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sance philosophique ne nous rend pas précisément certains de la vérité des premiers principes, ils portent tous avec eux leur certitude, & rien n’est plus connu qu’eux. Peut-il y avoir un principe plus clair, plus plausible, plus immédiat, plus intime à l’esprit que le sentiment intime de notre existence dont nous sommes pénétrés ? Le premier principe se réduit donc seulement à nous rendre raison, pourquoi nous sommes certains de la vérité des premiers principes.

Principe, s. m. (Phys.) on appelle principe d’un corps naturel, ce qui contribue à l’essence d’un corps, ou ce qui le constitue primitivement. Voyez Corps.

Pour avoir une idée d’un principe naturel, il faut considérer un corps dans ses différens états ; un charbon, par exemple, étoit une petite piece de bois ; par conséquent le morceau de bois contient le principe du charbon, &c. Chambers.

Principes, (Chimie.) la maniere dont les Chimistes conçoivent & considerent la composition des sujets chimiques, est exposée dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, & principalement dans l’article Chimie, & dans l’article Mixtion. Les divers matériaux dont ces corps sont composés, sont leurs principes chimiques : c’est ainsi que le savon étant formé par l’union chimique de l’huile & de l’alkali fixe, l’huile & l’alkali fixe sont les principes du savon.

Mais comme l’huile & l’alkali fixe sont eux-mêmes des corps composés ; que l’huile grasse employée à la préparation du savon vulgaire, par exemple, est formée par l’union de l’huile primitive, (voyez Huile.) & d’une substance mucilagineuse ; que chacune de ces nouvelles substances est composée encore ; l’huile primitive, par exemple, d’acide, de phlogistique, & d’eau, & que cet acide l’est à son tour de terre & d’eau : on peut absolument diviser sous cet aspect les principes des mixtes en principes immédiats ou prochains, & en principes éloignés. Cette maniere d’envisager cet objet n’est pourtant point exacte : car les principes dont les matériaux immédiats d’un certain corps sont formés, n’appartiennent pas proprement à ce corps ; les matériaux de ce corps, soit après, soit avant leur séparation, sont des substances distinctes, dont la connoissance ultérieure peut bien importer à la connoissance très-intime du premier corps, mais n’entre point dans l’idée de sa composition. Au reste, si cette observation est utile pour fixer la meilleure maniere de concevoir la composition des corps chimiques ; elle est bien plus essentielle encore lorsqu’on l’applique à la pratique, qu’on l’emploie à éclairer la marche réguliere de l’analyse : car une analyse ne peut être exacte qu’autant qu’elle attaque successivement les divers ordres de composition, qu’elle sépare le savon premierement en huile, & en alkali fixe ; qu’elle prend ensuite l’huile d’un côté, & l’alkali de l’autre ; qu’elle procede sur chacun de ces principes séparément, jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à des corps inaltérables, ou qui sont suffisamment connus : car une analyse est complette dès qu’on est parvenu aux principes suffisamment connus, soit absolument, soit relativement au dessein actuel de l’analyste. Ainsi l’analyse du savon seroit achevée dès qu’il seroit résout en huile & en alkali fixe, pour quiconque connoîtroit d’ailleurs l’huile & l’alkali fixe ; on n’auroit pas besoin, relativement à sa recherche présente, d’en déterminer la nature chimique, la composition intérieure. Au contraire, le vice capital de l’analyse chimique, c’est de procéder tumultueusement, d’attaquer pêle-mêle, & tout-d’un-coup, les ordres de principes les plus éloignés ; de décomposer en même tems, dans l’exemple proposé, & l’acide de l’huile, & les principes du même ordre de l’alkali fixe, &c. Cette doctrine est exposée à propos de l’analyse des végétaux à l’article Végétal, (Chimie.) Voyez cet article.

Lorsqu’on a admis une fois cette meilleure maniere d’envisager les composés chimiques, & de procéder à leur décomposition, toutes les discussions qui ont divisé les Chimistes sur la doctrine des principes, & dans lesquelles les Physiciens ont aussi balbutié ; toutes ces discussions, dis-je, tombent d’elles-mêmes ; car elles sont toutes nées de la maniere vicieuse de concevoir & d’opérer, qui lui est opposée.

Premierement, c’est parce que la distillation analytique qu’on employa seule pendant long-tems à la décomposition des corps très-composés, savoir les végétaux & les animaux, fournit un petit nombre de principes toujours les mêmes, & dont on ne pouvoit ou ne savoit point reconnoître l’origine, qu’on agita ces problèmes si mal discutés des deux parts ; savoir, si ces produits étoient des principes hypostatiques, ou prééxistans dans le mixte, ou bien des créatures du feu ; savoir, s’ils étoient des principes principians ou principiés, c’est-à-dire des corps simples, les vrais élémens, ou des substances composées ; savoir, s’il y avoit trois principes seulement, ou bien cinq, ou bien un seul, savoir, si tous les mixtes contenoient tous les principes, &c. Encore un coup, toutes ces questions sont oiseuses, dès qu’elles sont fournies par une méthode qu’il faut abandonner. Il faut savoir pourtant sur toute cette fameuse doctrine des trois & des cinq principes, que Paracelse répandit principalement, le dogme, que tous les corps naturels sont formés de trois principes, sel, soufre, & mercure, dogme qu’il avoit pris de Basile Valentin, ou de Hollandus, & qui n’avoit été appliqué d’abord qu’aux substances métalliques ; comme le dogme des trois terres de Becher, qui ne sont proprement que ces trois principes sous d’autres noms (Voyez Terres de Becher.), que Paracelse, & les Paracelsistes varierent, retournerent, forcerent, détournerent singulierement l’application de ces différens noms aux divers produits de l’analyse des végétaux, & des animaux ; qu’enfin, Willis rendit cette doctrine plus simple, plus soutenable, en ajoutant aux trois principes, au ternaire paracelsique, deux nouveaux principes, le phlegme, ou eau, & la terre, qui s’appella quelquefois damnée, ou caput mortuum, (Voyez Caput mortuum) ; que la plus grande puérilité dans laquelle soient tombés les demi-chimistes, ou les physiciens, qui ont combattu cette doctrine véritablement misérable en soi, c’est d’avoir appliqué bonnement ce nom de mercure ou de soufre, au mercure commun, & au soufre commun ; car quoique la substance désignée par ces expressions, & sur-tout par ce mot mercure, (voyez Mercure principe.) soit très-indéfinie chez les Paracelsistes, il est clair au moins qu’il ne s’agit point du mercure commun, & beaucoup moins encore du soufre commun. Il est même très-connu, que le soufre retiré par l’analyse à la violence du feu, des végétaux & des animaux, est de l’huile. Ainsi Boyle auroit dû au-moins produire de l’huile, & non pas du soufre vulgaire, pour objecter légitimement aux Chimistes la producibilité de ce principe chimique. Enfin, il est reconnu généralement aujourd’hui que la plûpart de ces produits de l’analyse à la violence du feu, ne sont pas les principes hypostatiques, ou formellement préexistans des végétaux & des animaux d’où on les retire ; mais que les Chimistes très-versés dans la connoissance des principes réels, & préexistans dans ces corps, que l’analyse menstruelle découvre très-évidemment, & dans celle de l’action réciproque de tous ces principes ; ces Chimistes, dis-je, connoissent très-bien l’origine de tous ces divers produits ; ils savent quels d’entre eux proviennent du premier ordre de composition, où étoient principes véritablement immédiats, hypostatiques, constituans ; quels autres sont des débris de tel ou de tel principe immé-