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des planches de volige devant & derriere le coffre, & dessus les maîs, ce qui forme ce que nous appellons tablier, dont nous avons parlé ci-devant, de façon que les pressureurs marchent dessus ces planches, & que le vin s’écoule dessous elles sans qu’aucunes saletés puissent s’y mêler, & que celui qui sort des trous des flasques puisse incommoder ni rejaillir sur les ouvriers.

A l’égard des autres pressoirs, on est obligé de tailler à chaque serre le marc, avec une bêche bien tranchante ; la grappe de ce raisin étant donc coupée, elle communique au vin la liqueur acide & amere qu’elle renferme, ce qui le rend acre, surtout dans les années froides & humides.

Dans l’usage du pressoir à coffre, on ne taille pas le marc ; on ne tire par conséquent que le jus du raisin : on ne doit pas douter que la qualité du vin qu’on y fait, ne l’emporte de beaucoup sur toute autre, joint à ce que le vin ne rentre pas dans le marc, & qu’il est fait plus diligemment.

Manœuvre du pressoir à double coffre. Les opérations sont les mêmes que celles du seul coffre, à la différence qu’elles se sont alternativement sur les deux coffres ; c’est-à-dire qu’en serrant l’un on desserre l’autre, & que tandis que celui qui est serré s’écoule, ce qui demande un bon quart-d’heure, on travaille le marc de l’autre coffre, de la façon que je l’ai dit précédemment.

Ce double pressoir ne demande point une double force, c’est pourquoi il ne faut pas davantage de pressureurs que pour le seul coffre, & cependant il donne le double de vin. Ces opérations demandent une grande diligence. Moins le vin restera dans le marc, meilleur il sera.

Il ne faut pas plus de deux ou trois heures pour le double marc, au-lieu que dans l’usage des pressoirs à pierre ou à tessons, & de tous autres, il faut dix-huit à vingt heures pour leur donner une pression suffisante.

Pour donner cette pression aux pressoirs à pierre ou à tesson, il faut quelquefois dix à douze hommes ; pour les etiquets, s’ils ont une roue verticale, quatre hommes ; au-lieu que pour celui-ci deux seuls suffisent.

Sur les gros pressoirs, un marc auquel en le commençant on donne ordinairement deux piés, ou deux piés & demi d’épaisseur, se réduit à la fin de la pression à moitié ou un tiers au plus d’épaisseur, c’est-à-dire à quinze ou douze pouces au plus ; & sur les pressoirs à coffre, la force extraordinaire qu’on emploie dans sa pression, réduit le marc de sept piés de longueur, à quinze ou dix-huit pouces de longueur. Je parle ici de longueur au-lieu d’épaisseur, parce que la vis pressant horisontalement dans le coffre, au contraire des autres pressoirs qui pressent verticalement, je dois mesurer la pression par la longueur, qui simule l’épaisseur dans tous les autres pressoirs.

Il est certain, & les personnes qui en feront usage éprouveront, que sur un marc de douze à quinze pieces de vin, il y a dans l’usage de celui-ci, par la forte pression, une piece, ou au-moins une demi-piece de vin à gagner. Cela indemnise des frais du pressurage & au-delà.

Il y a encore beaucoup à gagner pour la qualité du vin, qui ne croupit pas dans son marc, & n’y repasse pas. Cela mérite attention. Joint à ce qu’avec deux hommes on peut faire par jour sur ce double pressoir six marcs, qui rendront chacun quinze poinçons de vin par chaque coffre, ce qui fera en tout cent quatre-vingt poinçons ; au-lieu que sur les autres pressoirs on ne peut en faire que quinze ou vingt pieces par jour, si l’on veut que le marc soit bien égoutté. Il suffira de faire travailler les pressureurs depuis quatre ou cinq heures du matin jusqu’à dix heu-

res du soir. Ils auront un tems suffisant pour manger

& se reposer entre chaque marc. Ainsi celui qui se sert des pressoirs à pierre ou à tesson, ne peut faire ces cent quatre-vingt poinçons, à vingt par jour, qu’en neuf jours : neuf journées de douze hommes, à trois livres par jour tant pour salaire que pour nourriture de chacun des douze hommes, font trois cens vingt-quatre livres, au-lieu qu’une journée de deux hommes à même prix, ne fait que six livres. Ne dépenser que six livres au-lieu de trois cens vingt-quatre, voilà un avantage considérable de se servir de ce nouveau pressoir, sans parler de la meilleure qualité & de l’augmentation de la production, qui font un bénéfice très-grand. Un propriétaire d’un lot de vigne considérable, doit être persuadé que ces trois objets suffisent pour l’indemniser des la premiere année de la dépense d’un semblable pressoir.

Entonnage des vins. Il y a des précautions à prendre pour la conservation des pressoirs, cuves, barlons, & autres vaisseaux & instrumens qui y servent. Toutes ces opérations finies, on doit bien laver le pressoir & tout ce qui en dépend, le frotter avec des éponges, ainsi que les cuves & autres vaisseaux qui restent ouverts pendant toute l’année, & les bien laisser secher avant de les renfermer.

Quant aux barlons fermés à double fond, il faut les laver & rincer en les roulant & agitant beaucoup. On peut même se servir d’une espece de martinet, qui est un bâton d’un pouce de diametre, & de quatre piés de longueur, au bout duquel on attache un nombre suffisant de petites cordelettes plus ou moins longues l’une que l’autre, qui ont à leurs extrémités de petites la mes de fer. On fait passer ce martinet par l’ouverture du fond ; on le fait descendre jusqu’en bas du vaisseau, & en lui faisant parcourir toute l’étendue des fonds & des côtés, on en détache plus facilement la lie. A l’égard des tonneaux ou trentains, on peut les laver, frotter & bien rincer étant défoncés, & les renfoncer après les avoir fait bien sécher. Il faut être soigneux d’en boucher exactement toutes les ouvertures. Après avoir pris ces précautions, on peut les renfermer dans la halle du pressoir. Enfin on n’y doit rien renfermer qui ne soit net & bien sec, de crainte de la moisissure ; il faut encore avoir soin de laisser beaucoup d’air au pressoir, en y pratiquant plusieurs fenêtres fermées seulement de barreaux de fer ou de bois.

De la façon d’entonner les vins. Entonner les vins promptement, donner à chaque poinçon une même quantité de vin sans pouvoir nullement se tromper, & d’une qualité parfaitement égale, en entonner trente ou quarante pieces en un espace de tems aussi court que pour entonner une seule piece, & par une seule & même personne, sans agiter le vin nullement, sans pouvoir en répandre aucunement, & en le préservant de la corruption de l’air ; c’est, j’ose l’assurer, ce qu’on n’a pas encore vû jusqu’ici, & qui sembleroit impossible, & ce que je vais cependant démontrer si sensiblement, que je suis persuadé que mon lecteur n’appellera pas de ma dissertation à l’expérience.

Personne ne doit ignorer que l’air & la lie sont la peste du vin, comme nous le dit M. Pluche, dans son Spectacle de la nature, tom. II. pag. 368. On ne doit donc pas négliger de l’en garantir le plutôt qu’il est possible. Je vais donner des regles pour prévenir le premier de ces inconvéniens : je déduirai les moyens de prévenir l’autre, lorsqu’il sera question du gouvernement des vins.

La façon ordinaire, que je ne puis me dispenser de blâmer, se pratique, à-peu-près du moins mal au mieux possible dans chaque vignoble du royaume. Le vin de cuvée coulant du pressoir dans un moyen barlon entierement découvert, & qu’on place sous