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c’est la place de tous les mots dont la premiere lettre est D, & la premiere voyelle i), comme dispute, distrait, divinité, discours, dissimulation, discorde, &c. & ne trouvant point de nombres déjà marqués qui m’indiquent aucune page du livre où ces mots sont insérés, je tourne les feuillets jusqu’à la premiere page blanche, & comme je suppose qu’on ne s’est pas encore servi du recueil, ce sera la seconde, & là j’écris ce que j’avois intention de mettre sous le titre dispute, observant de mettre toujours les titres à la marge, ensorte qu’ils soient isolés du corps de l’article, & par-là qu’ils se présentent plus facilement à la vûe. Ceci étant fait, je marque un 2 dans l’index à la division D i, qui dès ce moment est en possession de la seconde & de la troisieme page, assignées pour-lors aux lettres de cette caractéristique.

Si j’avois trouvé le numéro de quelque page déjà marqué dans l’espace D i, j’aurois été obligé de recourir à cette page & d’y écrire [le passage que je voulois insérer], dans la place qui reste, de sorte que si après avoir écrit un passage sur la dispute ou sur quelque sujet semblable, je voulois en mettre un autre sur le distrait ou sur quelque sujet semblable, trouvant la page 2 déjà en possession de l’espace de cette caractéristique, je commencerois le passage qui regarde le distrait dans le reste de la page, qui ne pouvant contenir le tout m’oblige à continuer jusqu’à la page 3, qui par là est encore pour D i, & j’ajoute le nombre 3 dans l’index.

Un exemple rendra sensible la méthode d’écrire les chapitres ; le premier est tiré de Montagne, & le deuxieme de la Bruyere.

Dispute. Quels vices n’éveillent pas les disputes, dit Montagne, étant presque toujours commandées par la colere ? Nous entrons en inimitié, premierement contre les raisons, & puis contre les personnes : nous n’apprenons à disputer que pour contredire, & chacun contredisant & étant contredit, il arrive que le fruit de la dispute est d’anéantir la vérité. L’un va en orient, l’autre en occident ; on perd le principal & on s’écarte dans la presse des incidens, au bout d’une heure de tempête on ne sait ce qu’on cherche, l’un est bas, l’autre est haut, l’autre à côté ; l’un se prend à un mot & à une similitude, l’autre n’écoute & n’entend plus ce qu’on lui oppose, & il est si engagé dans sa course qu’il ne pense plus qu’à se suivre & non pas vous. Il y en a qui se trouvant foibles, craignent tout, refusent tout, confondent la dispute dès l’entrée ou bien au milieu de la contestation, se mutinent à se taire, affectant un orgueilleux mépris ou une sottement modeste fuite de contention, pourvû qu’il ne regarde pas combien il se découvre. L’autre compte ses mots & les pese pour raisons, celui-là n’y emploie que l’avantage de sa voix & de ses poumons ; on en voit qui concluent contre eux-mêmes, & d’autres qui lassent & étourdissent tout le monde de préfaces & de digressions inutiles ; il y en a enfin qui s’arment d’injures, & qui feront une querelle d’allemand, pour se défaire de la conférence d’un esprit qui presse le leur.

Distrait. Ménalque descend son escalier, ouvre sa porte pour sortir, il la referme, il s’apperçoit qu’il est en bonnet de nuit, & venant à se mieux examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, & que sa chemise est par-dessus ses chausses. S’il marche dans les places, il se sent tout-d’un-coup frappé rudement à l’estomac ou au visage, il ne soupçonne point ce que ce peut être, jusqu’à ce qu’ouvrant les yeux & se réveillant, il se trouve ou devant un limon de charrete ou derriere un long ais de menuiserie que porte un ouvrier sur ses épaules. On l’a vû une fois heurter du front contre celui d’un aveugle, s’embarrasser dans ses jambes, & tomber

avec lui chacun de son côté à la renverse. Il lui est arrivé plusieurs fois de se trouver tête pour tête à la rencontre d’un prince & sur son passage, se reconnoître à peine, & n’avoir que le loisir de se coller à un mur pour lui faire place : il cherche, il brouille, il crie, il s’échauffe, il appelle ses valets l’un après l’autre, on lui perd tout, on lui égare tout. Il demande ses gants qu’il a dans les mains, semblable à cette femme qui prenoit le tems de demander son masque lorsqu’elle l’avoir sur le visage. Il entre à l’appartement, & passe sous un lustre ou sa perruque s’accroche & demeure suspendue, tous les courtisans regardent & rient ; Ménalque regarde aussi & rit beaucoup plus haut que les autres ; il cherche des yeux dans toute l’assemblée où est celui qui montre ses oreilles & à qui il manque une perruque. S’il va par la ville, après avoir fait quelque chemin, il se croit égaré, il s’émeut, il demande où il est à des passans qui lui disent précisément le nom de sa rue. Il entre ensuite dans sa maison, d’où il descend précipitamment, croyant qu’il s’est trompé. Il descend du palais, & trouvant au bas du grand degré un carosse qu’il prend pour le sien, le cocher touche & croit remener son maître dans sa maison ; Ménalque se jette hors de la portiere, traverse la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet, tout lui est familier, rien ne lui est nouveau ; il se repose, il est chez soi ; le maître arrive, celui-ci se leve pour le recevoir, il le traite fort civilement, le prie de s’asseoir, & croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole ; le maître de la maison s’ennuie, il demeure étonné ; Ménalque ne l’est pas moins, il ne dit pas ce qu’il en pense. Il a affaire à un fâcheux, à un homme oisif, qui se retirera à la fin ; il espere & il prend patience ; la nuit arrive qu’il est à peine détrompé, &c.

Quand les deux pages destinées à une classe sont remplies, cherchez le premier revers blanc, si c’est celui qui suit, écrivez à la marge au bas de la page qui est déjà remplie la lettre V pour verte, tournez & la même en haut de la page suivante, & continuez dans cette nouvelle page comme ci-devant, si les pages qui suivent immédiatement la précédente sont remplies par d’autres classes, écrivez toujours de même au bas de cette derniere la lettre V, mais ajoutez-y le numéro de la premiere page qui se trouve vuide, & au haut de cette page le numéro de la derniere page remplie par la même classe, mettant alors le titre à cette nouvelle page ; procédez comme ci-dessus par ces deux nombres de renvoi, l’un au haut, l’autre au bas de la page, quoique les mêmes sujets se trouvent dans des pages éloignées les unes des autres, ils sont toujours liés ensemble ; il ne sera pas mal non plus qu’à chaque fois que vous mettez un nombre au bas d’une page vous le mettiez aussi dans l’index.

Nota que si le titre est un monosyllabe commençant par une voyelle, cette voyelle devient en même tems & la lettre initiale & la lettre caractéristique ; ainsi le mot art doit être écrit dans la division A a.

M. Locke exclut deux lettres de son index, qui sont K & Y, & il y supplée par les équivalens C & I ; & pour le Q comme il est toujours suivi d’un u, il le met dans la cinquieme division de Z, & ainsi il n’a point de Z u, qui est une caractéristique qui se trouve rarement. Q étant ainsi le dernier de l’index, la régularité de celui-ci est toujours conservée sans diminuer son étendue ; d’autres aiment mieux garder la division Z u, & donner une place au Q u au-dessous de l’index.

Si quelqu’un imagine que ces cent classes ne sont pas suffisantes pour comprendre des sujets de tous les genres sans confusion, il peut, en suivant la même