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y coule doucement la matiere de la seconde cuite, pour ne point rompre la croûte que la premiere a formée.

RAFUTER un chapeau, terme de Chapelier, c’est le racommoder entierement, lui donner les grandes façons. Quand on ne lui donne que le lustre, cela s’appelle rebouiser. (D. J.)

RAGAE, (Géog. anc.) ville de Médie, située dans les montagnes qui séparent ce pays de celui des Parthes. Il en est parlé dans Tobie, ch. v. vers. 8, ch. vj. vers. 5. Strabon, liv. II. p. 524, parle aussi de cette ville, mais il écrit Rageia. Il dit que Nicator en fut le fondateur, qu’il l’appella Europus, que les Parthes la nommoient Arsacia, & qu’elle étoit à 500 stades des portes Caspiennes, du côté du midi. (D. J.)

RAGBIL, (Géograph. mod.) nom d’une ville du royaume de Ganah, dans le pays des Negres, sur le bord d’un lac que les gens du pays appellent Bahe-Alhalou, mer douce, à cause que ses eaux ne sont pas salées comme celles des autres lacs de ce pays-là, qui sont presque tous salés ou saumaches. D’Herbelot, bibl. orient. (D. J.)

RAGE, s. f. (Maladie.) voyez l’article Hydrophobie. On en distingue de sept sortes pour les chiens.

1°. La rage mue : le chien qui en est attaqué, ne veut point manger, ouvrant toujours la gueule comme s’il avoit quelque embarras dans le gosier, qu’il tâche d’ôter avec sa patte ; il cherche les endroits frais, & se jette dans l’eau quand il en trouve.

Remede. Prenez de la racine de passe-rage, du jus de rhue, & du jus d’hellebore noir, de chacun le poids de quatre écus : mettez le tout dans un pot de terre verni, où vous le laisserez pendant quelque tems ; & après l’avoir passé dans un linge, mettez la liqueur dans un verre avec du vin blanc : ajoutez-y deux dragmes de scamonnée non préparée : faites avaler ce remede au chien en lui tenant la gueule enhaut ; saignez-le aussi-tôt à la gueule, laissez-le reposer, & votre chien guérira.

2°. Rage tombante. Le chien qui en est attaqué ne peut se soutenir, & tombe à chaque instant à terre.

Remede. Prenez des feuilles ou de la graine de beone, de jus de croisette, du jus de racine du parc, de chacun le poids de quatre écus ; & quatre dragmes de staphisaigre : mêlez le tout ensemble, & faites avaler cette mixtion au chien, après quoi il faut lui fendre les deux oreilles, ou bien le saigner aux erres.

3°. Rage endormie. Le chien attaqué de cette maladie se tient toujours couché, & veut toujours dormir.

Remede. Prenez le poids de six écus de jus d’absinthe, le poids de deux écus de poudre d’aloës, le poids de deux écus de corne de cerf brûlée, deux dragmes d’agaric, & le poids de six écus de vin blanc : mêlez le tout ensemble, & le faites avaler au chien.

4°. La rage efflanquée. Cette maladie n’attaque que les vieux chiens ; leurs flancs sont fort resserrés, & leur battent continuellement.

Cette rage est incurable, & il faut tuer le chien.

5°. Rage rhumatique. Le chien attaqué de cette maladie a la tête enflée & les yeux si gros, qu’ils lui sortent de la tête.

Remede. Prenez du fenouil, faites-en une décoction dont vous prendrez le poids de six écus ; faites une autre décoction de gui, dont vous prendrez le poids de quatre écus ; faites-en encore une de lierre, dont vous prendrez le poids de quatre écus ; & prenez aussi le poids de quatre écus du jus de polipode : mêlez le tout ensemble dans un poëlon : faites-le bouillir avec vin blanc ; & lorsque ce breuvage sera refroidi, faites-le prendre au chien, & laissez-le ensuite en repos.

6°. Rage chaude. Le chien attaqué de cette maladie porte la queue toute droite ; il se jette indifféremment sur toutes sortes d’animaux, sans prendre garde où il se jette ; sa gueule est toute noire, & n’a point d’écume : c’est la plus à craindre. Il n’y a point de remede, il faut tuer le chien enragé.

7°. Rage courante. Le chien qui en est attaqué porte la queue entre les jambes, & marche comme un renard ; il ne se jette que sur les chiens, sans toucher aux autres animaux, ni aux hommes. Il n’y a point de remede.

Remede pour empêcher que les chiens mordus ne deviennent enragés. Prenez du lait de vache nouvellement tiré ; faites-y tremper de la pimprenelle sauvage, & faites-en boire aux chiens tous les matins pendant neuf jours.

Rage, (Passion.) c’est l’excès de certaines passions violentes, telles que l’amour, la haine, la colere. On aime & l’on hait à la rage. Il y a des hommes qui dans la colere ressemblent à des enragés. Le mot rage s’applique encore à certains penchans outrés & malheureux. On dit d’un mauvais poëte qu’il a la rage de faire des vers, de les réciter. Il a la rage de parler de cette affaire, qu’il n’entend point.

RAGEMEHALE, (Géog. mod.) ville des Indes, dans les états du Mogol, au royaume de Bengale, sur la droite du Gange, qui en est à demi-lieue ; mais autrefois il arrosoit ses murs. Cette ville étoit alors très-commerçante, & la résidence du gouverneur de la province. Latit. 23. 18. (D. J.)

RAGGRAVE, (Jurisprud.) Voyez Réaggrave.

RAGHLES, (Géogr. mod.) petite ile d’Irlande, dans le lac qui porte le nom de Dirg. Ce lac est dans l’Irlande septentrionale, au comté de Dungall, vers les confins du comté de Fermanagh, & s’appelloit autrefois Liffer. Au milieu de ce lac est l’île de Raghles, fort célebre avant la réformation, parce qu’on la regardoit comme le faubourg du purgatoire. Les moines y avoient bâti une cellule auprés d’une profonde caverne, & faisoient accroire au peuple que quiconque auroit le courage d’entrer dans cette caverne, iroit de-là en purgatoire, où il verroit & entendroit des choses extraordinaires.

Pour accréditer cette fourberie, ils disoient que saint Patrice prêchant dans cette île à des Irlandois incrédules, obtint de Dieu par ses prieres que la terre s’ouvrît dans cet endroit jusqu’au purgatoire, afin que ses auditeurs fussent convaincus par leurs propres yeux de la vérité de sa prédication, au sujet des peines des méchans après cette vie. Mais il est certain que dans le tems de saint Patrice on ne connoissoit pas même cette petite île, & qu’on n’en a oui parler que plusieurs siecles après sa mort.

Vers la fin du regne de Jacques I. deux seigneurs, Richard Boyle, comte de Corck, & Adam Lostus, chancelier d’Irlande, avides de découvrir le vrai, envoyerent faire d’exactes perquisitions sur les lieux, par des personnes de probité. L’on trouva que cette caverne, que l’on donnoit pour être le chemin du purgatoire, n’étoit autre chose qu’une cellule assez étroite creusée dans le roc, où il n’entroit de jour que par la porte, qui étoit si basse, qu’un homme de grande taille pouvoit à peine s’y tenir debout.

Quand il venoit quelqu’un dans l’île assez curieux pour hasarder le voyage du purgatoire, un petit nombre de moines qui demeuroient proche de la caverne, le faisoient long-tems jeûner & veiller en même tems ; ils ne l’entretenoient que des étranges choses qu’il verroit. Toutes ces idées affreuses de diables, de flammes, de feu, de damnés, s’imprimoient fortement dans la cervelle affoiblie par les jeûnes & les insomnies ; & le pauvre voyageur croyoit avoir vu tout ce qu’on lui avoit dit.

Les seigneurs qu’on a nommés ayant découvert