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une morale pure, & dans une conduite vertueuse. Pour celle du peuple, elle consiste dans une crédulité aveugle, & dans les pratiques extérieures, autorisées par l’éducation & affermie par l’habitude. Quant à celle des gens d’église, on ne la connoîtra bien que quand on en aura séparé les intérêts temporels. L’abbé Girard. (D. J.)

QUANTIEME, s. m. (Gramm.) il se dit du mois, de la lune ; c’en est le jour. Ainsi demander le quantieme du mois, c’est demander à quel jour on en est ; ainsi de la lune.

QUANTITÉ, s. f. (Philosophie.) se dit de tout ce qui est susceptible de mesure, ou qui comparé avec chose de même espece peut être dit ou plus grand ou plus petit, ou égal ou inégal. Voyez Mesure & Grandeur.

Les Mathématiques sont la science de la quantité. Voyez Mathematiques & Grandeurs.

La quantité est un attribut général qui s’applique à différentes choses dans des sens tout-à-fait différens ; ce qui fait qu’il est très-difficile d’en donner une définition exacte.

La quantité s’applique également & aux choses & aux modes ; & cela au singulier, quand elle ne s’applique qu’à un, ou au pluriel, quand elle s’applique à plusieurs. Dans le premier cas elle s’appelle grandeur, dans l’autre multitude. Voyez Grandeur, &c.

Plusieurs philosophes définissent en général la quantité la différence interne des choses semblables, ou ce en quoi les semblables peuvent différer, sans que leur ressemblance en souffre.

Les anciens faisoient de la quantité un genre, sous lequel ils renfermoient deux especes, le nombre & la grandeur. Ils nommoient le nombre quantité discrete, parce que ses parties sont actuellement discretes ou séparées, & qu’en prenant une de ces parties pour une unité, elle est actuellement déterminée. La grandeur au contraire portoit le nom de quantité continue, parce que ses parties ne sont pas actuellement séparées, & qu’on peut diviser en différentes manieres le tout qu’elle compose. Les mathématiciens modernes, en adoptant ces notions, ont remarqué de plus que le nombre & les grandeurs avoient une propriété commune, savoir de souffrir augmentation ou diminution ; ainsi ils ont défini en général la quantité, ce qui peut être augmenté ou diminué.

La quantité existe dans tout être fini, & s’exprime par un nombre indéterminé, mais elle ne peut être connue & comprise que par voie de comparaison, & en la rapportant à une autre quantité homogene.

Nous nous représentons, par une notion abstraite, la quantité comme une substance, & les accroissemens ou diminutions comme des modifications, mais il n’y a rien de réel dans cette notion. La quantité n’est point un sujet susceptible de diverses déterminations, les unes constantes, les autres variables, ce qui caractérise les substances. Il faut à la quantité un sujet dans lequel elle réside, & hors duquel elle n’est qu’une pure abstraction.

Toute quantité qui ne sauroit être assignée, passe pour zéro dans la pratique commune ; & dans celle des Mathématiciens, les nombres servent à faire comprendre distinctement les quantités. Elles peuvent aussi être représentées par des lignes droites, & leurs relations mutuelles se représentent par les relations de ces lignes droites.

Nous venons de dire que toute quantité inassignable passe pour zéro dans l’usage commun. Ainsi la division des poids, des mesures, des monnoies, va jusqu’à certaines bornes, au-delà desquelles on néglige ce qui reste, comme s’il n’étoit point ; c’est ainsi que le gros va jusqu’aux grains, le pié jusqu’aux lignes ou aux points, &c.

Pour les Mathématiciens, sans parler des pratiques

du toisé, de l’arpentage, de l’architecture, &c. qui sont analogues aux mesures communes, il suffit de faire attention aux opérations des Astronomes. Non-seulement ils divisent les instrumens dont ils se servent pour leurs observations jusqu’à un terme fixe, ne tenant point compte de ce qui est au-dessous, mais encore leur calcul est rempli de pareilles suppositions ; dans l’astronomie sphérique, par exemple, ils comptent le demi-diametre de la terre, comparé à la différence des étoiles fixes, pour zéro, & supposent l’œil de l’observateur placé au centre de la terre quoiqu’il soit à la superficie. Le même demi-diametre de la terre ne se compte pas non-plus en Gnomonique, eu égard à la distance du soleil, & il ne résulte de cette omission aucune erreur sensible dans la construction des cadrans solaires. M. Formey.

La quantité peut être réduite à quatre classes, savoir ;

La quantité morale qui dépend d’usages & de déterminations arbitraires, comme le poids & la valeur des choses, les degrés de dignité & de pouvoir, les récompenses & les châtimens, &c.

La quantité intellectuelle, qui a sa source & sa détermination dans l’entendement seul ; comme le plus ou le moins d’etendue dans l’esprit ou dans ses conceptions ; en logique les universaux, les prédicamens, &c.

La quantité physique ou naturelle est de deux sortes ; 1°. celle de la matiere même & de son étendue, voyez Corps, Matiere, Etendue ; 2°. celle des facultés & des propriétés des corps naturels, comme la pesanteur, le mouvement, la lumiere, la chaleur, le froid, la rareté, la densité, &c. Voyez Mouvement, Pesanteur, &c.

On distingue aussi communément la quantité en continue & discrete.

La quantité continue est de deux sortes, la successive & impropre qui est le tems. Voyez Tems.

Et la permanente ou propre qui est l’espace. Voyez Espace.

Quelques philosophes veulent que l’idée de la quantité continue & la distinction qu’on en fait d’avec la quantité directe ne sont fondées sur rien. M. Machin regarde cette quantité mathématique, ou ce qui est la même chose, toute quantité qui s’exprime par un symbole, comme n’étant autre chose que le nombre par rapport à quelque mesure considérée comme unité ; car ce n’est que par le nombre que nous pouvons concevoir la mesure d’une chose. La notion d’une quantité, sans égard à aucune mesure, n’est qu’une idée confuse & indéterminée ; & quoiqu’il y ait quelques-unes de ces quantités, qui considérées physiquement, peuvent être décrites par le mouvement, comme les lignes par le mouvement des points, & les surfaces par les mouvemens des lignes ; cependant, dit M. Machin, les grandeurs ou quantités mathématiques ne se déterminent point par le mouvement, mais par le nombre relatif à quelque mesure. Voyez philos. Trans. n°. 447. pag. 228.

La quantité permanente se distingue encore en longueur, largeur, & profondeur. Voyez Ligne, Surface & Solide.

M. Wolf nous donne une autre notion des quantités mathématiques & de la division qu’on en fait en discrete & continue. Tout ce qui se rapporte, dit-il, à l’unité, comme une ligne droite ou une autre ligne, est ce que nous appellons quantité ou nombre en général. Voyez Nombre.

Ce qui se rapporte à une unité donnée, comme 2 ou 3, &c. s’appelle nombre déterminé ; ce qui se rapporte à l’unité en général s’appelle quantité, laquelle n’est en ce cas autre chose qu’un nombre.

Ainsi, par exemple, la largeur d’une riviere est une quantité : mais veut-on savoir combien elle est large pour se former une idée distincte de cette quan-