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vince de Buckingham, où il finit ses jours en 1718, à l’âge de 74 ans.

Ce fondateur & législateur des Quakers en Amérique, & leur principal soutien en Europe, a la gloire d’avoir formé un peuple, où la probité paroît aussi naturelle que la bravoure chez les Spartiates. M. Penn est un véritable Lycurgue ; & quoique le premier ait eu la paix pour objet, comme l’autre a eu la guerre, ils se ressemblent dans la voie singuliere où ils ont mis leurs peuples, dans l’ascendant qu’ils ont eu sur des hommes libres, dans les préjugés qu’ils ont vaincus, dans les passions qu’ils ont soumises.

Le Quakérisme se soutient toujours en Pensylvanie, quoiqu’il soit vrai qu’il dépérit beaucoup à Londres. M. de Voltaire, qui m’a fourni la plus grande partie de cet article, remarque judicieusement, que par tout pays, la religion dominante, quand elle ne persécute point, engloutit à la longue toutes les autres. Les Quakers ne peuvent pas jouir des honneurs de distinction ; avoir part aux graces militaires, être membres du parlement, ni posséder aucun office, parce qu’ils condamnent la guerre, parce qu’il faudroit prêter serment, & qu’ils pensent qu’on ne doit point jurer ; ils sont donc réduits au seul commerce ; leurs enfans enrichis par l’industrie de leurs peres, veulent jouir, avoir des honneurs, des places, des emplois ; ils sont honteux d’être appellés quakers, & se font protestans pour être à la mode, & satisfaire leur ambition. (Le Chevalier de Jaucourt.)

QUAI, (Hist. nat. Bot.) c’est un cyprès du Japon, rempli d’un suc gras, visqueux, aromatique, de l’odeur du genévrier : son fruit est de la grosseur d’un pois, avec un tubercule. Notre cyprès commun, qui croît aussi au Japon y jette par ses feuilles une odeur balsamique ; & son fruit contient cinq semences, semblables au grain du froment.

Quai, vulgairement Jens & Quai-Kaku, (Hist. nat. Bot.) c’est un arbre du Japon, dont le tronc est extrèmement gros ; ses feuilles sont garnies de quatre lobes, & ses gousses articulées. Kæmpfer juge que c’est le tamarin ; mais il est étranger, rare, & presque stérile au Japon.

Quai ou Quay, s. m. (Archit. hydraul.) c’est un gros mur en talud, fondé sur pilotis, & élevé au bord d’une riviere, pour retenir les terres des berges trop hautes, & empêcher les débordemens. Voyez l’Architecture hydraulique de M. Bélidor. (D. J.)

QUAIAGE, s. m. (Jurisprud.) est un droit qui se perçoit sur les marchandises que l’on décharge sur les quais ; ce droit en Normandie est appellé caisse & havre. (A)

QUAICHE, s. m. (Marine.) petit bâtiment qui a un pont, & qui est mâté en heu ; voyez Maté en heu ; il est depuis trente jusqu’à quatre-vingt tonneaux ; on s’en sert pour le commerce le long des côtes de la Manche.

QUAIRES, s. f. (Marine.) terme de galere, ce sont des voiles qui servent à aller lentement.

QUALIFICATEUR, s. m. terme de Droit canon, est un théologien, préposé pour qualifier ou déclarer la qualité des propositions qui ont été déférées à quelque tribunal ecclésiastique, & singulierement à celui de l’inquisition.

Les qualificateurs ne sont point juges, ils ne font que dire leur sentiment sur les propositions qu’on leur a donné à examiner ; ce sont les inquisiteurs qui jugent. Voyez Inquisition.

Qualificateurs du saint office, (Hist. mod.) nom qu’on donne dans les pays où l’inquisition est établie à quelques membres ecclésiastiques de ce tribunal.

Les qualificateurs sont des Théologiens, qui prononcent sur les discours ou les écrits de ceux qui

ont été déferés à l’inquisition, & décident si ces discours ou ces écrits sont hérétiques, ou approchent de l’hérésie, si les propositions qu’ils contiennent sont fausses, erronées, schismatiques, blasphématoires, impies, séditieuses, offensives des oreilles pieuses, &c. Les qualificateurs jugent aussi si la défense de l’accusé est valable & solide, ou si elle n’a pas ces qualités. Lorsque les inquisiteurs hésitent s’ils doivent faire emprisonner une personne ; ils consultent les qualificateurs qui donnent leurs réponses par écrit, afin qu’elles puissent être jointes aux autres pieces de la procédure & leur servir de base. Au reste, ces avis des qualificateurs ne sont que de simples consultations, que les inquisiteurs ne sont point obligés de suivre. Limbork, histor. inquisit.

QUALITÉ, TALENT, (Synon.) les qualités forment le caractere de la personne ; les talens en font l’ornement. Les premieres rendent bon ou mauvais, & influent fortement sur l’habitude des mœurs. Les seconds rendent utile ou amusant, & ont grande part au cas qu’on fait des gens.

On peut se servir du mot de qualité en bien & en mal ; mais on ne prend qu’en bonne part celui de talent.

L’homme est un mêlange de bonnes & de mauvaises qualités, quelquefois bisarre, jusqu’à rassembler en lui les extrèmes ; il y a des gens à talent sujets à se faire valoir, & dont il faut souffrir pour en jouir : il vaut encore mieux essuyer le caprice du renchéri, que la fatigue de l’ennuyeux.

Les qualités du cœur sont les plus essentielles ; celles de l’esprit sont les plus brillantes. Les talens qui servent aux besoins sont les plus nécessaires, ceux qui servent aux plaisirs sont les mieux récompensés.

On se fait aimer ou haïr par ses qualités ; on se fait rechercher par ses talens.

Des qualités excellentes jointes à de rares talens, font le parfait mérite. Girard. (D. J.)

Qualité, (Métaphysiq.) ce mot exprime toute détermination intrinséque de l’être, qui peut être comprise par elle-même, & sans recourir à la voie de comparaison ; c’est ce qui distingue les qualités de la quantité. La quantité existe dans le sujet, mais elle ne sauroit être exprimée par la seule description ; pour rendre sa notion communicable, il faut chercher quelque quantité homogène déterminée, que vous prenez pour une unité & sur laquelle vous mesurez la premiere ; c’est un grand homme, dites-vous. Jusques-là la grandeur n’est qu’une qualité ; mais en voulez-vous déterminer la quantité, vous ne le ferez qu’en disant, il a tant de piés & de pouces. Au lieu que si vous parlez d’une étoffe rouge, d’une pierre chaude, &c. la simple dénomination de ces qualités en excite l’idée.

Toute détermination intrinséque de l’être, est qualité ou quantité, & par conséquent tout ce qui n’est pas quantité est qualité ; prenez une boule de bois. Qu’y a-t-il à observer dans ce sujet ? Des quantités ; savoir, la grandeur de la boule, & de son diametre, la multitude déterminable de ses parties, & la quantité de son poids. Des qualités ; savoir, sa figure, l’espece de sa matiere, sa pesanteur, sa couleur, &c. voilà tout ce que ce sujet, & quelqu’autre que ce soit peuvent fournir.

Les déterminations essentielles, les attributs, les possibilités & les modes mêmes, en tant qu’on en sépare l’idée de quantité, sont les qualités de l’être ; il y en a de primitives, qui n’en reconnoissent point d’autres où elles aient leur raison ; il y en a de dérivatives, dont la raison suffisante, tant d’actualité, que de possibilité se trouve dans d’autres antérieures.

Les qualités dérivatives sont, ou nécessaires, ou contingentes. Les premieres ont la raison suffisante de leur actualité dans les primitives : les autres n’y