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ceux de Nemée, dont il fait un article à part, où il n’est question ni de poésie, ni de musique. Mais nous apprenons par un passage de Pausanias, que l’une & l’autre y étoient admises. C’est au chap. l. du VIII. liv. où il dit que « Philopémen assistant aux jeux néméens, où des joueurs de cithare disputoient le prix de musique ; Pylade de Mégalopolis, un des plus habiles en cet art, & qui avoit déja remporté le prix aux jeux pythiques, se mit à chanter un cantique de Thimothée de Milet, intitulé les Perses, & qui commençoit par ce vers :

Héros qui rends aux Grecs l’aimable liberté.


» Aussitôt tout le monde jetta les yeux sur Philopémen, & tous s’écrierent, que rien ne convenoit mieux à ce grand homme ».

On proposoit des prix de poésie & de musique non seulement pour les grands jeux de la Grece, mais encore pour ceux qu’on célebroit dans plusieurs villes de ce même pays : dans celle d’Argos, à Sycione, à Thèbes, à Lacédémone, dans les jeux carniens, à Athenes, pendant la fête des pressoirs, λήναια, & celle des Panathenées ; à Epidaure dans les jeux établis pour la fête d’Esculape ; à Ithome dans la Messenie, pour la fête de Jupiter ; à Délos, dans les jeux célebres dès le tems d’Homere, & que les Athéniens y rétablirent, selon Thucydide, après avoir purifié cette île, dans la sixieme année de la guerre du Péloponnese ; à Samos, dans les jeux qu’on y donnoit en l’honneur de Junon, & du Lacédémonien Lysandre ; à Dion en Macédoine, dans ceux qu’y institua le roi Archelaüs, pour Jupiter & pour les muses, à Patras ; à Naples, &c. Mém. des inscrt. t. X. in-4.

On ne se rappelle point l’histoire & le caractere des Grecs, sans se peindre avec admiration ces jeux célébres où paroissoient en tous les genres les productions de l’esprit & des talens, qui concouroient ensemble par une noble émulation aux plaisirs du plus spirituel de tous les peuples. Non-seulement l’adresse & la force du corps cherchoient à y acquérir un honneur immortel ; mais les historiens, les sophistes, les orateurs & les poëtes lisoient leurs ouvrages dans ces augustes assemblées, & en recevoient le prix. A leur exemple on vit des peintres y exposer leurs tableaux, & des sculpteurs offrir aux regards du public des chefs-d’œuvres de l’art, faits pour orner les temples des dieux. (D. J.)

Prix des marchandises, (Commerce.) le prix, l’estimation des marchandises, dépend ordinairement de leur abondance & de la rareté de l’argent, quelquefois de la nouveauté & de la mode qui y mettent la presse, plus souvent de la nécessité & du besoin qu’on en a ; mais par rapport à elles-mêmes, leur prix véritable & intrinseque doit s’estimer sur ce qu’elles coutent au marchand, & sur ce qu’il est juste qu’il y gagne, eu égard aux différentes dépenses où il est engagé par le négoce qu’il en fait. (D. J.)

PROAO, s. m. (Mythologie.) divinité des anciens Germains qu’ils représentoient, tenant de la main droite une pique environnée d’une espece de banderolle, & de la gauche un écu d’armes. On dit que ce dieu présidoit aux marchés publics, afin que tout s’y vendît avec équité ; mais la Mythologie dont nous avons le moins de connoissance, est celle des anciens Germains.

PROAROSIES, s. f. pl. (Mythologie.) on appelloit ainsi les sacrifices qu’on faisoit à Cerès avant les semences. (D. J.)

PROBABILISTE, s. m. (Gram. Théol.) celui qui tient pour la doctrine abominable des opinions rendues probables par la décision d’un casuiste, & qui assure l’inocence de l’action faite en conséquence. Pascal a foudroyé ce système, qui ouvroit la porte au crime, en accordant à l’autorité les prérogatives

de la certitude, à l’opinion & la sécurité qui n’appartient qu’à la bonne conscience.

PROBABILITÉ, (Philosoph. Logiq. Math.) toute proposition considerée en elle-même est vraie ou fausse ; mais relativement à nous, elle peut être certaine ou incertaine ; nous pouvons appercevoir plus ou moins les relations qui peuvent être entre deux idées, ou la convenance de l’une avec l’autre, fondée sous certaines conditions qui les lient, & qui lorsqu’elles nous sont toutes connues, nous donnent la certitude de cette vérité, ou de cette proposition ; mais si nous n’en connoissons qu’une partie, nous n’avons alors qu’une simple probabilité, qui a d’autant plus de vraissemblance que nous sommes assurés d’un plus grand nombre de ces conditions. Ce sont elles qui forment les degrés de probabilité, dont une juste estime & une exacte mesure feroient le comble de la sagacité & de la prudence.

Les Géometres ont jugé que leur calcul pouvoit servir à évaluer ces degrés de probabilité, du moins jusqu’à un certain point, & ils ont eu recours à la Logique, ou à l’art de raisonner, pour en découvrir les principes, & en établir la théorie. Ils ont regardé la certitude comme un tout & les probabilités comme les parties de ce tout. En conséquence le juste degré de probabilité d’une proposition leur a été exactement connu, lorsqu’ils ont pu dire & prouver que cette probabilité valoit un demi, un quart, ou un tiers de la certitude. Souvent ils se sont contentés de le supposer ; leur calcul en lui-même n’en est pas moins juste ; & ces expressions, qui d’abord peuvent paroître un peu bisarres, n’en sont pas moins significatives. Des exemples pris des jeux, des paris, ou des assurances, les éclairciront. Supposons que l’on vienne me dire que j’ai eu à une loterie un lot de dix mille livres, je doute de la vérité de cette nouvelle. Quelqu’un qui est présent, me demande quelle somme je voudrois donner pour qu’il me l’assurât. Je lui offre la moitié, ce qui veut dire que je ne regarde la probabilité de cette nouvelle, que comme une demi-certitude ; mais si je n’avois offert que mille livres, c’eût été dire que j’avois neuf fois plus de raison de croire la vérité de la nouvelle que de ne pas la croire. Ou ce seroit porter la probabilité à neuf degrés, de maniere que la certitude en ayant dix, il n’en manqueroit qu’un pour ajouter une foi entiere à la nouvelle.

Dans l’usage ordinaire, on appelle probable ce qui a plus d’une demi-certitude vraissemblable, ce qui la surpasse considérablement ; & moralement certain, ce qui touche à la certitude entiere. Nous ne parlons ici que de la certitude morale, qui coincide avec la certitude mathématique, quoiqu’elle ne soit pas susceptible des mêmes preuves. L’évidence morale n’est donc proprement qu’une probabilité si grande, qu’il est d’un homme sage de penser & d’agir, dans les cas où l’on a cette certitude, comme l’on devroit penser & agir, si l’on en avoit une mathématique. Il est d’une évidence morale qu’il y a une ville de Rome : le contraire n’implique pas contradiction ; il n’est pas impossible que tous ceux qui me disent l’avoir vue, ne s’accordent pour me tromper, que les livres qui en parlent ne soient faits exprès pour cela, que les monumens que l’on en a ne soient supposés ; cependant, si je refusois de me rendre à une évidence appuyée sur les preuves que j’ai de l’évidence de Rome, simplement parce qu’elles ne sont pas susceptibles d’une démonstration mathématique, on pourroit me traiter, avec raison, d’insensé, puisque la probabilité qu’il y a une ville de Rome, l’emporte si fort sur le soupçon qu’il peut n’y en point avoir, qu’à peine pourroit-on exprimer en nombre cette différence, ou la valeur de cette probabilité. Cet exemple suffit pour faire connoître l’évidence morale & ses degrés qui