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par son extrémité supérieure un croissant E : cette barre, qui sert à élever les fardeaux par son crochet C, ou son croissant E, est remplie de dents d’un bout à l’autre, dans lesquelles s’engrene un pignon F, fig. 53. mû par une manivelle G, fig. 52. que l’on retient par un crochet H, lorsque le poids est assez élevé, & lorsque l’on veut augmenter la force du cric, on attache à ce pignon F, fig. 54. une petite roue I, engrenée par un second pignon K, mû alors par la manivelle dont nous venons de parler. (Article de M. Lucote.)

Ponts des Romains, (Antiq. rom.) la grandeur des Romains, n’a pas moins paru dans la construction de ces sortes d’ouvrages, que dans les autres édifices.

On comptoit sept ponts principaux dans la ville de Rome. Les voici.

1°. Le pont appellé sublicien, c’étoit un pont de bois ; car le mot sublicæ signifie des poteaux de bois qu’on enfonce dans l’eau. Ce fut le premier qu’on fit sur le Tibre. Ancus Martius le fit de bois d’assemblage sans fer, ni chevilles. Il étoit au pié du mont Aventin, & servoit à joindre le Janicule à la ville. C’est celui qu’Horatius Coclès défendit contre l’armée des Toscans ; mais ayant été ruiné par la longueur des années, il fut rebâti de pierre par Emilius Lépidus, & appellé de son nom. L’empereur Tibere le rétablit de son tems, ayant été ruiné par les fréquentes inondations du Tibre. Ensuite ayant encore été ruiné, Antoine le refit tout de marbre, & il fut appellé pons marmoratus. On jettoit du haut de ce pont les méchans & les vagabonds & les simulacres d’Argéens.

2°. Le pont appellé triomphal, autrement du vatican ; il étoit au milieu du Tibre, sur lequel passoient tous les triomphateurs. Il est aujourd’hui ruiné.

3°. Le pont qu’on a appellé palatinus. Il étoit proche du mont Palatin, autrement senatorius. M. Fulvius en fit faire les piles, & L. Mummius en acheva les arches pendant sa censure.

4°. Le quatrieme pont fut séparé en deux quand l’île du Tibre fut faite. L’un s’appella pons fabricius de celui qui le fit faire lorsqu’il étoit grand-maître & intendant des chemins. Il joignit l’île à la ville, & il se nomme aujourd’hui di quatro capi, à cause des quatres figures de marbre qui ont chacune quatre têtes, à l’issue du pont dans l’île ; ou le pont des Juifs, parce qu’ils demeurent auprès. L’autre s’appelle pons cestius ou exquilinus, le pont exquilin.

5°. Le pont janiculensis & aurelius, fait de marbre par Antonin le pieux ; & ayant été ruiné, il fut rétabli par le pape Sixte IV. On l’appelle de son nom ponte sixio.

6°. Le pont elius, ainsi nommé de l’empereur Adrien qui le fit bâtir. Il subsiste encore aujourd’hui à Rome : on l’appelle le pont Saint-Ange. Il étoit garni au-dessus d’une couverture de bronze, supportée par quarante-deux colonnes qui portoient des statues. Ces ornemens furent détruits dans la seconde guerre des Goths, qui briserent les statues, afin de se servir de leurs débris pour leur défense. Ces colonnes ainsi isolées, qui échaperent à ce combat, ne formerent plus un ornement au pont. On les trouva trop belles pour décorer un bâtiment délabré. On en détacha plusieurs qui ont été employées à l’embellissement de l’église de S. Paul à Rome. Voyez le diarium italicum du P. Montfaucon.

7°. Le pont mulvius, aujourd’hui de mole ou milvio, qui fut édifié par Elius Scaurus. Ce fut sur ce pont que Cicéron fit arrêter les ambassadeurs des Allobroges, avec leurs lettres, par lesquelles la conjuration de Catilina fut découverte. Ce fut proche de ce pont que Constantin défit l’empereur Maxence. Il étoit sur le chemin de l’Etrurie. Il y a deux milles de Ponte-Mole à Rome, & tout ce chemin pourroit être

regardé comme le fauxbourg de cette ville, parce qu’on y voit de tems à autre des maisons de plaisance, qu’on appelle vignes, & entr’autres celle du pape Jules III.

On trouve à trois milles de Rome le pont salaro, sous lequel passe le Teveron ou l’Anien.

Les historiens ont beaucoup parlé de celui qui fut bâti près de la ville de Narni sous l’empire d’Auguste des dépouilles conquises sur les Sycambres. Procope dit qu’en nul endroit du monde, il n’a vu de si belles arcades. Ce pont joignoit les deux montagnes entre lesquelles Narni est située, & la riviere passoit dessous.

Le pont qu’Auguste fit bâtir à Rimini étoit digne de remarque. Toutes les arches étoient voutées en demi-cercle, & jettoient une saillie au-dehors de même courbure. Les piles avançoient leurs éperons à angles droits & non à angles aigus, ce que les anciens observoient dans tous leurs ponts de pierre, les angles droits leur paroissant plus forts que les aigus, moins exposés à être endommagés, & suffisans pour couper l’eau. Pour couronnement il y avoit de chaque côté des accoudoirs de marbre. Il fut achevé l’an 779 de la fondation de Rome, sous le consulat de C. Calvisius & de Cn. Lentulus.

On concevra jusqu’où les Romains porterent leur ambition dans le genre de ces édifices, quand on lira qu’un simple citoyen romain, Marc Varron, lieutenant de Pompée dans la guerre des pirates, entreprit de joindre l’Italie à la Macedoine par un pont de bois. Il est vrai que c’est dans l’endroit le plus étroit de la mer Ionniene. Mais cet endroit a néanmoins 25 lieues françoises communes de longueur. Il est encore vrai que cette entreprise demeura sans effet ; mais Pline qui en fait l’histoire, dit qu’elle ne fut point abandonnée faute de moyens, mais de loisir.

On sait que Caligula eut l’extravagance de faire un pont de bateaux en pleine mer sur le golfe de Pouzzoles à Bayes, sur la longueur de 3600, selon Suétone, c’est-à-dire, environ deux de nos lieues. Il accoupla des navires deux-à-deux, & en composa son pont à doubles rangs, arrêtant chaque navire avec son ancre, & fit couvrir le dessus d’une levée de terre qu’il fit paver de grands carreaux semblables à ceux de la voie appienne qui étoient de quatre à cinq piés de face. Il s’amusa deux jours entiers sur ce pont à représenter un triomphe, & se vanta d’avoir surpassé Xercès. Pour cette grande, ridicule & vaine entreprise, il prodigua toutes ses finances, & pour les récouvrer, il fit périr les citoyens romains les plus riches, afin d’avoir la confiscation de leurs biens.

Il n’est pas douteux que les Romains n’aient bâti de très-beaux ponts dans toutes les provinces de leur empire. Ils sont ruinés aujourd’hui, parce que le tems consume tout. On connoît en France le pont du Gard, qui est leur ouvrage, & dont il sera fait un article à-part.

On parle en Espagne du pont réparé par Trajan dans la ville de Salamanque, sur la riviere de Tormes. Il est de mille cinq cens piés de longueur divisés en 26 arcades, qui ont chacune 72 piés d’ouverture en œuvre : les piles ont 23 piés d’épaisseur, & plus de 200 piés de hauteur.

Il y a un autre pont des Romains, dont l’histoire parle. C’est celui d’Alcantara, cette ville de Portugal que Pline & Ptolomée appellent norbam cesaream, assis sur le Tage. Quoique ce pont soit digne de Trajan, c’est cependant l’ouvrage d’un simple citoyen romain gouverneur de ce pays-là. On le nommoit C. Julius Lacer. Ce pont par sa forme & son architecture sembloit fait pour l’éternité, & les restes qui subsistent encore, semblent le prouver. Il avoit 670 piés de long distribués en 6 arcades, chacune de 84 piés de voute, sur les piles presque quarrées de 27 à 28 piés de chaque face, & 200 piés de hauteur à mesurer à