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Dans les conciles suivans, on ne parle pas davantage de pareilles infamies, ni dans les jugemens rendus contre les évêques priscillianites, ni dans les retractations de ceux qui furent réunis à l’Eglise. Cinq évêques renoncent au priscillianisme, & ils ne retractent que des erreurs. Dictinius, évêque d’Astorga, qui abjure le priscillianisme, est en Espagne en si grande odeur de sainteté, qu’on en célebre la fête tous les ans. Est-ce qu’on donneroit le titre de saint à celui qui auroit vécu la plus grande partie de sa vie dans la plus impure secte du monde ?

Ce qu’il y a de singulier par rapport à la doctrine, c’est qu’on vint à condamner dans les Priscillianites un sentiment que l’on a canonisé en la personne de S. Augustin. Voici trois faits certains : 1°. S. Augustin croit que l’homme est déterminé invinciblement ou au mal par sa corruption naturelle, ou au bien par le Saint-Esprit. 2°. Cette doctrine ôte à l’homme le franc-arbitre, en prenant ce mot pour la liberté d’indifférence. 3°. La doctrine de S. Augustin a été autorisée par l’approbation solemnelle de l’Eglise. Or, les Priscillianites furent condamnés pour avoir détruit le franc-arbitre, en soumettant la volonté de l’homme à une fatale nécessité qui l’entraîne sans qu’elle puisse s’y opposer. Ils différoient peut-être de S. Augustin dans l’explication des causes qui déterminent la volonté ; mais ils étoient d’accord avec lui sur ce point de fait ; savoir, que le principe qui pousse la volonté ne lui permet pas de s’arrêter, de reculer, ou de s’écarter à côté ; ainsi Léon X. en refutant la secte priscillianite, ne s’est pas apperçu qu’il refutoit S. Augustin.

Enfin le projet qu’eut S. Ambroise d’appaiser le schisme du prisoillianisme en accordant au clergé priscillianite ses dignités & ses bénéfices, ce projet, dis-je, démontre que les Priscillianites n’étoient infectés ni des hérésies, ni des impuretés qu’on leur attribuoit ; car loin de vouloir conserver l’honneur du ministere à leurs évêques & à leurs prêtres, la discipline vouloit qu’on les mît en pénitence, & qu’on les dégradât pour toujours.

Concluons que tout ce qu’on a dit des Priscillianites doit être mis au rang des mensonges qu’on a débités de tout tems contre les hérétiques, mensonges que les Peres ont cru légerement, & qu’ils ont plus légerement encore transmis à la postérité dans leurs écrits. Dict. hist. & crit. de Chaussepié. (Le Chevalier de Jaucourt.)

PRISCINIACUM, (Géogr. du moyen âge.) aujourd’hui Pressigny, lieu dans le Lyonnois, sur les limites du Mâconnois, ou plûtôt de la Bresse & de la souveraineté de Dombes, près de la riviere de Chalarine, & du ruisseau de Bief ou Bieu. C’est le lieu de l’assassinat du sieur Didier de Vienne. D’autres prétendent que Prisciniacum est présentement Briniais, sur la riviere de Garon, au-delà de Lyon ; mais l’histoire du saint y est contraire. 2°. Prisciniacum, aujourd’hui Presci, est un village & une solitude en France dans le Berry, sur le Cher, près du confluent de la Saudre. C’est le lieu de la retraite de saint Eusice. 3°. Prisciniacum est encore un lieu de France dans la Touraine. (D. J.)

PRISDENE, ou Prisrend, ou Prisrendi, (Géogr. mod.) ville des états du Turc en Europe, aux confins de la Servie, de la Macédoine, & de la haute Albanie, dans l’endroit où le Drin-blanc reçoit une petite riviere qui vient des montagnes voisines, du côté de l’orient. Les anciens la nommoient Ulpianum ou Ulpiana urbs ; & quand l’empereur Justinien l’eut rétablie, il lui donna son nom, & l’appella Justiniana secunda. Cette ville est à 48 lieues au sud-est de Raguse, & à 78 nord de Belgrade. Long. 38. 37. lat. 42. 8. (D. J.)

PRISE, s. f. (Jurisprud.) étoit ce que l’on prenoit

d’autorité chez les particuliers, pour l’usage & le service du roi, de la reine, des princes, & de leurs principaux officiers.

On entendoit aussi par le terme de prise, le droit d’user de cette liberté.

On faisoit des prises de vivres, de chevaux & de charretes, non-seulement pour le roi, la reine, & leurs enfans, mais encore pour les connétables, maréchaux, & autres officiers du roi, pour les maîtres des garnisons, les baillis, les receveurs, les commissaires.

Mais le peuple ayant accordé une aide au roi en 1347, ces prises furent interdites, excepté pour le roi, la reine, & leurs enfans, ou pour la nécessité de la guerre.

Le roi Jean défendit aussi, par une ordonnance du 5 Avril 1350, que nulle personne du lignage du roi, ses lieutenans, connétables, maréchaux, maîtres des arbalêtriers, maîtres du parlement, de ses échiquiers, de son hôtel, ou de ceux de la reine ou de leurs enfans, ses officiers, les princes, barons & chevaliers, ne pourroient faire de prise de chevaux de tirage & de main, de blé, grains, vins, bêtes, & autres vivres, que ce ne fût en payant comptant un prix raisonnable, & lorsque les choses seroient exposées en vente ; qu’autrement les preneurs pourroient être mis en prison par quelque personne que ce fût, & que toute personne en ce cas pourroit faire l’office de sergent.

Il fut pareillement défendu aux chevaucheurs du roi de prendre des chevaux pour le roi, que dans le cas d’une extrème nécessité, & lorsqu’ils n’en trouveroient point à louer ; il fut même reglé qu’ils ne pourroient les prendre sans un ordre exprès signé du roi, & sans appeller les juges des lieux ; & défenses leur furent faites de prendre jamais les chevaux des personnes qui seroient dans les chemins.

Le roi s’engagea de mettre un tel ordre dans son hôtel, qu’on ne se vît plus obligé d’avoir recours à ces prises ; que si on étoit forcé de les faire, ce ne pourroit être qu’en vertu de lettres du roi scellées de son scel, & signées d’un secrétaire.

Enfin le même prince défendit en 1351 aux procureurs-pourvoyeurs & chevaucheurs de l’hôtel du roi, de la reine & de leurs enfans, & à ceux qui prétendoient avoir droit de prise dans Paris, de faire prise de chevaux & de chevaucheurs des bourgeois de Paris.

Quelques personnes étoient exemptes du droit de prise, comme les officiers de la monnoie & les changeurs, les arbalêtriers de la ville de Paris, les juifs.

Les provisions destinées pour Paris, les chevaux & les équipages des marchands de poisson & de marée, étoient aussi exempts de prises.

Le droit de prise n’avoit pas lieu non plus dans la Bourgogne, ni dans quelques autres endroits, au moyen des exemptions qui leur avoient été accordées.

On défendit sur-tout de faire aucune prise dans la ville & vicomté de Paris, qu’en payant sur-le-champ ce que l’on prendroit, attendu que dans ce lieu l’on trouve toujours des provisions à acheter.

Le roi Jean ordonna en 1355, qu’on ne pourroit plus faire de prise de blé, de vin, de vivres, de charrettes, de chevaux, ni d’autres choses, pour le roi, ni pour quelque personne que ce fût ; mais que quand le roi, la reine, ou le duc de Normandie (c’étoit le dauphin), seroient en route dans le royaume, les maîtres d’hôtel pourroient hors des villes faire prendre par la justice des lieux, des bancs, tables, tretaux, des lits de plume, coussins, de la paille, s’il s’en trouvoit de battue, & du foin pour le service & la provision des hôtels du roi, de la reine, & du dauphin, pendant un jour ; que l’on pourroit