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leurs différentes opinions dans la vingtieme dissertation de du Cange sur Joinville ; & je crois qu’on doit plutôt s’en rapporter à cet historien, qu’à ce qu’en ont écrit tous les autres, puisque d’ailleurs il avoit assisté au payement de la somme qu’on fit au soudan d’Egypte pour retirer S. Louis de captivité. Il assure que la rançon du roi fut de huit cens milles bezans, qui valoient quatre cens mille livres. Par conséquent, chaque bezant devoit valoir dix sols : chacun de ces sols pesoit une dragme, sept grains  ; de sorte qu’il y en avoit cinquante-huit au marc. Sur ce fondement, il me semble qu’on peut assurer que la rançon du roi fut de cent trente-sept mille neuf cens trente-un marcs, deux gros, quatorze grains ; chaque gros tournois d’argent de ce tems-là, pesoit justement une dragme, 5, 6 ou 7 grains de notre poids de marc. De cette maniere, les cent trente-sept milles neuf cens trente-un marcs qu’on donna pour la rançon de S. Louis, sur le pié de 52 liv. le marc d’argent qui est sa valeur actuelle, font cinq millions, trois cens quatre-vingt-dix-sept mille quatre cens douze livres. (D. J.)

Prisonnier, s. m. (Serrurerie.) serrure à laquelle on a ménagé une petite tête comme aux broches à lambris. On fait entrer cette tête dans un trou de deux ou trois lignes de profondeur en une barre de fer, & l’on resserre avec un burin le fer tout-au-tour ; cette sorte de rivure sert à fixer les plate-bandes sur les rampes des escaliers, des balcons, &c.

PRISONNIERES, s. m. pl. (Soierie.) étoffes de soie très-minces qui imitent la gase.

PRISTAF, s. m. (Hist. mod.) nom que les Moscovites donnent à un officier de la cour du czar, chargé de la part du prince de recevoir sur la frontiere les ambassadeurs & ministres étrangers, de les défrayer & de leur procurer des voitures à eux & à leur suite. C’est ce que nous appellons un maréchal-des-logis de la cour. Voyez Maréchal-des-logis.

PRISTAN, (Géogr. mod.) ville nouvelle, élevée par le czar Pierre dans le Kamtschatha, & qui est habitée par une colonie russienne. (D. J.)

PRISTINA, ou PRESTINA, (Géogr. mod.) ville des états du turc en Europe, dans la partie orientale de la Servie, aux confins de la Bulgarie, sur la Rusca, à 22 lieues sud-ouest de Nissa, & 58 sud-est de Belgrade. Long. 39. 40. latit. 42. 43.

PRITANÉE, s. m. (Gramm. Hist. anc.) c’étoit à Athènes le lieu où l’on entretenoit ceux qui avoient rendu de grands services à l’état ; c’est là aussi que les magistrats s’assembloient, tenoient conseil & rendoient la justice.

PRIVAS, (Géogr. mod.) petite ville de France dans le Vivarais sur un côteau, à une lieue du Rhône. Elle a été la retraite des calvinistes de la province. Louis XIII. en fit le siége en personne, & la soumit le 27 Mai 1629. Long. 22. 15. latit. 44. 46. (D. J.)

PRIVATAIRE, s. m. (Gramm. Hist. eccl.) nom d’office ou de dignité de l’Église dans le moyen âge ; on croit que c’étoit le trésorier.

PRIVATIF, adj. quantité privative en terme d’Algebre, est la même chose que quantité négative ; on l’appelle ainsi pour s’opposer à la quantité positive ou affirmative. Voyez Quantité, Négatif, &c. Le mot négatif est aujourd’hui le seul usité.

Les quantités privatives se désignent par le signe de soustraction −, qui les précede. Chambers. (O)

PRIVATION, s. f. (Gramm.) absence, défaut, privation d’un bien qu’on souhaite, & qui est nécessaire.

Privation, en terme canonique, signifie interdiction ou suspension. Voyez Interdit & Suspense.

Les mystiques appellent privation de Dieu, les aridités, les sécheresses de l’ame, à qui Dieu ne se fait plus sentir.

Quelques théologiens de l’Église romaine enseignent communément que les enfans qui meurent sans baptême vont aux limbes, où ils sont privés de la vue de Dieu.

Privation, en terme de Physique, est un principe chimérique & négatif, qu’Aristote a voulu joindre à la forme & à la matiere pour constituer un corps naturel. Voyez Matiere & Forme.

Il ne signifie que l’absence de la forme future ; chaque chose suivant Aristote, est formée de ce qui n’étoit point cette chose auparavant ; par exemple, un poulet est produit de ce qui n’étoit point un poulet avant sa formation. C’est ce que les Philosophes appellent privation. Voyez Principe.

Aristote traite les anciens de rustiques & de grossiers, pour n’avoir pas reconnu la privation pour un des principes des causes naturelles ; mais c’est une injustice de leur reprocher d’avoir ignoré une chose qu’il est impossible d’ignorer ; & c’est une illusion que d’avoir produit au monde ce principe de la privation comme un secret fort rare, puisqu’il n’y a personne qui ne suppose comme une chose connue, qu’une chose n’est point avant que d’être faite. Voyez Aristotelicien, &c.

PRIVÉ, APPRIVOISÉ, (Synonymes.) les animaux privés le sont naturellement, & les apprivoisés le sont par l’art & par l’industrie de l’homme. Le chien, le bœuf & le cheval sont des animaux privés ; l’ours & le lion sont quelquefois apprivoisés. Les bêtes sauvages ne sont pas privées ; les farouches ne sont pas apprivoisées.

Le verbe apprivoiser s’emploie fort bien au figuré pour signifier manier les esprits, les adoucir. Solon sçut insensiblement apprivoiser avec les idées de justice, d’ordre & de loi, un peuple nourri dans la licence ; ce mot se dit aussi avec le pronom personnel pour s’accoutumer. L’habitude nous apprivoise à tout ; j’admire ceux qui savent s’apprivoiser avec tout le monde, rien n’est plus commun dans notre nation ; mais il s’y trouve aussi des gens si farouches, qu’on ne peut les apprivoiser. (D. J.)

Privé, Particulier, Secret, adj. (Gramm.) en ce sens il s’oppose à public ; & l’on dit après s’être livré aux affaires de l’état, il s’est retiré, & il jouit des douceurs d’une vie privée.

Il est synonyme à propre ; il a fait cet acte de son autorité propre ou privée.

Il se prend aussi dans le sens du substantif privation. Le dogme chrétien prive du salut éternel tous ceux qui n’ont pas eu la foi en Jesus-Christ, & même les enfans morts sans avoir reçu le baptême.

Privé Conseil, (Jurisprudence.) se disoit autrefois pour conseil privé, voyez au mot Conseil, l’article Conseils du Roi. (A)

Privé, (Arch.) voyez Aisance.

PRIVER, v. act. (Gramm.) ôter quelque chose à quelqu’un. Il se dit des choses & des personnes. Dieu nous prive de ses graces ; notre imprudence nous prive de plusieurs avantages. Je me suis privé quelquefois des choses essentielles à la vie pour le soutenir.

PRIVERNUM, (Géogr. anc.) ville d’Italie dans le Latium, au pays des Volsques, au voisinage des Palus Pomptines, à quelques lieues de la mer, sur le bord du fleuve Amazenus. Virgile parle de cette ville dans son Eneïde, l. IX. v. 576 ; & il nous apprend qu’elle étoit ancienne. l. XI. v. 539.

Pulsus ob invidiam regno, viresque superbas,
Priverno antiquâ Metabus cùm excederet urbe
.

Tite-Live, l. VIII. ch. xxj. appelle les habitans Privernates ; & Pline, l. XIV. ch. vj. nomme les vins qui croissent aux environs Privernatia vina. Privernum est mise par Frontin au nombre des colonies romaines. On en voit encore les ruines près d’un bourg