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mort que lorsque le corps est d’un tempérament très cacochyme, affoibli par l’âge ; lorsque la maladie a été irritée par des passions violentes, ou que le médecin & le malade l’ont fait dégénérer par quelque grande faute en une maladie chronique & funeste.

Il est vrai qu’elle résiste souvent aux remedes les mieux employés, sur-tout dans la saison de l’automne ; ensorte qu’alors on la voit persister tout l’hiver. Elle est sur-tout très-opiniâtre lorsque le mal a jetté de profondes racines dans les visceres, que la masse des humeurs est viciée, & que tout le système nerveux est affoibli.

La fievre quarte printaniere se guérit aisément, parce que la température & la légéreté de l’air hâte l’effet des remedes. Il en est de même quand elle attaque un corps jeune & vigoureux, qui se conduit bien, & dont le corps n’est point chargé d’humeurs impures.

La fievre quarte, même irréguliere, & qui devient double de simple qu’elle étoit auparavant, n’a point le danger qu’on imagine dans un jeune homme bien constitué, parce que son corps est assez fort pour chasser la matiere qui cause la maladie ; & cette récidive d’accès y concourt au moyen d’un petit nombre de remedes convenables.

Il y a plus, la fievre quarte est souvent un préservatif & un remede de plusieurs maladies chroniques ; car l’augmentation du mouvement des solides & des fluides pendant l’accès, atténue les humeurs épaisses, les fait circuler, & contribue beaucoup à détruire les anciennes obstructions des vaisseaux & des glandes. C’est pourquoi tous les grands médecins anciens & modernes ont regardé la fievre quarte comme le remede de plusieurs autres maladies, particulierement des affections hypocondriaques, de l’asthme convulsif, des mouvemens épileptiques, & de la néphrétique, pourvû que le médecin la traite avec prudence, la tempere, & n’en suspende pas le cours par ses remedes.

Lorsque la fievre quarte est grave, & qu’on la traite mal, elle dégénere en de fâcheuses maladies, telle que l’hydropisie, le scorbut, les tumeurs édémateuses, la fievre lente, l’ictere, la toux férine, &c.

Ceux qui meurent de la fievre quarte périssent ordinairement dans le frisson & le délire. Chez les enfans les contractions spasmodiques qu’elles leur causent, dégénerent en des mouvemens convulsifs.

Sa méthode curative. Les indications pour la cure de la fievre quarte, se réduisent :

1°. A corriger & à évacuer par les émonctoires convenables les crudités visqueuses, acides & bilieuses, qui ont passé des premieres voies dans le sang, avec le chyle & la lymphe, & qui causent des mouvemens fébriles dans le système nerveux.

2°. A procurer un cours libre au sang dans les visceres du bas-ventre, sur-tout dans ceux où aboutit la veine-porte, à en détruire l’amas, l’engorgement & l’obstruction, ou pour le moins à empêcher qu’elles n’augmentent.

3°. A calmer la contraction spasmodique du système nerveux, qui cause tous les symptômes fâcheux qui surviennent durant la maladie.

4°. A rétablir la force des visceres de l’estomac & des parties nerveuses, pour empêcher le retour des accès & une nouvelle rechûte.

Les remedes qui satisfont à la premiere indication sont ceux qui ont la vertu d’émousser les acides, de dissoudre la ténacité des humeurs, de tempérer leur acreté, & de nettoyer les premieres voies. Si les acides prédominent, on usera de remedes alkalis, de sels neutres, de la terre folliée de tartre, &c. On corrigera l’acrimonie bilieuse par les remedes opposés. On évacuera les crudités visqueuses par les sels des fontaines médicinales, tels que ceux d’Egra, d’Epsom, de Sedlitz, &c.

On satisfait à la seconde indication, par les extraits amers des gommes balsamiques résineuses, tempérées ; par des préparations minérales, qui ont une qualité active & pénétrante.

Les remedes propres à calmer les contractions spasmodiques du système nerveux, sont les linimens nevritiques joints aux frictions, les lavemens antispasmodiques & adoucissans ; les bains d’eau douce, les épithemes & les linimens préparés avec des drogues spiritueuses & aromatiques, qu’on applique dans le frisson sur la région de l’épigastre.

On satisfait à la derniere indication par les amers, qui ont une qualité balsamique & astringente ; telles sont les essences tirées des plantes ameres aiguillonnées de quelque liqueur calybée, le quinquina, ou l’électuaire antifébrile d’Hoffman.

Observations chimiques. Comme la fievre quarte est quelquefois une maladie très-opiniâtre, sur-tout dans l’automne, les hypocondriaques, les vieillards & les cacochymes, on ne doit point se hâter de la traiter par des remedes violens, mais user des remedes tempérés, propres à calmer les spasmes du système nerveux, à soutenir les forces ; il faut faire plus de fond sur le régime que sur la pharmacie.

Il est bon dans cette fievre, ainsi que dans les autres maladies chroniques, d’user pour boisson d’une décoction de racines de salsepareille & de chicorée, de feuilles de chardon béni & de raisins secs. Les eaux minérales tempérées, comme celles de Selts, conviennent aussi. On fera bien d’exciter la transpiration avant & après l’accès, non par des sudorifiques, mais par des remedes, qui en augmentant le ton des solides, accélerent la circulation. L’exercice du cheval, la promenade, la danse, &c. mises en usage quelques heures avant l’accès, sont propres à cet effet.

Quand la fievre est sur son déclin, que la chaleur s’appaise, & que le corps devient moite, on doit prendre garde d’interrompre la transpiration en s’exposant au froid, ou en préférant des liqueurs froides à des boissons délayantes chaudes.

La saignée ne convient que dans la pléthore, la suppression des mois, des hémorrhoïdes, & autres cas semblables. Les vomitifs ne veulent être employés que dans les nausées & les vomissemens occasionnés par un amas d’humeurs visqueuses dans les premieres voies.

Le quinquina est d’une utilité admirable ; mais seulement après qu’on a purgé les premieres voies, diminué la pléthore, & levé les obstructions des visceres. Il est bon de le donner avec des drogues apéritives & diaphorétiques, comme aussi de le méler quelquefois avec du safran de Mars très-subtile.

On adoucira les maux de tête qui subsistent souvent dans la fievre quarte, en usant des remedes qui lâchent le ventre, & des bains tiedes des piés, qui détournent le sang de la tête vers les extrémités inférieures.

On prévient les rechûtes de cette fievre en suivant un bon régime, en entretenant la transpiration libre, en fortifiant son estomac, en en usant pendant quelque tems de stomachiques convenables.

Réflexions particulieres sur la fievre quarte continue. Cette fievre est fâcheuse parce que la chaleur continue jusqu’au tems de l’accès suivant ; ce qui fait que la maladie approche beaucoup d’une fievre hectique. Elle est accompagnée d’une soif continuelle, de sécheresse dans le palais, de manque d’appétit, de douleurs de tête, & de somnolence sans soulagement pour le malade. On vient cependant à-bout de la guérir par une méthode curative, patiente & éclairée. Cette méthode demande des boissons de liqueurs délayantes & acidules, de doux purgatifs, des apéritifs, des résolutifs ; & le soir une dose modérée de