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ou non compliqués avec une tension considérable du système général des solides ou de quelque organe en particulier ; les douleurs de tête invétérées ; les obstructions, bouffissures & autres restes des fievres intermittentes, & principalement des fievres quartes, les coliques minérales ou de poitou, & les coliques pituiteuses, & peut-être enfin dans toutes les especes d’éthisies (tabum) commençantes ; car si l’usage de l’eau de la mer réussit dans ces maladies aussi bien que le prétend le D. Russell, qui leur donne le nom commun de tabes glandularis ; si, dis-je, l’eau de la mer réussit contre ces maladies, c’est vraissemblablement à titre de purgatif. Voyez tous les articles particuliers où il est traité de ces diverses maladies.

4°. Quant à l’emploi des purgatifs dans les maladies aiguës, la méthode curative a varié à cet égard presque d’un extrème à l’autre, c’est-à-dire, depuis l’administration la plus circonspecte de ce remede jusqu’à l’emploi le plus immodéré. Hippocrate & ses plus célebres sectateurs, qui dans tous les siecles ont été les vrais maîtres de l’art, ont fidelement observé la loi consignée dans le célebre aphorisme : concocta purganda, & movenda non cruda, neque in principiis nisi turgeant : plurima autem non turgent. Aph. Hipp. 22 sect. I. Voyez Coction & Crudité, Médecine. Une secte assez moderne de médecins au contraire a professé la méthode de purger dans toutes les maladies aiguës au moins de deux jours l’un, alternis diebus ; mais il est sûr, incontestable, personne ne doute, hors du petit coin du monde médical, où on purge saltem alternis, que ce ne soit précisément à cette méthode curative des maladies aiguës que convient entierement la qualification d’ars sine arte. C’est dans cette secte seulement qu’il est possible de trouver de bons médecins, sans lettres, sans talens, sans esprit, & dans le pays où elle est resserrée, qu’on peut voir regner la croyance publique, que les connoissances, le génie, & même une dose très-commune d’esprit est non-seulement inutile, mais même nuisible au médecin : opinion en effet très-conséquente ; car certes il ne faut ni beaucoup de connoissances, ni beaucoup de talent pour purger alternis dans tous les cas, & même il est dangereux qu’avec des connoissances, du talent, & une ame honnête, on ne soit bientôt déserteur de la méthode exclusive des purgations.

Les anciens diviserent les purgatifs d’après leur système des quatre humeurs secondaires ou excrémenticielles, & d’après leur théorie des actions des purgatifs qu’ils déduisoient d’une espece d’analogie fort vaguement déterminée entre leurs diverses especes & quelques-unes de ces humeurs ; les anciens, dis-je, d’après ces notions purement théoriques, étayées de quelques observations plus mal entendues encore, diviserent les purgatifs & phlegmagogues ou evacuans de la pituite, en cholagogues ou évacuans de la bile, en ménalagogues ou évacuans de la mélancholie, & en hydragogues ou évacuans de la sérosité. Les modernes ont rejetté cette division qui n’a rien, ou du-moins qui n’a que très-peu de réel, voyez Cholagogue, pour n’admettre que celle qui distingue les purgatifs par les degrés d’activité, distinction très-légitime & à laquelle peut se rapporter ce que la division des anciens a de réel ; car en appellant bile avec eux une humeur mousseuse, un peu liée ou gluante, & jaunâtre, il est sûr que tous les purgatifs doux & tempérés évacuent communément une pareille humeur, & que tous les purgatifs violens évacuent une sérosité abondante : aussi les modernes ont-ils conservé à ceux-là le titre d’hydragogue, en rejettant tous les autres noms spéciaux de la division ancienne. Quant à la mélancolie, il arrive quelquefois en effet que les purgatifs évacuent une certaine humeur noirâtre, & qui a les autres qualités sensibles, par lesquelles les anciens l’ont dé-

signée. Voyez Humeur Médecine. Mais outre que

ce produit des évacuations intestinales est fort rare, il n’est dépendant d’aucune espece de purgatif en particulier ; & quant à la pituite, on ne sait plus la distinguer de la sérosité ; à-moins cependant qu’on ne veuille entendre par-là cette humeur muqueuse ou glaireuse dont l’estomac & les intestins sont naturellement enduits, & que les purgatifs les plus doux peuvent évacuer.

Les purgatifs doux sont connus encore dans l’art sous le nom de purgatifs benins, & sous celui de benis, benedicta, qui est pourtant beaucoup moins usité ; & les plus doux d’entre eux sous celui d’éccoprotiques, c’est-à-dire évacuans seulement les excrémens contenus dans les intestins, sans causer à cet organe la plus légere irritation. Les purgatifs doux, un peu plus actifs, sont appellés moyens, tempérés & minoratifs ; ceux-ci sont censés capables d’agir sur les intestins, d’augmenter leur mouvement péristaltique, & de déterminer une excrétion plus abondante que dans l’état naturel, des sucs fournis par les couloirs intestinaux, par le foie & par le pancréas ; & enfin, les purgatifs les plus énergiques, les plus actifs, sont appellés forts, violens, drastiques, & mocliques, du mot grec qui signifie levier ; expression figurée, qui, comme on voit, désigne une grande force. Ceux-ci sont censés capables de déterminer une fonte d’humeurs, ou d’attirer une humeur séreuse des parties les plus éloignées. Quelques auteurs ont donné le nom de panchymagogue, c’est-à-dire évacuant de tous les sucs ou humeurs, à de bons purgatifs, actifs, efficaces, & principalement à de pareils purgatifs composés, & qu’ils ont cru capables d’évacuer abondamment toutes les humeurs excrémenticielles & abdominales.

l’effet le plus léger, celui des eccoprotiques, si on l’estime à la rigueur ou littéralement, paroît admis fort gratuitement ; car la vertu expultrice ou le mouvement péristaltique des intestins, doit être au moins réveillé, pour qu’une évacuation alvine quelconque soit déterminée ; & ce qu’on connoît certainement de l’économie animale, ne permet point de concevoir ce mouvement sans qu’il soit accompagné de quelque augmentation dans l’excrétion de l’humeur intestinale. Mais si on prend le mot d’eccoprotique dans un sens moins rigoureux, il est sûr que le moindre degré de purgation affecte à peine les intestins, & paroît se borner à délayer & à entraîner les matieres qu’ils contiennent. L’action des purgatifs tempérés & des purgatifs les plus forts, ne differe absolument que par le degré : c’est chez les uns & chez les autres une excrétion excitée plus ou moins efficacement.

Les médicamens purgatifs sont en très-grand nombre ; la meilleure maniere de les co-ordonner entre eux, c’est de les ranger par classes naturelles, c’est-à-dire, dont les divers sujets qui les composent ont entre eux une suffisante analogie réelle ou chimique.

Tous les alimens mal digérés par quelque cause que ce soit, peuvent devenir purgatifs ; & la terminaison spontanée des indigestions légeres qui se fait par une évacuation abdominale est une véritable purgation. Cependant celle-là dépend d’une cause matérielle assez diverse des médicamens proprement dits, pour qu’on ne doive pas la mettre au rang des secours vraiment médicinaux, quoique des médecins, & sur-tout les anciens, ayent mis au rang des ressources diététiques ces indigestions procurées à dessein. On ne doit pas mettre non plus au rang des purgatifs les matieres qui excitent la purgation chez certaines personnes très-délicates, par la seule horreur qu’elles leur causent, soit par l’odorat, soit par la simple vue, soit même au seul souvenir.

Les médicamens purgatifs proprement dits, ceux