Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’évêque de Rome ; constantinopolitanus episcopus habeat primatûs honorem post romanum episcopum. Celui d’Ephèse reconnoît en plusieurs endroits que l’Eglise romaine est le chef des autres églises. Celui de Chalcedoine, action ou session XVI. s’explique de la sorte ; ex his quæ gesta sunt & ab unoquoque deposita, perpendimus omnem quidem primatum & honorem proecipuum secundùm canones antiquæ Romæ Dei amantissimo archiepiscopo conservari. Celui de Constance, en condamnant diverses propositions de Wiclef & celle de Jean Hus que nous avons rapportée ci-dessus, déclara suffisamment quelle étoit sa doctrine sur la primauté du pape. Dans le concile de Florence, les Grecs qui se réunirent aux Latins reconnurent la même vérité : definimus, disent-ils, sanctam apostolicam sedem & romanum pontificem in universum orbem tenere primatum, &c.

2°. Les Peres ne sont pas moins formels sur cet article. Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent pas de rapporter tous leurs textes. Qu’il nous suffise de remarquer qu’ils reconnoissent expressement que l’évêque de Rome est le fondement de l’Eglise ; que sa chaire est la chaire principale à laquelle il faut que toutes les autres s’unissent à cause de la supériorité de la puissance qu’elle possede ; qu’il a la suprème puissance pour avoir soin des agneaux du Fils de Dieu ; qu’il a reçu la primauté afin que l’Eglise fût une ; qu’il est le premier & le chef des pasteurs ; que son Eglise a la principale autorité sur les églises qui sont dans tout le monde ; qu’il a droit d’adresser des lettres aux autres évêques, & de statuer sur les matieres de religion, d’appeller les évêques au concile, & par l’autorité de sa place de s’opposer avec plus de vigueur que les autres évêques aux erreurs & aux nouveautés. Iren. lib. III. c. iij. Athanas. apolog. II. Cypr. de Vint. & epist. XLII. & XLV. Theodoret. epist. CXVI. Optat. lib. II. contr. Parmen. S. August. epist. XLIII. & CXC. Vincent. Lyrin. in commonitor. I. c. v. &c.

3°. L’exercice constant de ce pouvoir le justifie encore plus clairement ; il ne faut qu’ouvrir l’histoire ecclésiastique pour en trouver des preuves éclatantes dans tous les siecles. Nous ne ferons qu’indiquer ici les principaux faits. Dès le premier siecle, saint Clément écrivit aux Corinthiens pour appaiser le schisme qui s’étoit élevé parmi eux, ainsi que le rapporte saint Irénée, liv. III. c. iij. Dans le second, le pape Victor écrivit fortement aux évêques d’Asie sur la question de la pâque, & les menaça même de l’excommunication, comme on voit dans Eusebe, liv. V. c. xxiv. Dans le troisieme, le pape Etienne se comporta de même dans la question des Rebaptisans. Dans le quatrieme, le pape Jules rétablit saint Athanase & les autres évêques qui avoient été déposés & chassés par les Ariens. Voyez Sozomene, hist. liv. III. c. viij. Dans le cinquieme, les papes Innocent I. & Zozime connurent des erreurs des Pélagiens & des décisions que divers conciles particuliers avoient faites contre ces hérétiques ; le dernier adressa à toutes les églises la célebre lettre par laquelle il condamnoit leurs erreurs. Voyez Marius Mercator, in commonitor. c. j. & iij. Dans le quatrieme, Eustathe, évêque de Sebaste, fut rétabli dans son siege par le pape Libere, comme nous l’apprend saint Basil. epist. LXXIV. adoccidental. Dans le cinquieme, Eutychès en appella au pape saint Léon de la sentence de Flavien, patriarche de Constantinople ; saint Chrysostome en appella également au pape Innocent de celle de Théophile d’Alexandrie. Dans le sixieme, saint Grégoire s’éleva avec force contre le titre d’évêque écuménique ou universel que prenoit Jean le Jeûneur. Dans le septieme, Sophrone & Etienne s’adressent aux papes pour implorer leur autorité contre les ravages que le Monothélisme faisoit alors en orient ; & l’on sait avec quelle vigueur ils le condamnerent sans excepter même les lois des princes qui le favori-

soient, & que les hérétiques avoient extorquées ou

surprises. Dans le huitieme, les papes eurent la principale part à la condamnation de l’hérésie des Iconoclastes, comme on voit par les actes du septieme concile général. Il est vrai que dans le neuvieme Photius commença à se soustraire à la jurisdiction du saint-siege ; mais outre que l’autorité en étoit reconnue par les autres patriarches d’orient, Photius fut excommunié par Nicolas I. condamné par Adrien II. & par Jean VIII. & reconnut en diverses occasions la supériorité du pape. Voyez les conciles du pere Labbe, tom. VIII. pag. 1395. On convient que depuis cette époque les Grecs s’écarterent notablement de la doctrine de leurs ancêtres sur la primauté du pape, jusqu’à ce qu’enfin le schisme fut entierement consommé par Michel Cerularius ; mais même en cette occasion le pape donna une marque de sa jurisdiction, car les légats de Léon IX. qui tenoit alors le siege de Rome excommunierent le patriarche de Constantinople dans la basilique même de sainte Sophie. Enfin, dans les différentes tentatives qu’on a faites depuis les conciles, soit de Lyon, soit de Florence, pour réunir les deux églises, les Orientaux n’ont jamais contesté la primauté du successeur de saint Pierre.

Nous avons cité tous ces exemples de l’église d’orient, car pour celle d’occident on n’a jamais douté qu’elle n’ait reconnu cette prérogative. Bingham prétend qu’elle n’étoit pas connue en Angleterre quand le moine saint Augustin y fut envoyé par saint Grégoire ; que dès le quatrieme siecle il y avoit des évêques dans la grande-Bretagne, comme il paroît par le concile d’Arles tenu en 314, auquel assisterent Eborius, évêque d’Yorck ; Restitutus, évêque de Londres ; & Adelphius, évêque de civitate coloniâ Londinensium, que quelques-uns croient être Lincoln & d’autres Colchester ; que ces évêques reconnoissoient pour métropolitain l’archevêque de Caërleon, Caërlegio, ville ancienne alors détruite, & dont le siege avoit été transféré à Saint-David ; que dans la conférence qu’ils eurent avec le moine saint Augustin, ils refuserent de reconnoître la primauté du pape, d’où il conclut que l’église d’Angleterre étoit indépendante de l’Eglise romaine. Quoi qu’aient pû penser ces évêques saxons du tems de saint Grégoire, il s’agit de savoir si leurs prédécesseurs avoient reconnu la primauté du pape. Or c’est ce qu’avoient fait les évêques qui assisterent au concile d’Arles ; car dans la lettre synodique que les peres de ce concile adresserent au pape Sylvestre, on lit : placuit etiam, antequam à te qui majores diœceses tenes, per te potissimùm omnibus insinuari. Ils reconnoissent donc dans le pape une surintendance générale sur les grands diocèses, c’est-à-dire, les grands gouvernemens de l’empire, tels que l’Italie, l’Espagne, les Gaules, l’Afrique, &c. car il est constant que les prélats d’Afrique & ceux des Gaules, d’Italie, &c. ont toujours reconnu la prééminence du pape. Que Bingham oppose tant qu’il voudra l’exemple de l’église d’Afrique, il ne persuadera jamais qu’elle se soit soustraite à l’obéissance dûe au saint-siege ; puisqu’il est constant par tout ce qui se passa dans l’affaire des Pélagiens, que les évêques d’Afrique envoyerent les actes de leurs conciles particuliers à Rome, & qu’ils ne regarderent la cause comme jugée & décidée en dernier ressort, que quand le siege de Rome eut prononcé ; & puisque Bingham prend pour arbitres les évêques d’Afrique, & sur-tout saint Augustin, sur le sens de ces mots, qui majores sedes tenes, il faut conclure de la conduite de ces derniers, que dans le cinquieme siecle on reconnoissoit en Afrique la primauté du pape, comme les évêques d’Afrique l’avoient reconnue au concile d’Arles, & par une derniere conséquence, qu’Eborius, Restitutus & Adelphius, ces évêques de la grande-Bretagne qui avoient assisté à ce dernier con-