n’échappa pas aux Physiciens. Le célebre Boyle est cependant le premier que nous connoissions qui ait cherché à l’étendre, en appliquant les autres sels au refroidissement des liqueurs. On trouve dans son histoire du froid, publiée à Londres en 1665, le germe de toutes les expériences qu’on a faites depuis sur cette matiere ; ce qui nous engage à donner un précis de ses découvertes.

Après s’être assuré que dans les climats tempérés comme l’Angleterre, la neige ni la glace pilée ne suffisoient pas seules pour produire de la glace, & qu’on en obtient plus surement en mélant ensemble de la

neige & du sel marin, il trouva que ce sel marin n’avoit pas seul cette propriété, il réussit à produire de la glace en substituant au sel marin du nitre, de l’alun, du vitriol, du sel ammoniac, & même du sucre. Il est vrai que de tous ces sels, le plus efficace est le sel marin.

Après ces expériences, Boyle essaya si les acides tirés des sels neutres par la distillation, n’auroient pas la même propriété ; il versa sur la neige de bon esprit de sel : Nous trouvâmes comme nous l’avions craint, dit-il, que quoique cet acide dissolvoit assez rapidement la neige sur laquelle il agit, sa fluidité empêcha que la neige ne pût le retenir assez longtems ; il se précipita au fond, & resta trop peu mélé avec elle, pour pouvoir glacer de l’eau qui étoit contenue dans une petite bouteille à essence. Le peu de succès de cette tentative lui fit imaginer un autre expédient ; il mit donc dans une bouteille de verre assez épaisse, de la neige sur laquelle il versa une certaine quantité d’esprit de sel affoibli, & il agita fortement la bouteille. Il n’eut pas de glace ; mais il remarqua que l’eau de l’atmosphere s’attachoit à la bouteille. Il crut que si cette tentative n’avoit pas mieux réussi que la premiere, ce n’étoit que parce qu’il avoit employé une bouteille trop épaisse. Il répéta donc son expérience avec une bouteille plus mince ; l’ayant long-tems secouée, il remarqua que l’humidité qui s’y attachoit s’y geloit, quoique foiblement. C’est en faisant ces expériences, qu’il commença à s’appercevoir que les sels fondoient toujours la glace ou la neige à laquelle on les méloit ; car il dit : je dois faire remarquer ici une fois pour toutes, que la glace ou la neige mélée avec les sels, quels qu’ils soient, se fond toujours.

L’huile de vitriol qu’il essaya ensuite, lui donna un froid plus considérable ; mais l’acide qui produisit le plus grand froid, fut l’esprit de nitre. Il soumit encore à ses expériences, l’esprit du vinaigre, & l’esprit acide du sucre ; ils produisirent l’un & l’autre une glace fort mince, & qui se fondit bien-tôt. L’esprit d’urine mélé à la neige, fit geler l’humidité qui adhéroit à la bouteille ; mais la glace avoit peu de consistance. L’esprit de sel ammoniac fait avec la chaux, agit beaucoup plus rapidement, & la glace qu’il produisit étoit beaucoup plus solide. Ayant versé en même tems sur de la neige de l’esprit d’urine & de l’huile de vitriol, ils produisoient de la glace, mais très lentement.

Il fit encore des expériences avec le sel gemme, du sublimé corrosif & du sel ammoniac sublimés ensemble ; du sucre raffiné & non raffiné, & elles lui réussirent également bien. Une forte dissolution de potasse versée sur de la neige, produisit un peu de glace ; une dissolution de sel de tartre fit le même effet, mais la glace étoit très-mince. Il versa sur de la neige qu’il avoit mise dans une bouteille une dissolution de plomb dans l’acide du vinaigre, l’humidité de l’air qui s’étoit attaché à la bouteille se gela. L’esprit de vin rectifié sur la chaux, versé sur de la neige produisit une glace beaucoup plus épaisse qu’aucun des mélanges précédens ; il glaca même l’urine. Dans une autre occasion, l’esprit de nitre mélé avec de la neige, produisit un si grand froid, que non-seulement la bouteille s’attacha au plancher sur lequel on l’avoit mise, mais encore du vinaigre distillé qu’on avoit versé dessus, s’y gela, & y forma une croûte de glace assez épaisse, sans perdre cependant son goût salin ; il glaça encore de l’esprit de sel foible à la vérité, plusieurs liqueurs salines qui formerent des crystallisations régulieres, & même de l’esprit volatil de sel ammoniac tiré avec la chaux ; il fit des crystaux entierement semblables à ceux du sel ammoniac ; mais ces crystaux se fondoient aussi rapidement qu’ils se formoient.

Voulant découvrir pourquoi ces mélanges pro-